Chapitre 10

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     Hiryu eut un peu de mal à comprendre les paroles du milicien les premières secondes. Il ne put s'empêcher de répondre avec la plus grande franchise dont il était capable actuellement :

- Quoi ?

Le jeune homme aux yeux violets n'avait rien trouvé de mieux à dire tant il était étonné par les mots du milicien. Lui qui avait pensé que ce dernier essayait vraiment de l'aider...
Hiryu sortit de ses pensées en sentant une main fraîche se poser sur sa joue. Asgeir s'était levé et s'était approché de lui :

- Je sais déjà ce que tu es en train de ruminer et non, je ne te laisserai pas aller à la potence sans rien faire, annonça le milicien. Il me faut cependant du temps pour retrouver les vrais coupables et il me faut du temps sans que Rohen ne me mette des bâtons dans les roues.

Hiryu acquiesça en se concentrant à nouveau sur la conversation.

- Il te faut pouvoir manœuvrer sans éveiller les soupçons du vrai coupable derrière toute cette histoire, reprit Kalyan avec un sourire. Je comprends ta stratégie, cependant, et comme l'a soulevé Hiryu, nous manquons de temps.

- Pas si tu peux nous en donner, répondit Asgeir avec un petit sourire. Si tu ramènes Hiryu à la capitale avec Rohen, tu peux t'arranger pour retarder les audiences auprès du roi.

- Et Rohen ne se doutera de rien, trop obnubilé par sa future gloire, continua Kalyan. C'est une grosse responsabilité que tu me confies là, Asgeir. Si je n'y arrive pas...

- Mes contacts à la cours vous aideront, le coupa Mevir. Je suis arrivé aux mêmes conclusions que vous, inspecteur, et je pense que cela peut marcher. Néanmoins, si vous ne parvenez pas à trouver le coupable, je ferai en sorte qu'Hiryu s'enfuit de la capitale avant sa condamnation.

Les trois hommes se tournèrent alors vers Hiryu qui n'avait plus rien dit. Le jeune homme sentait des larmes humidifier ses yeux mais il se retient de pleurer. Il avait peur. Les trois hommes en face de lui étaient des hommes d'honneur et il avait une confiance absolue en Mevir. Cependant, le plan signifiait qu'il allait se faire arrêter, emmener et emprisonner à la capitale avant d'être jugé devant le roi et sa cours. C'était beaucoup d'informations à avaler en un instant :

- Hiryu... Commença le gérant de la maison.

- J'ai confiance en toi, Mevir, se reprit le jeune homme. Si tu penses que je ne risque pas d'être exécuté, je le ferai.

- Tu as peur, laissa alors tomber Asgeir.

Hiryu se tourna vers le milicien. Evidemment qu'il avait peur. Asgeir et Kalyan étaient des soldats avant tout et ils étaient entrainés à gérer ce genre de situation. Ce n'était pas son cas, lui qui était habitué à la vie plutôt paisible de la maison de plaisir. Le jeune prostitué sentit sa gorge se nouer un peu plus quand il répondit :

- Oui, j'ai peur. Je ne suis pas habitué à être en première ligne et à être en danger.

- Tu ne seras pas en danger, annonça alors Kalyan. Je te protégerai et je...

- Vous resterez avec moi dans les geôles du roi ? Le coupa alors Hiryu qui savait qu'il n'aurait pas dû parler aussi ouvertement devant un membre de la famille royale. Vous me protégerai des gardiens de la prison si l'un d'entre eux décide de me violer ? Et lorsque je serai jugé devant toute la cours, même si ce n'est que pour gagner du temps, serez-vous à mes côtés ?

Le jeune prostitué s'empêcha de continuer. Il avait déjà trop parlé. Il savait que Kalyan et Asgeir voulaient l'aider et essayaient de tout mettre en œuvre pour l'innocenter et arrêter les vrais coupables. Il s'était laissé submerger par l'émotion.
Un lourd silence s'était installé entre les quatre hommes quand Hiryu prit une grande inspiration pour se reprendre :

- Pardonnez-moi d'avoir été aussi impoli, seigneur Kalyan. Je sais que l'inspecteur et vous-même ne voulaient que découvrir la vérité. Je ferai également ce qui est en mon pouvoir pour prouver mon innocence.

- Tu as tous les droits du monde d'avoir peur, répondit Asgeir. C'est vrai que notre plan n'est pas dépourvut de défauts et de potentiels dangers pour toi. Cependant, j'ai bien peur que ce soit la seule option que nous ayons.

- Mais je te promets sur mon honneur que je ferai mon possible pour te protéger lorsque nous serons à la capitale, continua Kalyan.

Hiryu les remercia et se mit à nouveau en retrait. Il savait que pour le moment, il devait éviter de parler pour ne pas se laisser à nouveau envahir par sa peur. Il savait très bien que cette dernière était normale mais il devait réussir à se reprendre. La maîtrise de ses émotions était bien quelque chose qu'il avait toujours apprit à faire. Le jeune homme écouta encore de longues minutes les deux soldats élaborer leur plan. Mevir expliqua également qu'il allait transmettre des lettres à ses alliés à la capitale pour qu'ils fassent en sorte que le procès soit retardé au maximum.
Comme le temps leur était compté, Asgeir annonça que leur plan devait démarre dès le lendemain :

- J'annoncerai à Rohen et à tous les habitants de la maison que l'enquête a menée à conclure que tu étais coupable, annonça le milicien en regardant Hiryu. Ne te formalise pas de ce que je pourrais dire, je dois être crédible aux yeux de Rohen pour qu'il ne cherche pas plus loin. Kalyan se chargera de t'escorter à la capitale pendant que mes hommes et moi continuerons nos recherches sur les terres du baron.

- Nous justifierons ainsi ma présence, continua Kalyan.

- C'est vrai que je ne vous ai pas posé la question, seigneur Kalyan, mais pourquoi êtes-vous ici si tôt ce matin ? demanda alors Mevir.

- J'ai reçu un message d'Asgeir me disant qu'il avait besoin d'information. Je n'ai pas eu à chercher longtemps vu que j'avais participé à la demande de Rohen au roi. Je suis donc venu dès la fin de ma dernière garde.

Hiryu aurait bien voulu demander pourquoi le neveu du roi avait accouru à la demande d'un milicien, cependant il n'en fit rien. Il écouta encore attentivement les explications d'Asgeir avant que Mevir ne se lève pour prendre congé :

- Le repas de mes hôtes va être servit et j'aimerais qu'Hiryu y participe, annonça le gérant avec un sourire. Nous nous verrons demain. Je vous ferai apporter vos repas dans vos chambres.

Les deux soldats le remercièrent. Hiryu les salua avant de suivre Mevir vers la salle commune des hôtes. Il ne put s'empêcher de lancer un regard à Asgeir avant de partir. Ce dernier le regardait également et il lut son regard comme dans un livre ouvert...

Le Chêne BlancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant