Chapitre 9

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    Les jours suivants se poursuivirent de la même manière. Nori aidait les nourrices le matin à s'occuper des bébés. Le midi il engloutissait son repas le plus vite possible pour rejoindre le quartier des ouvriers, accompagné de son baluchon de matériel. Il se perdait alors à nouveau dans son œuvre.

   Il en était bientôt arrivé à la moitié de la maison. Némalion lui avait ramené une échelle pour qu'il puisse peindre le dessus du toit. Le jeune peintre pouvait accrocher ses seaux de peintures à des crochets implantés dans l'échelle.

    Ana finissait toujours parle rejoindre. Et il sursautait toujours à chaque fois qu'elle faisait son apparition. La plupart du temps elle faisait la conversation à elle seule, racontant tout ce qui lui passait par la tête.

   Nori s'était habitué à sa présence et ne s'en offusquait pas. Il appréciait l'écouter parler des heures durant sans interruption. Il était un bon public pour elle, ne lui reprochant pas son bavardage incessant. Ils s'entendaient mutuellement et leurs caractères se complétaient. Souvent, une fois son travail quotidien terminé, ils allaient boire un bouillon bien chaud chez elle.

   Parfois Ana était de moins bonne humeur. Elle ne disait alors rien et se contentait de l'observer peindre avec application. De temps en temps, il lui montrait comment il s'y prenait. Il lui expliquait quelques techniques qu'il utilisait pour améliorer sa réalisation. Il essayait à sa manière de lui remonter le moral, de la faire penser à autre chose qu'à ses sombres tourments. Et il utilisait ces moments pour batailler ferme contre son insurmontable timidité.

    Un jour, la jeune fille ne vint pas. Nori peignait et essayait de se concentrer sur sa tâche mais plus le temps passait, plus il se demandait ce qu'elle faisait. Il commençait presque à s'inquiéter !

   Il se raisonna et essaya d'ignorer son absence. Au début Ana le dérangeait dans son travail mais désormais c'était l'inverse, son absence le perturbait et il espérait qu'elle finirait par arriver et qu'elle se moquerait de lui lorsqu'il avouerait s'être inquiété pour elle. Mais elle ne vint pas...

   Alors Nori s'enfonça dans ses pensées, dans son passé et ralentit le rythme de son travail. Il replongea dans la nostalgie et Ana n'était pas là pour lui raconter des bêtises qui l'en tireraient. Il se remémora encore et encore ce maudit jour qui avait fait basculer son existence...

De forts coups à la porte d'entrée....
Le regard inquiet que ses parents échangèrent...
Les soldats pénétrant brusquement dans leur intimité au milieu de leur souper...
L'accusation de traîtrise au royaume...
Les cris, les larmes, le choc, le désespoir...
La nurserie...
Et sa vie
Partit
En
Miettes.

- Toutes petites les miettes-

Le cœur brisé.
La honte de sa famille, la colère, le mensonge.
La confiance envolée, loin, très loin, inaccessible....

    Nori réalisa soudain qu'il était désormais accroupi par terre. Il pleurait à chaudes larmes entre ses mains. Le barrage qu'il avait construit autour de son cœur venait de céder. Parfois, cela arrivait. Quand son cœur débordait, quand il en avait marre de ne pas comprendre, de ne pas savoir. Quand la souffrance devenait moins tolérable... Il craquait et laissait ses tumultueuses émotions reprendre le dessus.

« Nori.... Ça va ? Que se passe-t-il ? lui demanda une douce voix »

    La personne qui venait de lui parler avait posé un bras autour de son épaule. Son pouce faisait des cercles apaisants sur sa tunique. Nori sanglotait toujours et tremblait au fur et à mesure que sa poitrine se soulevait douloureusement. Il n'arrivait plus à s'arrêter. Un flot intarissable de larmes salées coulait le long de son visage. Ses paupières, fermées sur ses yeux verts, échouaient à les retenir.

AquariusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant