Chapitre 15

18 7 22
                                    

10 ans auparavant

  « Papa ! Papa ! Regarde mon nouveau dessin ! J'ai essayé de dessiner le roi ! Il est beau, non ?

- Dis donc Riri, bravo ! Il est magnifique. Il est très ressemblant. Plus tard, tu seras un grand artiste et je serais ton premier fan !

- Ça veut dire quoi fane papa ?

- C'est le fait d'admirer quelqu'un, d'admirer son travail.

- Oh. Donc... Tu vas admirer mon travail et moi ?

- C'est ça, rit le père »

  Son petit garçon le regarda d'un air pensif. Tout cela était décidément bien compliqué. Les mots détenaient un grand pouvoir. Ils pouvaient faire pleurer, rire, effrayer, surprendre... Mais qu'est-ce qu'ils étaient compliqués à utiliser et à comprendre ! Dessiner était décidément plus simple. Pas besoin de réfléchir. Il fallait sa main, un crayon bien taillé, plein de jolies couleurs brillantes et des modèles pour recopier et faire un beau croquis !

  Le père passa sa main dans les courts cheveux de son fils, attendri, avant de retourner à son travail. Il écrivait quelque chose qui paraissait très important. Le petit garçon fut déçu qu'il l'oublie aussi vite... Son dessin n'était pas si beau que ça ?

  Il s'était rendu compte que les adultes ne disaient pas toujours des choses justes. Ils utilisaient les mauvais mots, se trompaient souvent volontairement. Sa maman disait que ça s'appelait mentir et que ce n'était pas bien du tout !

  Mais s'il ne faisait pas exprès d'utiliser les mauvais mots, allait-il être puni ?

  Il retourna au fond de la maison où se trouvait son petit bureau. Sous l'unique fenêtre de la petite habitation d'ouvrier, une planche de bois avait été accrochée horizontalement au mur, lui créant son espace où dessiner.

  Il attrapa de sa petite main le cadre d'un tableau. Sur la photo, le roi souriait. Il avait l'air gentil. Nori, car c'était bien lui, le compara avec son dessin. Bon, il était différent. Mais pas moche ! Son dessin était même plus beau que le vrai roi. Mais sa couronne ne brillait pas. Il n'avait pas d'encre jaune étincellant. Comment imiter cela ?

  Ses yeux firent le tour de la pièce et s'arrêtèrent sur le miroir. Il se trouvait au-dessus des lits. Le rideau faisant office de séparation entre les deux pièces était replié, ce qui permettait au jeune garçon d'apercevoir son reflet. Sa maman disait toujours qu'il était magnifique. Lui se trouvait plutôt banal.

  Il avait les mêmes yeux vert pâle que ses amis, les mêmes cheveux bleu foncé et les mêmes vêtements turquoises. Ce n'était qu'en grandissant que les cheveux prenaient une teinte plus claire.

  Hier, il avait eu six ans. Il s'était attentivement observé dans le miroir mais n'avait vu aucune mèche plus clair. C'était injuste. Pourtant il était vieux désormais !

  Bientôt il pourrait aller travailler avec les plus grands. Quand il aurait un âge à deux chiffres, lui a dit son papa. Dix ans. Il aimait bien jouer avec ses copains, courir partout et se bagarrer, surtout ! C'était rigolo. Mais il voulait aussi faire comme les grands. Ils revenaient souvent fatigués et de mauvaise humeur, mais ils disaient qu'ils faisaient vivre la famille. Lui aussi voulait faire vivre !

  Il eut soudain une idée de petit génie, comme dirait sa maman. Il se leva doucement et marcha sur la pointe des pieds jusqu'au miroir. Il ne voulait pas que son papa l'entende. Ce dernier lui tournait le dos. Son bureau était collé au mur à côté de la porte, à l'opposé de celui de son fils.

AquariusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant