Nori ne cessait de lire et relire le papier qu'il avait entre les mains. Il n'y croyait pas. Cela ne pouvait pas être vrai ! Quand l'avait-elle écrit ? Comment était-il arrivé là ? Et Navile le savait certainement... Du moins elle devait avoir reçu ces papiers et les avoir rangés au grenier. Elle ne lui avait rien dit...
L'adolescent relu une énième fois la lettre, n'y croyant toujours pas ses yeux même si toutes les preuves étaient là, réunies devant lui.
« Mon cher Riri,
Aujourd'hui, je t'écris cette lettre pendant que tu joues chez le voisin. J'entends ton rire résonner depuis leur maison. Léger, tintant agréablement aux oreilles. À l'instant où tu lis mon écrit, je me demande quel âge tu peux avoir. Douze ? Quinze ? Cinquante ? Es-tu encore un enfant innocent ou bien un adulte responsable ? As-tu une famille, des enfants ?
"Grand, je suis grand !" m'as-tu dit ce matin. Tu as eu six ans. Tu grandis vite. Nous ne voyions pas le temps passer avec ton père. Et malgré les années, tu resteras toujours notre petit Riri. Même si tu aimes clamer tout fort, du haut de tes six ans, que maintenant tu es un grand. Il reste une part d'enfance dans chaque personne. Peut-être es-tu à peine plus vieux à l'instant où tu lis cette lettre, et que tu as conservé cette joie de vivre.
Néanmoins j'espère que tu comprendras cette missive, que tu comprendras ce que ton père et moi avons accompli, aimerions accomplir. Ce n'est pas un projet personnel et tu serais étonné du nombre d'Aquarantes fidèles à notre Cause. Voilà maintenant dix ans que nous œuvrons en secret... Et nous sommes toujours plus nombreux !
Irréaliste, la Cause peut le paraître mais elle ne l'est pourtant pas. Et si tu lis cette lettre, c'est que les choses n'ont pas dû bien tourner. Ou alors que nous sommes morts tranquillement de vieillesse. Qu'importent les événements, ne te sens jamais responsable de nos actions !!! Nous seuls le sommes. Tu n'es pas Fucus et Laminaria, tu es seulement Nori, leur fils. Tu es quelqu'un qui doit prendre ses propres décisions, avec sa volonté et ses idées personnelles. Jamais, au grand jamais, ne te laisse accuser de choses que tu n'as pas faites !!! Je te connais bien mon fils, tu es très empathique et ressent les erreurs des autres comme les tiennes... Être à l'écoute des autres est important, être prêt à tout pour les personnes qu'on aime, les protéger jusqu'au bout. Mais jamais assumer leurs erreurs et punitions, porter un poids qui ne nous revient pas.
Fort malheureusement, je ne peux t'en dire beaucoup, ni t'expliquer clairement, ni répondre avec honnêteté aux multiples questions que tu te poses peut-être. Cette lettre peut arriver entre de mauvaises mains, et alors ce serait le drame... Mais je sais que tu es quelqu'un hors du commun mon Riri. À six ans, tu possèdes déjà des dons exceptionnels. Je suis sûre que tu es désigné pour quelque chose de bien plus grand... Tu sauras quoi faire et où chercher après ma lettre, j'en suis persuadée. Je ferais tout pour qu'elle arrive entre tes mains, mon amour. Et si jamais vous n'êtes pas Riri et que vous lisez cette lettre, sachez que vous ne pourrez jamais percer ces secrets, même si vous êtes très proche de nous. Vous n'appendrez rien de plus.
Imbattable. Et courageux. Riri, ne baisse jamais les bras. Ne te décourage pas. Tu trouveras les réponses que tu cherches. Entoure-toi des bonnes personnes et tu iras loin, plus loin que ton père et moi n'avons pu aller, tu iras au-delà de tous nos espoirs. Je le sais. Je le sens. Rien ni personne ne t'empêchera d'accomplir ta destinée.
Quelques personnes de confiance se montreront à divers moments de ta quête. Ils seront là pour toi. Ils t'aideront sans te poser de questions. Ils savent quel est leur rôle. Certains t'ont peut-être déjà contacté. Si tu avais peur, que tu n'avais pas compris jusqu'à maintenant pourquoi, retourne les voir. Ils sont là pour TOI. Juste pour toi. Et pour nous. Pour notre peuple. Pour notre Cause. La plupart viennent de la même classe sociale que nous. Mais tu serais étonné de savoir combien d'Aquarantes des autres classes nous soutiennent indéfectiblement. Il va te falloir chercher pour trouver toutes les réponses. N'oublie pas la rose éternelle.
Un petit moment dédié aux souvenirs. Tu te rappelles de notre maison ? Ni la taille ni l'apparence ne font l'âme. Elle était bien décorée n'est-ce pas ? Chaleureuse. Elle signifiait plus pour nous que pour les autres. Rappelle-t'en.
Et sache que nous t'aimons, L&F »
Nori finit par poser la lettre. Seuls ses parents l'appelaient Riri. Et jamais à l'extérieur ! Car il voulait être traité comme un grand garçon. Ils s'appelaient Fucus et Laminaria, malgré le fait que ces prénoms soient peu communs, d'autres personnes avaient pu les utiliser pour arriver à leurs fins. Mais il était persuadé que c'étaient eux.
Il se rappelait avoir joué avec le fils du voisin, le jour de ses six ans. Il était rentré tout sale, avec des égratignures. Il avait avoué qu'ils avaient joué à la guerre. Sa maman l'avait disputé. Il avait pleuré. Et il s'était dit que c'était l'anniversaire le plus nul au monde.
Étrangement, son souvenir était limpide malgré le temps qui était passé. Il s'en rappelait mieux que de ses derniers anniversaires à la nurserie.
La lettre était belle et lui réchauffa un peu le cœur. Mais elle ne contenait aucune réponse à ses questions. Elle avait même fait apparaître encore plus d'interrogations dans son esprit ! Comme s'il ne s'en posait pas assez...
« Nori ? l'appela Ana »
Il tourna la tête, presque surpris de la voir là. Elle était assise en tailleur sur le sol. Affublée de son grand chapeau violet qui lui donnait un air comique. Elle le regardait avec inquiétude et curiosité. Elle méritait de connaître toute l'histoire mais Nori ne savais pas s'il serait capable d'en parler. Tout lui semblait si récent et toujours aussi douloureux.
« C'est une lettre de mes parents. De ma mère plus précisément.
- Je m'en suis doutée. Je suis désolée, je l'ai lue. Je n'ai pas pu m'en empêcher.
- Pas grave. De toute façon, elle ne dit rien d'intéressant. J'ai encore plus de questions qu'avant...
- Elle doit receler un secret bien caché. Elle n'a pas été écrite sur un coup de tête. L'écriture est soignée, la tournure des phrases aussi. Elle a été travaillée à l'avance même si elle paraît avoir été écrite sur le moment. Et puis elle laisse entendre que seul toi peux comprendre ce que tout cela signifie.
- Depuis quand es-tu enquêtrice ?
- Euh, à l'instant ! rit-elle »
Nori retourna la feuille dans tous les sens, la plaça face à la lumière du jour pour tenter d'en percer les secrets. Mais il n'obtint aucun résultat. Une colère sourde monta soudain dans son cœur.
« Navile sait quelque chose... J'en suis sûr ! Quelqu'un a bien dû poser ça au grenier. Qui d'autre qu'elle ? C'est elle qui s'est occupée de la paperasse pour que je vive à la nurserie. Elle m'a forcément caché des choses... Je ne lui en ai jamais parlé mais maintenant que j'y pense elle doit forcément en savoir plus !
- Que... Qu'est-il arrivé ? À tes parents ?
- C'est une longue histoire... Je regarde s'il y a d'autres choses dans ce dossier puis je t'expliquerais. »
**********
Que de découvertes ! J'ai beaucoup aimé écrire ce passage (qui d'ailleurs est un peu plus court que les chapitres précédents) 😍
Que pensez-vous de la lettre ? A votre avis, elle contient un message secret ? (et si oui, vous pouvez tenter de le deviner 😉)
En tout cas, j'espère que ça vous plaît toujours !
Petite_clarou
VOUS LISEZ
Aquarius
FantasyLes chroniques du Connectus, tome 1 : Aquarius. Nori est un adolescent comme les autres, ou presque. Il vit dans un fabuleux monde aquatique qu'aucun d'entre vous ne connaît. Mais un passé difficile à digérer pèse sur ses épaules car il a grandi san...