Chapitre III

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"Je ne comprends pas, répéta son père. Vraiment pas. Pourquoi n'as-tu pas ramené plus de fleurs d'Orytju ?

— Mais je te l'ai déjà dit, s'énerva Kyanite qui sentait sa patience d'atténuer peu à peu. J'ai été arrêtée dans ma besogne par des humains. Il m'a fallu leur échapper sans qu'ils ne me voient et je n'ai pas osé remonter dans la montagne après leur rencontre parce qu'il était possible qu'ils y soient encore et qu'ils soient plus nombreux.

— Mmm, fit son père encore méfiant. En tout cas cela signifie que tu devras bientôt retourner dans la montagne à moins que quelqu'un d'autre ne se porte volontaire mais cela m'étonnerait... Enfin ! Nous nous contenterons de ces fleurs."

Elle hocha la tête et sortit à l'extérieur de la maison. Elle ne pouvait évidemment pas parler du gardien à son père ou aux autres gens de sa ville, ils auraient tous bien trop peur et refuseraient certainement qu'une jeune elfe prenne autant de risque en retournant sur la montagne. Avoir du sang sur les mains leur faisait peur, elle le savait.

Elle marcha jusque sa maison. À vrai dire, ce n'était pas vraiment une maison. Elle se trouvait dans le jardin de la demeure de son père et se rapprochait plus d'une cabane mais Kyanite s'y sentait chez soi. Autrefois cet abri était le refuge de sa mère, c'est ici qu'elle passait le plus clair de son temps. Kyanite ignorait ce qu'elle y faisait concrètement. Mais lorsque sa mère fut morte l'enfant qu'elle était à l'époque y était retournée plusieurs fois. Peut-être avait-elle cherché un réconfort particulier en ce lieu toujours est-il qu'il était devenu pour elle comme une maison. Lorsqu'elle atteignît l'âge de douze son père accepta qu'elle y vive et c'est ainsi que depuis plus de trois ans elle habitait réellement dans cette maison. Elle ne l'avait pas beaucoup changé pour autant, y avait simplement ajouter un lit.

Elle entra dans la cabane composée d'une grande pièce circulaire, contourna la table ronde qui en occupait la majeure partie et se jeta sur sa chemise de nuit d'un bleu sombre qui émettait un curieux contraste sur sa peau d'une pâleur presque inquiétante. Elle regarda un instant ses mains qui, comme le reste de son corps, comportaient d'étranges tâches légèrement plus sombres que sa propre peau. Elle s'était toujours demandé ce que pouvaient être ces espèces de grain de beauté et elle ne les aimait pas beaucoup. Nombre d'elfes avaient la peau aussi pâle que la sienne et certains avaient quelque tâches de son mais aucun n'en avait autant.

D'un autre côté, les seuls elfes qu'elle avait jamais réellement rencontrés se limitaient à ceux de sa ville, ce qui ne se résumait pas à beaucoup.

Elle se coucha dans son lit mais resta un bon moment les yeux ouverts à fixer les lucioles qui se réfugiaient fréquemment dans sa maison et qui émettaient une douce couleur verte.

Mais elle ne faisait pas vraiment attention aux insectes lumineux.

Trois visages se confrontaient dans son esprit.

Un vieil homme étrange qui se prétendait être gardien. Mais de quoi donc ?

Un jeune homme aux cheveux d'un roux éclatant qui ne semblait curieusement pas vouloir son mal.

Et son ami au regard si sombre qu'il pouvait rivaliser avec les ténèbres elles-mêmes.

Ce dernier demeurait encore plus que les deux autres dans son esprit.

Pourquoi lui avait-il adressé la parole ? Qui était-il ? Pourquoi n'était-il pas comme tous ces humains ?

Ce ne fut qu'après maintes et maintes questions ressassées encore et encore dans son esprit et au prix d'un incommensurable effort pour faire taire toutes ses pensées que la jeune elfe parvint à s'endormir.

Au Nord d'AùrilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant