Nuance Arc-en-Ciel ©

28 juin (3/3)

Après avoir traversé Corvallis d'Est en Ouest, nous nous retrouvons au 1225 SW Timian Street, devant une maison majestueuse au double garage et à la pelouse parfaitement verte et tondue. J'ignore chez qui on est, mais en tout cas, sa famille a l'air d'avoir pas mal de fric.

L'extérieur est confectionné de briques ainsi que de bois peint d'un bleu gris qui donne aux lieux un air vachement élégant. Oui, définitivement, je sens qu'on n'est pas chez n'importe qui.

Jack éteint le moteur et nous sortons tous dehors, la chaleur commence déjà à être particulièrement intense alors qu'il n'est encore que midi. Je préfère profiter et absorber le plus d'air possible maintenant, car ensuite, je ne sais pas quand sera le prochain arrêt.

Donatello me colle aux basques et je trouve ça marrant, ça me fait plaisir qu'on est une mascotte pendant ce voyage. Lily le tient par l'arrière de son collier pour l'empêcher d'aller dans le jardin. Avec l'air de convoitise qu'il le fixe, je suis certain que si elle le relâchait, il irait faire plein de trous dedans.

Jack klaxonne à deux reprises et s'arrête, contrairement à sa copine quelques heures plus tôt lorsqu'elle était chez moi.

Quelques secondes plus tard, alors que je discute tranquillement avec Lily, une jeune femme brune sort de la demeure et s'avance dans notre direction. Elle a l'air un peu plus âgée que nous, peut-être cinq ou six ans en plus, je ne saurais dire.

Une fois devant nous, elle nous jauge chacun notre tour, les bras croisés sur la poitrine et en se mordant frénétiquement l'intérieur de la joue. Elle ne semble pas très contente de nous savoir là.

— Vous n'imaginez pas la faveur que vous avez fait à mon frère, accuse-t-elle en se concentrant sur Jack et Tyrone.

Son ton est rempli de reproches, puis surtout, elle n'a même pas pris la peine de se présenter, ce qui en dit long sur ses manières. D'accord, elle semble énervée, mais elle pourrait au moins rester un minimum courtoise.

Jack ravale un rire et tend la main afin de serrer celle de la jeune brune, qu'elle se contente de fixer puis finalement, elle lui fout un vent.

— Bonjour, Summer. Eh oui, il m'a parlé de ce qui l'attendait cet été s'il restait ici.

J'arque un sourcil. Visiblement, il a omis de nous raconter cette partie-là un peu plus tôt. Qu'est-ce qui attend le septième d'entre nous s'il ne part pas ? La pire des tortures ? Un voyage en famille ?

— Oui, bien sûr, mon frère n'est jamais disposé à donner un coup de main. Merci beaucoup de lui avoir proposé ce voyage, ironise-t-elle, ça a été l'occasion rêvée pour se faire la malle.

Apparemment, la présence de son frangin compte beaucoup pour elle, ce qui n'a pas l'air d'être réciproque.

— Ça va Summer, arrête de râler, dit une voix depuis l'entrée de la maison.

Je me décale un peu et observe un type aux cheveux noirs, de dos, assez baraqué et qui fait plus ou moins ma taille. Mais lorsqu'il se retourne, j'ai la sensation de recevoir une gifle en plein visage : River Park.

Il attrape son sac par terre avec une aisance qui en ferait pâlir plus d'un et viens vers nous d'un pas nonchalant, tête haute et menton relevé, ce sourire narquois esquissant sa gueule d'ange aux traits métis asiatiques et caucasiens. Ses yeux brun-miel en forme d'amande se posent sur moi et j'y descelle un éclat de malice. Oui, je n'ai pas oublié notre petit tête à tête d'il y a deux jours et il semblerait que lui non plus.

Tyrone et Jack se dépêchent d'aller vers lui pour lui en taper cinq. Ils semblent excités comme des puces, tandis que mon regard se porte vers Rory, qui est appuyée contre un flanc de la voiture, tout juste à côté de Sarah. D'abord, elle a l'air surprise, voire même mal à l'aise, mais rapidement, son expression change et elle devient souriante. Qu'est-ce qui peut bien lui traverser l'esprit ? Je me le demande bien.