Chapitre 4

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   Nori marchait aussi vite que ses jambes le lui permettaient. Il ne voulait pas courir ni montrer l'excitation qui le parcourait. Il était fier de pouvoir se rendre utile en faisant l'une des choses qu'il aimait le plus au monde. Arrivé dans sa chambre, il ne sut que faire. Que devait-il prendre ? De quelle quantité de peinture allait-il avoir besoin ?

  Et il n'avait jamais vu de vraies fleurs. Il savait bien sûr à quoi cela ressemblait, il avait étudié toutes les planètes du Connectus ainsi que la Terre. Mais les illustrations qu'il avait pu observer étaient rares et le souvenir peu précis dans sa mémoire. Son ventre se tordit légèrement d'angoisse. Dans quoi s'était-il lancé ? Il avait eu les yeux plus gros que le ventre...

    Soudain, il reconnut le pas de Navile dans le couloir. Elle semblait se rapprocher. Cela le sortit brusquement de ses pensées. Il prit toutes ses encres, tous ses pinceaux et les plaça en tas sur une couverture. Il ferma le tissu et en fit un baluchon. Ce n'était pas très pratique, mais il n'avait pas d'autres solutions pour l'instant. Il alla enfin replacer avec douceur son fragile chevalet entre l'armoire et le bureau.

  « Tu es prêt pour que l'on y aille maintenant ? Je vais t'accompagner jusqu'à la maison, lui dit Navile. Comme ça tu pourras ensuite y aller seul, tu connaîtras le chemin. Il faudra seulement que tu préviennes quelqu'un quand tu quittes la nurserie... Surtout que la maison de l'ouvrier se trouve en dehors du dôme !

- Oui... Oui, désolé, s'excusa-t-il à nouveau pour la veille au soir.

- Bon allons-y, ne traînons pas. Tu as tout ce qu'il te faut ? demanda-t-elle en observant son baluchon improvisé qu'il tenait d'une main au-dessus de l'une de ses épaules.

- Je pense que oui. Mes encres et mes pinceaux sont là.

- J'essayerais de te dénicher un sac pour la prochaine fois, ce sera plus pratique. Tu veux que je le porte ?

- Non merci, ça va aller, je peux le faire tout seul.

- Si tu insistes. Sinon, en rentrant, tu pourrais aller fouiller au grenier de l'établissement voir si tu te trouves un sac. Je viens d'y penser, il y a une telle quantité de choses là-haut que je ne serais pas surprise que tu trouves ton bonheur !

- Il y a un grenier ? Je ne savais même pas, s'étonna-t-il.

- Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir traîné partout ! rigola la directrice en faisant référence à la curiosité qu'il avait plus jeune.

- Je m'ennuyais, il fallait bien un peu d'exploration pour m'occuper, se justifia Nori. »

    Les deux Aquarantes venaient de passer le pas de la porte de la nurserie. Ils nagèrent légèrement en hauteur pour surplomber la ville. C'était plus rapide que de faire des détours à pied dans les rues de la capitale. Les soldats vérifièrent leur identité et les laissèrent passer à l'extérieur du dôme.

   Nori avait rarement l'occasion de sortir du dôme, du moins en dehors de ses expéditions secrètes pour rejoindre sa petite île paradisiaque.

    Après une dizaine de minutes de nage au-dessus du quartier des cueilleurs d'algues, ils ralentirent. Il y avait peu de mouvement au-dessous d'eux. On pouvait apercevoir de jeunes enfants jouer et se courir après autour des habitations. Les adultes et les adolescents assez âgés pour travailler étaient tous aux champs d'algues.

    Nori aurait dû se trouver dans les cultures, à travailler avec eux aux côtés de ses propres parents. Il aurait dû courir dans les quartiers ouvriers en compagnie d'autres enfants, jouer au requin et au poisson. Mais le destin en avait décidé autrement. Parfois il aurait voulu être parmi eux, innocent et sans soucis. Sans ces milliers de questions qu'il tentait d'enfouir au plus profond de sa tête. Sans ces images qui lui revenaient sans cesse. Sans cette tristesse et cette douleur profonde...

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