Aquarius

Chapitre 6

   Il sursauta pour la deuxième fois de la journée. Il avait oublié qu'elle était toujours présente tellement il était concentré. Il s'aperçut également que le quartier s'animait. Les ouvriers rentraient du travail après leur dure journée de labeur. Il vit soudain s'approcher avec majestuosité, le propriétaire de la maison. Toujours appuyé sur sa canne, ses yeux vifs se déplaçaient rapidement sur le travail du jeune peintre.

« Hormis le fait que les roses ne poussent pas sur les arbres, c'est plutôt réussi ce début. Continue ainsi jeune homme.

- Je lui ai dit grand-père ! rigola la jeune Aquarante, Il n'a pas voulu me croire au début !

- Je suis désolé... Ça ne vous dérange pas ?

- Oh non, non. Chacun a sa vision des choses. Et puis les roses sont bien réalisées donc je n'ai pas à me plaindre. Je savais que tu avais du talent...

- Merci monsieur, rougit Nori.

- Tu devrais peut-être y aller, Navile va bientôt s'impatienter car il est déjà tard.

- Oh oui, je n'avais pas fait attention à l'heure ! »

    Il remballa en vitesse ses affaires et reforma son baluchon de fortune. Il n'avait pas réalisé que le soleil s'était couché, et pourtant il avait vu les cueilleurs d'algues rentrer. Il pria de tout cœur que la directrice ne lui en veuille pas trop et ne lui interdise pas de revenir ici effectuer son travail. Némalion avait posé sa main sur le bras de sa petite-fille. Tous les deux sourirent au jeune homme avant son départ.

« Au revoir, à demain monsieur.

- A demain Nori.

- Au revoir... ajouta-t-il.

- Ana, sourit l'adolescente. »

    Puis Nori s'élança et nagea le plus vite possible pour rejoindre la nurserie. Il se remémora le calme du vieil homme et le sourire de la fillette, cela lui donna des ailes pour avancer. Il avait très peu de contact avec les autres Aquarantes, préférant la plupart du temps la solitude. Mais il les avait trouvés très gentils et cela le réconcilia un petit peu avec les autres mais aussi avec lui-même. Il était capable de parler, de se faire comprendre d'autres personnes, d'être sociable.

    Il entra à toute vitesse dans la nurserie et par la plus affreuse des coïncidences, il fonça droit dans Navile ! Heureusement elle tituba mais ne tomba pas à terre.

« Ohjesuisvraimentdésolépourleretardetçavraimenraiment !

- Du calme, respire un coup et répète doucement je n'ai rien compris du tout.

- Je voulais dire que j'étais vraiment désolé pour le retard.... Et de t'avoir bousculée évidemment. C'était vraiment pas volontaire !

- Je l'espère bien que ce n'était pas réfléchi ! rigola la directrice.

- Je n'ai pas vu le temps passer... C'est seulement quand Némalion est rentré que j'ai réalisé qu'il était un peu tard...

- Alors je pense que je n'ai pas besoin de te dire que tu es en retard et que ça n'a pas intérêt à se reproduire. Étrange, j'ai déjà l'impression d'avoir vécu cette scène... »

    Nori rougit, honteux d'avoir abusé de la confiance de la directrice et de ne pas avoir fait plus attention. Il serrait très fort son baluchon entre ses deux mains tatouées, il avait tellement peur qu'elle lui interdise de retourner peindre car il n'est pas assez responsable.

   Heureusement pour lui, elle n'en dit rien. Elle l'invita à aller se préparer pour le dîner. Ce soir il devrait aider le cuisinier à débarrasser la table et à faire la vaisselle pendant que les nourrices nourriraient les derniers enfants, iraient les coucher avant d'aller elles-mêmes dormir. C'était une moindre punition et le jeune homme en était presque soulagé ! De plus le cuistot était un homme très sympathique et bavard, qui faisait la conversation seul. L'adolescent aimait l'écouter. Et il n'était pas obligé prendre la parole. C'était donc agréable.