Chapitre 16

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  De brusques et puissants coups retentirent alors que la famille dînait. Ils sursautèrent en cœur. Nori se retourna pour faire face à la porte d'entrée. Sans ménagement, le rideau d'algues pendu devant l'ouverture fut arraché brutalement. Trois soldats pénétrèrent les uns à la suite des autres dans la maison. L'un d'eux attrapa le jeune garçon dans ses bras et le fit sortir de l'habitation.

  Nori n'avait pas peur. Sa maman lui avait toujours dit que les soldats étaient là pour les protéger. Qu'il fallait les remercier pour leur fabuleux travail. Même si l'armure était dure et inconfortable, il se laissa serrer sans protester dans les bras de cet inconnu. Il voulait sûrement lui sauver la vie de quelque menace inconnue.

  Ce fut seulement lorsqu'il entendit les cris de sa maman qu'il eut vraiment peur. Pourquoi le soldat n'allait-il pas aider les autres, et surtout sa mère à combattre les méchants ? Et d'ailleurs qui venait leur faire du mal ?

  Les cris ameutèrent le voisinage. Tout le monde observait la scène avec stupéfaction et angoisse. D'autres soldats, une demi-douzaine au total, arrivèrent en nageant rapidement. Ils allaient enfin aider ses parents ! Nori se sentit soulagé même s'il avait un peu peur.

  Au bout de quelques instants, sa maman sortit de la maison, en pleurs. Elle avait des traces toutes rouges sur le visage, comme lui lorsqu'il jouait à la bagarre avec ses copains. Pourtant elle n'aimait pas ce jeu et le disputait quand il y jouait quand même avec ses meilleurs amis. Mais c'était si rigolo !

  Les mains de sa mère étaient fermement attachées dans son dos par du métal. Nori commença à douter de la mission des soldats royaux... Il savait qu'ils utilisaient de puissants et résistants matériaux ensorcelés pour créer des menottes. Le métal, importé d'autres planètes du système solaire du Connectus, était extrêmement rare et donc utilisé dans les cas les plus graves, les plus rares. Pourquoi en avaient-ils donc mis aux poignets de sa maman ? Personne n'était plus gentille qu'elle.

  Le soir elle lui brossait ses cheveux bleus devant le miroir. Elle ne cessait de lui répéter combien il était magnifique. Et pas seulement de l'extérieur mais aussi de l'intérieur. Que ce qui se cache à l'intérieur est plus important que quoi que ce soit au monde. Qu'il ne faut jamais oublier ces secrets.

  Revenant à l'instant présent, il vit que sa mère évitait son regard. Ses yeux étaient noyés dans un océan de larmes, qui dévalaient sur son beau visage désormais abîmé. Tout dans ses traits exprimait la détresse, la tristesse.

  Ce fut ensuite le tour de son père de sortir de la maison. Il avait aussi le visage rouge, mais rouge de colère. On aurait pu le prendre pour une bombe sur le point d'exploser. Il se débattait avec férocité contre les liens qui l'entravaient. Il fallut plusieurs soldats pour le maîtriser et l'empêcher de s'évader. Il criait d'une voix puissante qu'ils n'y étaient pour rien, qu'ils s'étaient trompés de coupables et que la vérité serait vite rétablie.

  Lorsque son regard croisa celui de son fils, il blêmit et toute rage sembla le quitter. Il paraissait las, désespéré.

  « Pardon, mon fils, pardon... Reste comme tu es surtout. Que le monde t'épargne de sa violence, de son injustice et de sa cruauté. Pardon, mon fils, pardon... marmonna-t-il »

  Nori dut tendre l'oreille pour entendre ces paroles, mais il ne comprenait pas vraiment ce que voulait lui dire son père. Que signifiait le mot injustice ?

  Ses parents échangèrent un regard de désespoir qui valait tous les discours du monde. On aurait pu croire qu'ils communiquaient télépathiquement.

  « N'oublie jamais que le plus beau est à l'intérieur Riri, cherche à l'intérieur le magnifique ! lui dit Laminaria »

  Les soldats les empoignèrent et leur muselèrent la bouche, comme on le ferait à des requins féroces, pour les empêcher de continuer de parler. Ils dispersèrent ensuite les voisins, toujours plus nombreux à observer l'irréelle scène se déroulant sous leurs yeux.

  Nori vit ses parents emportés par les gardes, vers une destination inconnue. Alors, comme si le temps s'était brusquement rétablit, il hurla en réalisant la situation. Il les appela. Il se débattit et tenta de sortir de la solide étreinte du soldat qui le détenait, pour rejoindre sa famille. Il cria à s'en déchirer la gorge, apostropha ses parents sans fin. Mais rien n'y fit, ils disparurent hors de sa vue. Traumatisé, il ne savait pas que ce serait la dernière fois qu'il les verrait...

  Il fut à son tour emmené par les gardes en direction du palais. Il ne profita néanmoins pas de la splendeur de ce dernier et ne garda aucun souvenir des nombreux couloirs qu'il prit. Il avait souvent rêvé d'y aller, mais jamais dans ce terrible contexte. Il ne savait pas ce qui lui arrivait, ce que ses parents avaient bien pu faire pour fâcher la respectueuse garde royale. Il espérait que, quoi que ce soit, c'était une horrible erreur, un cauchemar.

  Le lendemain, il se réveillerait aux côtés de son papa et de sa maman et réaliserait que ce n'était qu'un songe.. Ce qu'il ne savait pas, c'est qu'il l'attendrait toujours ce lendemain...

  Les semaines qui suivirent semblèrent floues pour le jeune garçon. Il était perdu, brisé, angoissé. Il passait ses journées à pleurer, à appeler sans fin les personnes qui lui étaient les plus chères au monde. Mais elles ne vinrent jamais.

  Il n'avait pas conscience de ce qu'il vivait. On le nourrissait de force car il refusait de s'alimenter. Il devait être enfermé dans une pièce car il tentait à tout prix de sortir, partir lui-même à la recherche de ses parents.

  Il n'eut pas conscience du procès de ces derniers. Les juges tentèrent de lui poser quelques questions pour tenter d'en apprendre plus sur l'enquête, mais ils étaient confrontés soit à un enfant hurlant et appelant vainement ses géniteurs, soit à un jeune garçon muet et sourd, refusant d'écouter tout ce qu'on lui disait et ignorant quiconque lui adressait la parole.

  Il ne se rappelait que d'une phrase de ce procès. La dernière. La plus horrible. La plus dévastatrice. La terrible et dernière parole prononcée par la grave voix du juge : la sentence.

  « Laminaria et Fucus, tous les deux cueilleurs d'algues de leur condition, sont condamnés à des années de prison suivie de la peine de mort pour attentat à la vie du roi. Que la sentence soit appliquée !!! »

Paf !

  Fit le marteau du juge, fait de coraux rouge sang, en frappant le bureau de pierres noires.

Crac !

  Fit le cœur du jeune garçon, désormais orphelin.

  C'était ainsi qu'il atterrit à la nurserie. Ce fut d'abord en attente d'un placement chez sa famille maternelle ou bien paternelle. Mais finalement, personne ne voulait de lui, le fils d'indignes traitres. Le juge remplit donc de nombreux papiers pour faire de l'orphelinat sa vraie maison. C'est comme cela que Navile, et les autres nourrices travaillant à la nurserie des quartiers sud, devinrent officiellement tutrices du jeune garçon.

  La directrice avait dû d'abord faire un long travail psychologique avec cet enfant traumatisé à vie, par le crime de ses parents et la violence de leur arrestation. Maintenant, il était passé d'un enfant brisé à un adolescent perdu, solitaire, et manquant grandement de confiance en soi.

  Le passé nous construit, quoi qu'il arrive, malgré les épreuves. Il forge notre caractère, marque notre âme à jamais. Les aventures mises en travers de notre chemin par le destin permettent de consolider notre force. Et les amitiés permettent de voler au-dessus de ces obstacles, de surmonter des montagnes et des vallées pour enfin apercevoir l'éblouissant soleil qu'est le bonheur.

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Bonsoir 😊

Voici la fin du flash-backs sur le passé de Nori. Pas très joyeux n'est-ce pas ? Mais ceci explique cela.

La suite arrive ce week-end ! 😉 Promis

Petite_clarou

AquariusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant