Partie VI : Deux frères - Chapitre 1 : Autre monde

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« Il faut que tu montes d'un cran du côté gauche, ce n'est pas droit du tout tes conneries. ». Il aimait son frère plus que tout au monde, sauf quand ils ajustaient les étagères de la bibliothèque.

Ses deux bibliothèques. Quand elle emménagea, elle avait plus de cartons de livres que de fringues. C'était il y a déjà deux semaines. Et comme d'habitude, il n'avait pas vu le temps passer car comme il l'avait prévu, elle s'était parfaitement intégrée à sa vie.

« Putain mais on est vraiment en train d'assembler des découpes de bois ?! Tu crois qu'elle a les a tous lu ? ». Nabil désignait les bouquins. Objets qu'ils n'avaient jamais eu l'habitude d'avoir, surtout entre les mains. Mais Tarik était satisfait de ce changement.

« Ça ne m'étonnerait pas. Elle a l'habitude de se resservir de ses affaires. J'ai hâte que toute cette folie soit finie, qu'elle redevienne ma femme. La mienne, la seule, l'unique. ». Il aimait l'ombre, alors qu'elle était lumière. Comment se débrouillait-elle pour briller ?  Cet après-midi-là, elle était absente, pour cause de « récupération de robe ». Elle était partie depuis une heure.

« Elle t'a changé frère. Enfin, non. Elle a su dévoiler ton côté que j'étais pourtant le seul à connaître y'a quelques mois. Rien à voir, mais t'as écrit depuis qu'elle est entrée dans ta vie ? ». Comme dirait Ken, oui et non. Il exprimait en outre toujours ses peurs et ses doutes, mais quand il le faisait, il pensait à d'autres sujets que ceux qu'il avait toujours rappé.

C'était étrange mais habituellement, il aimait se confier à son frère. Pas aujourd'hui. Il lui répondit par un simple hochement de tête. Heureusement, Nabil n'insista pas. Ce dernier le connaissait mieux que personne : « J'sais pas gros mais je me sens... ».

« C'est normal frère, tu passes des caps de ouf en très peu de temps ! Demain, tu vas t'unir jusqu'à ta mort à la femme que tu as choisie donc que tu kiffes. Profite man, elle est... ».

« Tarik, Nabil ! ». Quand il l'entendit rentrer, il prit une bouffée de chaleur, parce qu'il savait... « C'est bon, j'ai enfin récupéré tous les paquets ! Alliances, robe, chaussures, fleurs... ». Et à ce moment-là, il ressentit une adrénaline indescriptible. Parce qu'il savait à quoi s'attendre.

Parce qu'ils avaient décidé de faire leurs achats ensemble. Chacun avait choisi l'alliance de l'autre avec son approbation, elle avait essayé sa robe de mariée devant lui - et il préféra ne pas revenir sur cette pensée pour éviter d'être de nouveau bouleversé par la vision qu'elle lui avait offerte -, il avait dû se battre pour lui offrir ses Converses blanches mi-hautes et enfin, ils s'étaient mis d'accord pour les fleurs de sa couronne.

« Ouais ! ». Comme d'habitude, il grogna pour manifester dans quelle pièce il se trouvait. Soudainement, elle apparut dans le salon, pour la première fois les bras chargés de paquets.

« Frère, mais aide-là ! Tu ne changeras jamais... En plus, y'a notre rhô et sa go qui doivent arriver d'un moment à l'autre ». Son frère se leva pour l'aider à entreposer les sacs.

« Merci Nabil. J'ai hâte de les rencontrer mais ça me met une pression de ouf... Imagine que je ne leur plaise... ». Tarik la rejoignit pour lui mettre sa main devant sa bouche, autre geste qu'il faisait quand qu'elle disait des choses insensées. « Et ! Va prendre une douche, tu transpires comme... ». Elle devenait beaucoup trop honnête, et c'était la conséquence de vivre avec lui.

« Et comment Nabil va faire pour remettre toutes nos récompenses sur le mur ?! Il faut le repercer je te rappelle, parce que tes bibliothèques ont pris leur place. ». Il essayait de se plaindre, mais elle savait qu'en réalité sous ce ton cachait un bonheur qu'il refusait d'avouer.

« Bah je vais l'aider ! Et vraiment, dépêche-toi d'aller te laver. Tu ne vas pas recevoir Inès dans l'état que tu es ! ». En toute logique, Inès était la copine de Yanis.

Il détestait quand elle lui donnait rarement des ordres, même si à chaque fois ils étaient justifiés. Alors, il se contenta de lui tourner le dos sous les rires de son frère.

Il ne put même pas profiter de la quiétude qu'offrait habituellement la douche, car elle et Nabil s'éclataient à se comporter comme des bricoleurs du dimanche. Quand il entendait leurs rires liés, il savourait cet instant. Il n'y avait rien de plus beau qu'une complicité familiale. En parlant de famille, ce ne put être qu'Inès et Yanis qui toquèrent à la porte. Étant le plus proche, il alla ouvrir, encore torse nu. Ce n'était gênant pour personne car tous en avaient l'habitude. Son frère tomba littéralement dans ses bras : « Yo le futur marié !!! Alors, elle est où ta princesse ? ».

Et avant que Tarik ne lui réponde, il s'engagea dans l'appartement, laissant Inès sur le palier. A 8 mois de grossesse, il pouvait sentir qu'elle était presque au bout de ses forces. Et comme si chacun pouvait lire dans ses pensées, - impression qu'il haïssait -, elle lui répondit : « Salut Tarik, comment vas-tu ? Moi ça va, c'est plus ton frère que ton futur... Bref, qui me fatigue. ».

Il avait la sensation d'avoir encore raté quelque chose, mais il préféra fermer la porte pour aller les rejoindre dans le salon. C'était le bordel le plus complet. Définitivement, rien ne pouvait être normal dans leur famille. Tous se parlaient comme s'ils s'étaient toujours connus.

« Salut, et bah écoute, moi c'est Yanis, le dernier né de la famille Andrieu... Du moins, jusqu'à ce que mon... Enfin, jusqu'à ce qu'avec Inès, notre enfant vienne au monde. ».

Ton, mon... Il commença petit à petit à comprendre, jusqu'à ce que Yanis l'interrompt dans sa réflexion : « Stop ! Oui, on avoue, on est nul pour garder les secrets ! Nous attendons un petit garçon... Et commencez pas à nous casser les... pour le prénom, on n'y a pas encore réfléchi. ».

Et à ce moment, la seule pensée qu'eut Tarik fut la suivante : les annonces officielles n'étaient vraiment pas une habitude chez sa mif. A un moment, quand elle alla chercher quelque chose dans la cuisine, Tarik expliqua à ses frères et à Inès la situation qu'elle traversait concernant son incapacité à avoir des enfants, et surtout ce qu'il venait de se passer quelques jours de cela.

Étrangement, Nabil, Inès et Yanis le regardèrent avec confiance : « Ne t'inquiète pas pour elle, inconsciemment et surtout au moment où vous vous y attendrez le moins, son esprit et son corps se débloqueront. Fais-moi confiance, je suis une femme, je pense savoir ce qu'elle ressent. Elle vient de subir un choc mais tu verras... ». Ce fut à ce moment qu'il adopta définitivement Inès.

Tout ce qu'elle leur a appris - PNLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant