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      Je me tenais maladroitement sur mon siège en gigotant. La ceinture de sécurité me broyait la gorge sans que je n'y prête grande attention. Taehyung, calmement installé sur le siège d'à côté, m'offrait des coups d'œil à la fois amusé et intrigué. Ils étaient rapides, pour ne pas quitter la route des yeux trop longtemps, mais je les sentait tout de même peser sur moi.

      Il m'avait aidé pour monter dans l'Audi à la peinture grise juste après que je ne me sois présenté à lui dans les formes faisant naître sur son visage un sourire étrangement rectangulaire et captivant fallait-il avouer. Une fois de plus, son bras s'était entouré autour de moi pour me soutenir durant le trajet jusqu'au parking du bar. Après cela, plus un mot n'avait été prononcer pour mon plus grand inconfort. Nous étions plongés dans le silence, seul le vrombissement du moteur se faisait entendre dans l'habitacle. Nous avions quitté les rues de Séoul depuis quelques minutes, six tout au plus.

      Il y avait cet étrange creux qui se faisait ressentir dans mon estomac, c'était un mélange de peur et d'appréhension. J'avais agis spontanément, sur le moment ça me paraissait être le meilleur choix, mais quand j'y réfléchissais un peu plus je me demandais si je ne faisais pas une énorme erreur. Je ne connaissais rien sur l'homme qui se tenait à côté de moi, peut-être que lui aussi se trouvait être un de ces psychopathes incroyablement doué pour berner ses proies. Il s'apprêtait peut-être à me vendre au plus offrant, ou bien à me tuer de manière soigneuse pour ranger mon corps dans une chambre froide histoire afin que ma chaire puisse être conservée pour être comestible en cas de pénurie alimentaire.

       Oh mon dieu. Est-ce qu'il était cannibale ?

       Un frisson remontait le long de ma colonne vertébrale alors que je secouais la tête pour me chasser toutes ces idées. Le rire de mon compagnon résonnait dans mes oreilles m'incitant ainsi à lui lancer un regard perdu.

— Qu'est-ce qu'il se passe dans ta tête ? Ricanait-il.

— Est-ce que vous allez me manger ? Déblatérais-je rapidement sans même me rendre compte de l'absurdité que je venais de sortir.

      Si j'avais pu, je me serais frappé la tête contre le tableau de bord. Mais cette fichue ceinture me plaquait violemment vers l'arrière alors je me contentais de couvrir mes lèvres à l'aide de ma paume pour les empêcher de me trahir une fois de plus. J'osais un coup d'œil risqué vers le garçon aux cheveux rouges qui semblaient perdu en pleine réflexion.

      Et si ça lui donnait des idées ?

— Seulement si tu me le demande, concluait-il. Et tu peux me tutoyer Jungkook.

      Sa phrase résonnait dans le véhicule ainsi que dans ma tête alors qu'une lueur étrange brillait dans ses yeux avant qu'il ne détourne ses derniers sur la route avec raison : c'était plus prudent. À vrai dire, sa remarque avait eu le don d'apaiser mes craintes, ce n'était pas tellement ma faute, disons que mes pensées s'emballaient souvent d'elles-mêmes, toutes seules.

— Je préférerais rester en vie... soufflais-je.

— Je sais, pouffait-il le coin de lèvres frétillant pour former un sourire qu'il avait eu du mal à réprimer.

       Mes lèvres formaient un « O » parfait soutenu par le petit son qui l'accompagnait. Ça m'arrangeais dans ce cas. C'était étrange, je n'avais connu cet homme que de loin et, à présent que je le voyais de près, c'était différent. C'était comme s'il avait revêtit une nouvelle personnalité. Ce n'était pas vraiment pour me déplaire.

— Où allons-nous ? Ça fait longtemps qu'on roule...

— Ma résidence se trouve en dehors de la ville, c'est là qu'on va. Il vaut mieux s'éloigner le temps que tout se tasse, ça risque d'être un réel désastre.

— Tu es très riche, alors...

       Il avait dit résidence, pas appartement, ni maison. Alors j'imagine que ce doit être quelque chose d'assez coûteux vu le modèle de sa voiture ainsi que son allure d'homme d'affaire qui lui collait parfaitement à la peau.

      Son coude gauche se déposait sur le rebord de la fenêtre, ne tenant plus qu'avec une seule main le volant de cuir. Il frottait son visage dans sa paume, son énigmatique sourire contagieux sur le visage. D'un geste timide, je baissais la tête et humidifiais rapidement mes lèvres sèches peu habituée à s'étirer en un sourire. C'était désagréable, je n'aimais pas vraiment cette sensation de tiraillement, mais je n'avais pas mon baume à lèvre sur moi. Je soupirais bruyamment sans le vouloir en me rendant compte que j'avais laissé mes affaires derrière moi. Je n'avais ni mon téléphone, ni mon carnet à croquis, ni mon MP3.

— Qu'est-ce que tu as ? demandait la voix rauque du conducteur.

— J'ai laissé mon sac-à-dos dans les vestiaires du bar...

— Je ne peux pas faire demi-tour Jungkook, je suis désolé.

— Je sais, ce n'est rien... Répondais-je en un murmure.

       Nous avions replongé dans le silence pour finir le trajet. Ça n'avait pas été très long puisqu'une dizaine de minutes plus tard nous étions garé dans une allée en dalle devant une bâtisse au mur beige composé de deux rectangles emboîtées l'un dans l'autre sur une pente. Il n'y avait pas la moindre trace d'un quelconque voisinage aux alentours, c'était assez calme et semblait presque abandonné. Seulement l'herbe semblait coupée et la façade assez propre ce qui me prouvait le contraire.

      J'apercevais Taehyung sortir de la voiture et m'empressais de le suivre alors qu'il m'emboîtait le pas en marchant à quelques mètres devant moi. Il sortait un trousseau de clés simples, il n'y avait pas de porte-clé ou autre décoration dans le genre. La lourde porte d'entrée s'ouvrait avec un petit bruit électrique, Taehyung me faisait un signe de son index et son majeur pour m'inciter à pénétrer à l'intérieur.

— Reste-là, je reviens tout de suite.

      Je hochais la tête, plus par réflexe puisqu'il avait déjà disparu en prenant la première porte à gauche après avoir parlé. Dans les minutes qui suivaient, il y eu un petit grésillement qui me faisait froncer les sourcils en jetant un coup d'œil derrière moi. L'ampoule de la lampe de l'entrée scintillait, faiblement d'abord. Puis au fur et mesure la maison reprenais doucement vie de lumière. Taehyung réapparaissant dans mon champ de vision en s'élançant dans le couloir alors que je le suivais de près.

— Je croyais qu'il n'y avait plus d'électricité ?

— La central à lâchée, ça a causé une coupure générale. Mais j'ai un générateur indépendant qui n'est pas relié aux réseaux électriques. De même pour l'eau, elle vient du puits qui se trouve dans le jardin.

      Je fredonnais comme si j'avais compris, ce qui n'était pas faux même si je ne visualisais pas trop comment tout ça fonctionnait. On atterrissait dans ce qui semblait être le salon, c'était simple mais chaleureux, il y avait un sofa en tissu noir de trois grandes places où on pouvait sûrement y entasser six Jungkook. En face de celui-ci, se dressait un écran plat sur un meuble de télévision et un tapis aux poils sombres décorait cette partie du sol. À l'autre bout de la pièce se tenait une table laqué blanc accompagnée de quatre chaises en cuir de la même couleur.

— Tu habites seul ? Tu n'as pas de... Femme ? Demandais-je, hésitant.

      C'était peut-être une question un peu trop personnelle après mûre réflexion. Taehyung m'offrait son amabilité, mais ce n'était pas une raison pour qu'il accepte que je me mêle de sa vie privée. C'était indiscret, ça doit être pour ça qu'il me regardait avec cet air à moitié étonné accroché à ses traits.

— Non Jungkook, je suis célibataire, me répondait-il en insistant sur le dernier mot ce qui me faisait froncer les sourcils.

      J'avais du mal à m'imaginer le genre d'homme qu'était Taehyung vivre seul. D'un point de vue tout à fait objectif, il était vraiment beau. Et sa couleur capillaire inédite ne le rendait qu'encore plus intriguant.

— Pourquoi ?

— À toi de me le dire. 

Thorns Of Chaos - TaekookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant