Blinded [L.S.]

Chapitre 3

Juin 2020

Harry

"Je ne peux pas maman, chuchota-t-il, la voix tremblante de colère, en refermant la porte derrière eux pour éviter d'attirer l'attention de Louis. Tu sais qui c'est, au moins ?
_Bien sûr que je le sais Harry, fit-elle, dissipant ses derniers doutes par la même occasion. Je l'ai su dès que sa mère s'est présentée au téléphone. Le nom Tomlinson ne court pas les rues tu sais.
_Alors pourquoi m'as-tu amené ici ?
_Parce qu'il s'agit de ton métier.
_Provisoire.", précisa-t-il, comme si elle ne le savait pas déjà.
"Effectivement, ce qui signifie une implication totale.
_Mais c'est Louis ! ", s'écria-t-il en tapant puérilement du pied l'herbe sous lui.

Après avoir ruminé toute une partie de la matinée dans son coin, il avait fini par demander à sa mère s'il était possible d'avoir une discussion avec elle dehors. Elle avait accepté en s'excusant auprès de Louis, qui ne lui avait d'ailleurs pas adressé un mot depuis leur arrivée.

"Oui, et après ? lui répondit-elle, soudainement un peu plus hargneuse. Non, mais Harry, tu t'entends ? Et moi qui pensais que tu avais un talent particulier pour comprendre la psychologie humaine... Est-ce qu'on a vraiment été dans la même maison aujourd'hui ? Ou ai-je été la seule à voir toute cette détresse qui émane de ce jeune homme ?
_Qui, Louis ? Mais qu'est-ce que t'en sais, toi, de sa détresse ? Il n'a même pas ouvert la bouche !
_Les gens n'ont pas besoin d'hurler leur souffrance au monde pour être malheureux, Harry. Il a perdu la vue, nom de Dieu, il ne s'est pas cassé un ongle !
_Mais-
_Je sais ce qu'il représentait pour toi, Haz, le coupa-t-elle sur un ton plus doux. Mais c'est fini, vous avez grandis entre temps. Et lui plus que toi."

Et tout à coup, il se sentit démuni face à ses propos. Elle lui renvoyait une image de lui peu glorieuse et immature, car elle prenait la voix de la mère qui annonçait à son fils que le père Noël n'existait pas. Et il ne savait pas, lui, s'il avait envie de ne plus y croire, parce qu'il était plus qu'un simple mythe pour lui, Louis. Un mythe, c'était juste une histoire qu'on contait aux gamins pour qu'ils s'endorment le soir, ou pour qu'ils puissent voir la vie avec plus de couleurs qu'elle n'en avait réellement. C'était une histoire que les adultes inventaient avec un sourire bienveillant sur le visage, comme s'ils voulaient préserver encore un peu leurs enfants de la misère qui les entourait. Comme une blague qu'on avait tous raconté au moins une fois dans sa vie, et même si tout le monde connaissait déjà sa chute, on ressentait toujours le besoin de la répéter, car c'était une preuve qu'il existait parfois des choses immuables dans ce monde où tout bougeait trop vite.

Louis, ce n'était pas une blague, ou un mythe. Il en était sûr, parce qu'il l'avait vu de ses propres yeux.

"Tu l'idolâtrais, et je comprends que tu aies encore ce sentiment, je te le promets, mais il faut que tu ouvres les yeux et que tu sortes de ta bulle. Il a perdu son ami et sa vue ; il a perdu sa vie, et notre travail est de l'aider à accepter sa nouvelle situation. Alors peu importe si tu ne le veux pas, tu es obligé. Parce qu'il a besoin de nous, même s'il ne le sait lui-même pas encore. Et, contrairement à ce que tu penses, je suis sûre que tu es le mieux placé pour l'aider. Bien avant moi."

Il eut envie de lui dire qu'il ne se rappelait même pas de lui, mais il n'en avait absolument plus la force. Parce qu'elle était en train de le mettre à terre, de l'éclater au sol et de continuer à le piétiner. Qu'elle lui mettait devant le nez l'immensité de sa bêtise sans même lui en donner le choix.

Mais si elle comptait sur son discours bien travaillé pour lui faire comprendre ce qui était vraiment essentiel, elle avait parfaitement réussi. Parce qu'il se mit enfin à réaliser l'ampleur de la situation. Que cet homme qu'il avait aimé en secret pendant sept ans était aveugle. Que c'était irrémédiable. Et qu'il n'en avait probablement rien à faire lui, de ses caprices de diva.