Chapitre 3 : Comme pas deux

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Les Tarterêts, Corbeil-Essonnes. Début de l'automne, scène de jour. En intérieur, dans leur appartement. Enfin, celui de son enfance, dont ils étaient les deux seuls propriétaires depuis qu'elle avait insisté pour racheter les parts de son frère.

En ce fin de septembre, il faisait déjà chaud et la clim et le ventilateur fonctionnaient autant le jour que la nuit. C'était l'avantage de bien gagner sa vie : ils ne regardaient pas aux dépenses.

Dans l'appartement, toutes leurs pièces étaient aérées. Les volets n'étaient jamais fermés et seulement la musique ou les frères pouvaient briser le calme.

Hier encore, après l'amour, sur l'oreiller et ce à quoi ressemblaient des confidences et même s'il avait l'habitude de lui demander, il lui reposa une fois de plus la question : « Sérieusement, pourquoi oim ? T'as vu ma tête par rapport à la tienne ? Tu es magnifique, j'ai tout le temps envie de toi. ». Même si elle était déjà posée contre son torse, elle le serrait encore plus fort.

Il connaissait déjà la réponse parce qu'elle lui l'avait rendue une centaine de fois, au cours de divers évènements, mais surtout pendant leurs disputes qu'elle détestait. C'était toujours lui qui les provoquait, pour finalement savoir si elle l'aimait toujours.

« Tarik, tu es ma bouée, mon oxygène. », répondait-elle avec une voix moins audible que d'habitude, les larmes aux yeux. Elle détestait les embrouilles, les cris, la violence en général. Finalement, elle le réconciliait toujours avec lui-même, lors d'étreintes qui le surprenaient à chaque fois : il se mettait à la fenêtre pour fumer et elle venait de derrière enlacer ses bras contre son abdomen. Alors, il expirait une dernière taff, se retournait et la serrait fort.

Elle lui avait appris qu'il ne fallait jamais briser l'étreint que quelqu'un offrait. Puis, il levait sa tête, soit à l'aide de son index qu'il plaçait sous son menton, soit avec ses deux mains qu'il mettait de part et d'autre de son visage. Enfin, il l'embrassait d'un baiser passionné, enflammé, entier. Et quand elle rouvrait les yeux, elle avait toujours ce regard indescriptible, rempli d'amour, d'affection, de bonté, mais aussi de pardon. Parfois de la colère, mais rarement.

Il aimait ces moments de douceur. Pour le lui prouver, il mettait sa tête dans sa nuque pour sentir son parfum qui était composé d'amande et de fleur d'oranger.

« Et parce que tu es fort et que de cette force découle l'instinct de protéger les tiens. ». Elle réfléchissait toujours avant de parler et il n'y avait qu'elle pour faire de telles déclarations.

Ainsi, pour apprendre à la connaître, il fallait l'observer. Elle était sa femme dans sa vie de tous les jours, son amante le soir et son inspiration pour ses paroles.

Quand ils rentraient à l'appart pour quelques jours, c'était toujours elle – comme si elle trouvait ça naturel alors que ça n'avait rien de l'être – qui se portait volontaire pour l'entretenir. Pourtant, aucun d'eux n'avait jamais osé de la traiter comme une femme au foyer. Au contraire. Parce qu'elle finissait toujours par lancer les lessives sans séparer le noir des couleurs, cuisinait les repas alors qu'ils ne mangeaient jamais à table et surtout, jamais elle ne faisait de commentaire quand toute l'équipe venait. Comme tous, elle aimait cette vie en communauté.

Parfois, elle sentait le besoin d'être seule, pour se retrouver avec soi-même. Elle n'avait jamais eu besoin de lui expliquer. Ils étaient artistes, créateurs, musiciens pour certains mais surtout rappeurs. La différence de ces hommes-là était qu'ils étaient plus sensibles à leur environnement. Ainsi, leur notion de groupe, de partage, de loyauté, de fidélité était décuplée, surtout parce qu'ils avaient déjà tous vécu dans la galère. Et la fraternité les avait sauvés.

Quand elle allait bien, elle écrivait dans son laptop, avec ses lunettes sur le nez qui lui empêchaient d'avoir mal aux yeux. Personne ne savait quoi il contenait et surtout, aucun ne se serait permis d'aller le fouiller. Ils lui faisaient tous entièrement confiance, tout le temps.

Souvent, il s'asseyait en face d'elle, juste pour avoir le plaisir de l'observer. Regarder ses lèvres tant de fois analysées. Ainsi, il pouvait sans difficulté les décrire même avec les yeux fermés.

Mais depuis hier, son sourire avait disparu. Effacé par un visage fatigué aux traits tirés. Et surtout, elle ne parlait plus. Il s'était passé quelque chose. Et pour Tarik, c'était la fin du monde.

Tout ce qu'elle leur a appris - PNLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant