Chapitre 13

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     Hiryu avait attendu toute la matinée mais ni les miliciens, ni les hommes de Rohen n'avaient fait un pas. Le jeune homme n'avait pas vu Asgeir de la matinée, ni lui, ni Kalyan. Même le baron ne s'était pas montré.
Le jeune prostitué avait presque espéré un instant que cela signifiait un changement de plan mais il fut bien rapidement détrompé lorsque Mevir entra en premier dans le grand salon de la maison où s'était rassemblé les hôtes. Il affichait une mine renfrognée et Hiryu comprit que la suite ne serait pas évidente. Peu de temps après le géant de la maison, Rohen et trois de ses hommes entrèrent dans la salle, suivi d'Asgeir et de Kalyan. Ces derniers avaient des visages fermés mais cela ne changeait pas vraiment de l'habitude. Le chef de la milice était un homme bien moins avenant lorsqu'il était en service que dans l'intimité d'une chambre, Hiryu le savait mieux que personne.
Rohen se plaça devant les hôtes et exigea le silence. Il passa ensuite son regard sur les femmes et les hommes devant lui avant de s'arrêter sur Hiryu. Ce dernier ne baissa pas les yeux :

- J'ai le plaisir de vous annoncer que l'inspecteur de la milice et moi-même avons trouvé le coupable du meurtre de mon père, annonça le baron avec un sourire. Et comme l'exige la loi du roi, le prostitué nommé Hiryu sera escorté et emprisonné dans la prison du palais dès aujourd'hui.

L'annonce souleva une vague de contestation immédiate de la part de tous les hôtes. Hiryu sentit son cœur se serrer de gratitude en entendant les siens le soutenir et le défendre. Cependant, personne ne pouvait rien y faire et pour que leur plan fonctionne, il fallait qu'il en soit ainsi. Le jeune prostitué savait que quoi qu'il dise, il serait arrêté, cependant, il allait tout de même se défendre. Il n'allait pas laisser une victoire totale à cet homme détestable. Il plongea alors son regard violet dans celui de Rohen :

- La loi du roi demande des preuves, et vous n'en avez aucune contre moi, répliqua le jeune homme. Vous ne cherchez pas le coupable, mais seulement une personne à sacrifier pour vous glorifier devant le roi.

Des acclamations d'affirmation s'élevèrent de la part des autres prostitués pour confirmer ses dires. Le jeune homme savait qu'il risquait d'être encore malmené par Rohen s'il se défendait, cependant, cela aurait pu paraître suspect de rester impassible.
Hiryu fut satisfait en voyant la mine enjouée du baron s'assombrir. Cependant, le jeune homme ne s'attendait pas à être empoigné par derrière. Un des soldats de Rohen lui coinça les bras dans le dos avant de le faire avancer. La gifle qu'il reçut ensuite réveilla la douleur qu'il éprouvait toujours là où il avait déjà été frappé :

- Tu ferais mieux de la fermer, petite pute, l'insulta alors Rohen. Je te ferai comprendre où est ta place.

- La loi précise qu'il doit arriver en pleine possession de ses moyens pour l'audience avec le roi, annonça alors Asgeir d'un ton neutre.

- Comme c'est adorable, inspecteur. Vous défendez ce jeune prostitué... seriez-vous tombé sous son charme après cette nuit ?

Les mots de Rohen sonnèrent comme du poison aux oreilles d'Hiryu. Il avait pensé être passé inaperçu la veille mais apparemment, ce n'était pas le cas. Il espérait de tout cœur que cela ne mettrait pas en péril leur plan.
Le jeune prostitué allait répliquer quelque chose quand il fut coupé par le chef de la milice :

- Il a en effet essayé de me convaincre la nuit dernière pour faire pencher la balance en sa faveur, annonça le milicien d'un ton froid et détaché. Son cul m'a satisfait et il a également prit son pied. C'est la seule chose qu'il a obtenu de moi.

Hiryu savait que les paroles d'Asgeir n'étaient là que pour endormir les doutes de Rohen mais il ne put s'empêcher d'être blessé. Habituellement, les avis de ses clients ne l'intéressaient absolument pas, mais dans ce contexte particulier, il se sentait bien plus à fleur de peau. La nuit dernière avait été un peu particulier, plus intime que ce qu'il avait connu précédemment. Entendre Asgeir en parler comme d'une simple baise lui serra le cœur. Il dû cependant user de toute sa volonté pour ne rien montrer. Il jeta un regard de dégoût au milicien, puis fixa le baron avec haine. Il savait mimer toutes les émotions à la perfection mais il ne se força absolument pas à cet instant. La haine qu'il ressentait contre l'homme en face de lui qui essayait de briser son monde et sa maison était bien réelle :

- Comme convenu, le seigneur Kalyan, membre de la Garde de la capital, escortera le prisonnier jusqu'à la prison du palais avec vous, annonça Asgeir. J'ai reçu une nouvelle mission par le roi et il me faut donc me mettre en route immédiatement.

- Nous partons également sur le champ, annonça Rohen.

Le baron était plutôt content de ne plus avoir les miliciens dans les parages, il pourrait savourer sa victoire pleinement.
Hiryu n'eut même pas le temps de dire au revoir à ses compagnons qu'il se sentit pousser vers la cours extérieur. Il remarqua que les chevaux étaient déjà prêts. Il sentit alors un des hommes du baron attacher ses mains devant lui avec une corde qui lui écorcha les poignets. Il sentit alors deux mains plus douces se poser sur ses épaules et un murmure lui parvenir à l'oreille :

- Tu vas monter devant moi, annonça Kalyan.

Le soldat souleva sans attendre le prisonnier et l'installa à l'avant de son cheval. Hiryu savait qu'il fallait habituellement 2 heures pour aller à la capitale, mais avec un cheval devant transporter deux hommes, il faudrait certainement le double du temps.
Le jeune prostitué sortit de ses pensées en sentant le garde s'installer derrière lui. Il vit alors Mevir s'avancer vers lui. Ce dernier ne put cependant pas plus s'approcher qu'un cavalier se planta devant lui :

- Il devait monter avec moi, annonça Rohen avec un regard noir pour Kalyan.

- Je suis chargé de l'amener jusqu'à la prison du palais, répondit le soldat. Je veux qu'il y soit en un seul morceau et vous avez tendance à le brutaliser, baron.

Le ton de Kalyan ne prêtait pas à discussion, de même que le regard noir qu'il lui lança. Rohen marmonna quelque chose mais ne répliqua pas plus. Il fit alors avancer son cheval vers le chemin qui menait hors du domaine du Chêne Blanc.
Hiryu se tourna alors vers la maison de plaisir et sourit en voyant les autres hôtes en haut des marches. Il voyait leurs mines tristes et il sentit des larmes perler à ses yeux. C'est alors qu'il sentit une main se poser sur sa cuisse :

- Je vais tout leur expliquer, ne t'inquiète pas pour eux, annonça Mevir. Ils sont tous derrière toi.

- Dis leur de prendre soin d'eux, annonça Hiryu qui aurait voulu que sa voix soit plus ferme. Dis leur que je les aime et que j'essaierai de revenir vite.

- Tu reviendras vite, affirma Mevir. Prend soin de toi mon petit Hiryu. Je suis désolé...

Ce dernier sourit à son protecteur même s'il ne comprit pas pourquoi il s'excusait. Il allait lui demander, mais Kalyan lui fit prendre le chemin à son cheval. Il sentit alors une main ferme mais douce se poser sur son bras :

- Je te le promets, tu reviendras chez les tiens, murmura le soldat. Sois courageux, je te protégerai.

- Merci, répondit Hiryu dans un souffle.

Le jeune homme vit alors le groupe de milicien passer à côté de lui au galop. Il aperçut à leur tête Asgeir. Le temps d'une seconde, il croisa son regard et il y lu sa détermination. Le chef de la milice et ses hommes prirent la route vers l'Est alors que le groupe de ses geôliers s'avançait déjà sur le chemin qui menait à l'Ouest. Hiryu prit une grande inspiration en dépassant le grand chêne blanc à l'entrée du domaine, il reviendrait, il se le promis.

Le Chêne BlancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant