Chapitre 6 : Appréhension (fin)

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Je le revis une nouvelle fois, au moment d'aller chercher les résultats. Sa main dans la mienne en attendant d'être appelé me donna le courage d'aller chercher mon dossier du premier coup. Il m'était déjà arrivé de m'enfuir du centre et de ne revenir que plusieurs jours plus tard, trop terrifié à l'idée de devoir faire face à l'idée que, peut-être, j'avais le Sida. Cette fois, j'étais tellement obsédé par Sacha que je n'arrivais pas à penser à autre chose qu'à la manière dont les résultats affecteraient notre relation.

Je fus appelé en premier. Lâchant sa main à contrecœur, je lui lançai un petit coup d'œil encourageant avant d'entrer dans la pièce. La médecin fut rassurante, aucun test n'était revenu positif. Un poids dont je n'avais pas conscience lâcha ma poitrine. Cependant, elle m'avait reconnu. J'étais venu plus d'une fois au centre depuis mon arrivée ici. Elle essaya de me rappeler à la prudence sans tomber dans un jugement qui me découragerait à revenir si besoin. Ses efforts me touchèrent, même si j'en valais pas la peine, et je la remerciai sincèrement quand l'entretien s'acheva.

Quand je ressortis, Sacha n'était plus dans le couloir. Sans doute avait-il été appelé entre-temps. Je me posai mille questions en l'attendant. Il y a avait un délai de latence le temps que le virus se développe. Si lui était diagnostiqué positif, je risquais malgré tout de l'être aussi. Le silence tendu de la salle d'attente avec ces silhouettes anonymes me pesait de plus en plus à chaque minute. Qu'est-ce qui lui prenait si longtemps ? Un entretien prolongé était rarement bon signe, et je m'inquiétais de plus en plus. Avait-il cédé à la panique et fui aussitôt ma porte refermée ? Ce n'était pas impossible, il était tellement imprévisible.

Finalement, une porte s'ouvrit et laissa passer sa silhouette noire. Je me levai nerveusement et l'interrogeai du regard. Il me répondit par un sourire timide. Je poussai un profond soupir, et après cet échange muet, nous ressortîmes, côte à côte, nos mains s'effleurant.

Une fois sur le trottoir devant le bâtiment, je me tournai vers lui, hésitant. Si nous allions chez moi, nous savions bien ce qui se passerait. Nous aurions pu manger dehors, mais ni lui n'y moi n'en avions les moyens. De toute façon, j'avais cours dans moins d'une heure, et j'avais promis à Laurent de devenir assidu. Je savais qu'il était beaucoup plus sensé que moi.

— Du coup, tu n'as rien ? demandai-je maladroitement.

— Non, tous les tests sont négatifs. Je suis tellement soulagé ! Et toi ?

— Rien non plus.

Nous nous autorisâmes un sourire rassuré, un éclat de complicité.

— On a de la chance.

— Complètement.

Nos mains s'étaient jointes à nouveau, comme si nos corps croyaient encore en nous. Les jours avaient passé, et même si je l'aimais à en mourir, je savais bien que, quelque part, c'était déjà terminé. Je ne pouvais plus me jeter à cœur perdu en sachant que c'était sans espoir, et lui semblait avoir pris conscience de la souffrance qu'il me causait. Malgré tout, nos lèvres s'effleurèrent le temps d'un baiser.

Nous étions en pleine rue, un conducteur scandalisé klaxonna et nous insulta en passant. Je regardai la voiture s'éloigner, trop las pour m'énerver contre lui. Qu'est-ce qu'il pouvait bien comprendre à l'amour, ce connard ?

Conscient que le temps passait et qu'il fallait que je trouve le courage d'agir, je m'écartai de Sacha à contrecœur, luttant contre l'envie de rester près de lui en imaginant les tacles que Laurent me réserverait si je séchais une fois de plus.

— Je... je dois retourner à la fac.

Il attrapa ma manche et leva vers moi des yeux inquiets.

— On se reverra, hein ?

— Oui.

— Oui

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Stray catOù les histoires vivent. Découvrez maintenant