Partie III : Le monde chico - Chapitre 1 : Le monde ou rien

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« Waouh ! Pourquoi tu ne nous as jamais montré tes photos ! Elles claquent ! Tes portraits sont vraiment beaux... Moi, t'as du déjà comprendre que j'étais plutôt paysages. ». Ken était un mec avec le cœur sur la main. Il avait de nombreuses qualités mais comme eux tous, il avait aussi de piètres défauts, dont celui de s'immiscer dans les activités de chacun quand il s'ennuyait.

Tarik leva simplement les yeux de son livre. Depuis le début de l'après-midi, elle était sur son ordi car il faisait trop chaud pour aller répéter. Tous étaient au frais dans le bus et s'occupaient à sa façon. Son frère écrivait pendant que Florian et Olivio jouaient et composaient.

« Merci. Je ne vous les ai jamais montrés parce que je ne vous ai jamais posé la question si vous vouliez être photographié. ». Elle était en train de répondre à Ken, mais elle le regardait lui. Quand elle croisait son regard, elle ne le lâchait plus.

« On est des personnalités publiques et même si ce statut a beaucoup d'avantages, il a aussi quelques inconvénients, dont celui être photographié sans notre accord. Mais je te rassure, toi, ce n'est pas pareil, tu vis avec nous et on sait que tu ne les vendras pas. ». Quand il était lancé, Ken était un vrai moulin à paroles. Et elle savait que le seul moyen de le faire taire était de lui montrer les photos. Sans même qu'elle le lui dise, Ken avait déjà pris place à sa droite.

Alors, d'un moment discret de tête, elle mima à Tarik de venir la rejoindre. Et comme à chaque fois, il le fit sans aucune hésitation. En effet, dans sa mosaïque, il ne vit que des portraits. D'eux. Il devait en avoir des centaines. Dans le bus, à l'extérieur, quand ils faisaient de la moto, quand ils allaient se promener à la plage, quand ils étaient en concert, mais surtout quand ils répétaient.

Les portraits étaient pris de manière identique, seulement la tête et les épaules étaient visibles. Jamais un de leurs regards n'avait croisé l'objectif. Enfin, elle ne modifiait les photos que rarement, seulement pour les mettre en noir et blanc ou en sépia.

« Qu'est-ce que t'en penses frère ? ». « Je pense que tu devrais fermer ta gueule sale hamar et profiter qu'elle te montre tes photos. », pensa-t-il, mais il ne lui répondit que par un regard qui exprimait exactement la même chose. Heureusement, Ken n'était pas susceptible : il se contenta de hausser les épaules et continua à s'adresser à elle : « Ça te dérange qu'on tire un drap et qu'on les projette en panorama ? Fais pas ta timide, on est des artistes, on n'aura jamais vu d'aussi belles photos que les tiennes ! ». Comme à chaque fois qu'elle était gênée, elle baissa la tête. Mais elle accepta, parce qu'elle avait bon cœur.

Pendant que Ken s'enjaillait, elle en profita pour mettre un dossier dans sa clé. Elle le fit si rapidement qu'il n'eut même pas le temps de voir le nom. « Tiens, c'est pour toi et j'espère que tu ne m'en voudras pas. ». Elle lui mit pressement le périphérique dans sa paume. Mais il n'eut même pas le temps d'hausser un sourcil que Ken se ramenait avec la clique entière.

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En tout début de soirée, il se posa seul tranquillement sur le bord de la piscine. Certes, elle était hors sol, mais bien pratique. Elle avait eu l'idée de construire une petite terrasse en bois amovible, qui s'enlevait aussi facilement qu'elle s'installait. Ils avaient investi dans tes transats, un parasol... Bref, pour l'été, c'était top. Avant de commencer, il but une gorgée de bière.

Il avait en main son ordi et bien sûr, la clé qu'elle lui avait donnée tout à l'heure. Et quand il vit le dossier « Tarik », son cœur manqua un battement. Il savait que ces photos étaient un bonus, parce qu'elle en avait déjà prise de lui. Pendant le diaporama, il reconnut qu'elle était douée.

Même si c'étaient eux les modèles, une certaine bonté se dégageait des portraits. En réalité, ils la reflétaient elle, à travers eux. Il devenait trop poétique et cette situation ne s'arrangea pas quand il découvrit ses portraits. Une dizaine en plus.

« Alors, t'en dis quoi ? T'as intérêt d'argumenter ta race, parce que je supporte pas les gens qui ne se justifient pas. ». Il leva les yeux car elle avait mis sa tête au-dessus de la sienne. Elle avait tenté d'imiter sa voix et une des phrases qu'il disait souvent aux organisateurs.

Elle se décala sur le côté et il découvrit qu'elle avait enfilé l'un de ses T-shirt de basket. D'abord, il eut envie de lui faire la remarque mais finalement, il trouva qu'il lui allait plutôt bien, surtout parce qu'il dévoilait ses jambes qu'elle ne montrait presque jamais.

Elle s'imposa sur le transat une place, le forçant forcément à se décaler. Il geignit mais aimait son audace. Et même, après ce qu'elle lui avait confié, il pouvait faire un effort.

« J'en dis que t'es douée. Pourquoi tu m'as photogr aphié plus que les autres alors que j'ai le charme d'une huitre ? ». Comme d'habitude, ils se regardèrent droit dans les yeux.

« Eh bien, parce que justement, je crois que je l'aime. ». Avec son sourire ravageur, elle assuma jusqu'au bout. Elle déclenchait en lui la paix. S'il devait décrire un ressenti, il choisirait l'image d'un feu. Ce dernier avait des avantages méconnus, dont celui de permettre de recommencer.

Tout ce qu'elle leur a appris - PNLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant