Chapitre 22 : LES RÉACTIONS

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Cette première matinée de cours a été assez mouvementée. Moi, qui voulais être tranquille, c'est raté. En arrivant dans la salle, tous les regards se sont braqués sur moi. C'était très déstabilisant.

Notre professeure de Français, Madame Calibri, qui était déjà ma prof l'an dernier, était ravie de me voir. Elle m'a présenté devant toute la classe, ce qui était totalement ridicule car à mon avis, l'ensemble des élèves devaient déjà me connaitre. Et ce moment de présentation a duré très longtemps. Elle a beaucoup parlé de mon accident aux élèves en leur disant aussi qu'il fallait être sympa avec moi et qu'elle comptait sur eux pour m'aider. Au secours !

Durant les interclasses, plusieurs élèves sont venus me parler, d'autres m'ont fait des câlins, je dois dire que je n'ai pas tout compris. Tous m'ont souhaité un bon retour cela dit et m'ont dit qu'ils étaient contents de me revoir. Certains m'ont harcelé de questions du genre : « Qu'est-ce que ça fait d'être dans le coma ? », « Est-ce que tu es revenue des morts ? », « Tu as vu des anges ? » ... Enfin bref, vous voyez le genre, que des questions ridicules et sans intérêt !

J'ai bien évidemment croisé Cassie, étant donné qu'elle est dans ma classe. Elle a essayé de m'adresser la parole mais je n'ai fait que l'ignorer. Je l'écoutais seulement lorsqu'elle me communiquait des informations sur les cours. Cependant, à la fois du troisième cours, elle m'a interpellé et ça a éclaté.

—   Becca, est-ce qu'on peut parler, s'il-te-plaît ?, m'avait-elle demandé pour la dixième fois.

—   Je n'en ai pas vraiment envie.

—   Mais moi, si !

—   Très bien, je t'écoute, lui avais-je dit fermement en lui lançant un regard noir.

—   Tu vas m'ignorer encore longtemps ? J'ai attendu un an pour te retrouver, tu ne vas pas me faire attendre encore.

—   Je ne sais pas trop, j'ai encore besoin de temps.

—   Besoin de temps pour quoi ?

—   Pour digérer tout ça.

—   Sérieusement ? Il ne t'a pas fallu longtemps pour pardonner à Jake.

Comme je n'avais pas répondu, elle avait subitement ajouté :

—   Je sais que ce que je t'ai fait est impardonnable mais je pensais vraiment que tu pourrais me comprendre. Je t'ai laissé du temps mais lorsque j'essaie de t'expliquer, tu ne m'écoute même pas. Je ne sais plus quoi faire alors dis-moi...dis-moi ce que tu veux que je fasse pour que tu puisses m'écouter.

—   Tu n'as rien à faire.

—   Mais enfin pourquoi ? Pourquoi lui as-tu pardonné alors que moi, tu ne veux même pas m'écouter.

—   Pourquoi ? Parce que tu es la personne en qui j'avais le plus confiance. Tu es ma meilleure amie, la personne que j'admirais. Toi, je te connais depuis toujours. Le problème c'est que tu n'es pas eu assez confiance en moi pour me dire la vérité et je le prend comme une trahison. Je suis désolé mais c'est comme ça.

Nous étions seules dans la salle et tant mieux, je n'aurais pas voulu que d'autres personnes nous écoutent et suivent le « spectacle ». J'attire déjà assez l'attention comme ça. Après avoir crié, nous nous sommes regardés en silence avant que je parte. Cassie avait les larmes aux yeux mais pourquoi devrais-je la plaindre ? Qui se retrouve mise à l'écart d'une certaine manière ? C'est à moi d'être triste et non l'inverse.

Étant l'heure de la pause déjeuner, je me dirige vers la bibliothèque. Sur mon chemin, je décide de passer par le réfectoire. Une petite partie de moi souhaite apercevoir la bande.

En arrivant à l'entrée de la cantine, je me cache dans un coin. J'aperçois notre table où tout le monde y est installé. Ils ont l'air heureux. Damien et Kira sont enlacés et grignotent des frites, tandis qu'Alexis et Mona sont assis l'un en face de l'autre autour d'un livre. Sur les sept chaises, il y en a bien sûr une qui est vide mais Cassie est à ma place. Je sais que cela peut sembler ridicule mais on avait tous nos petites habitudes et chacun avait sa place attitrée en quelque sorte. Et évidemment, Cassie a pris la mienne entre Jake et Mona.

Je ne pourrai pas vraiment dire dans quel état je me trouve en ce moment. C'est étrange. J'ai l'impression de ne jamais avoir fait partie du groupe. À part la chaise vide, rien d'autre ne montre mon absence. Je n'ai pas l'impression de leur manquer. Cassie est joyeuse, c'est comme si notre dispute n'avait jamais eu lieu. Elle qui habituellement était distante envers les autres et jalouse de ma relation avec les amis de Jake, elle a désormais l'air super à l'aise. Au moment où Mona croise mon regard, son sourire se fige et elle m'envoie un regard compatissant. Elle s'apprête à dire quelque chose lorsque je lui fais comprendre un « non » avec mes lèvres de loin. Je quitte ensuite rapidement le réfectoire et continue mon chemin vers ma destination initiale. Finalement, je ne sais pas si j'arriverai à surmonter tout ça. À chaque fois que je pense faire un pas en avant, j'en fais dix après en arrière.

Ayant l'impression d'étouffer et me sentant seule, je décide d'appeler la seule personne qui, je suis sûre, pourra m'aider.

—   Salut Papillon, comment ça va ?, me demande-t-il au bout du fil.

Le simple fait d'entendre sa voix me remonte un peu le moral.

—   Hey, murmuré-je.

—   Becca, qu'est-ce qu'il y a ?

Je sens de l'inquiétude dans sa voix. Je ferme les yeux et laisse passer un silence avant de lui répondre.

—   Je n'y arriverai pas Liam.

—   De quoi tu parles ?

—   Le lycée, c'est trop difficile. Je ne m'y sens plus à ma place. J'ai l'impression de n'avoir jamais existé.

—   Qu'est-ce qui s'est passé ?

Je me mets à lui raconter toute ma matinée d'une traite : les élèves, Cassie, le réfectoire...

—   Becca, écoute-moi. Il faut que tu te calmes. Je sais que c'est difficile mais ce n'est qu'une mauvaise passe. Essais de passer outre.

—   Et comment suis-je censée faire ?, demandé-je perdue.

—   Bah...pour commencer, tu pourrais essayer de parler à d'autres personnes, d'aller vers les autres.

—   Je ne sais pas trop. Pour eux, je ne suis qu'une bête de foire qui a eu beaucoup de chance et qui est revenue des morts.

—   Ne fais pas attention à ce qu'ils disent. Il y a sûrement d'autres personnes sympas qui arriveront à te comprendre et à te voir telle que tu es.

—   J'aimerais tellement que tu sois là, lui dis-je après un souffle.

—   Moi aussi. La chambre est trop vide sans toi.

—   Le jardin secret me manque, rié-je.

—   Il n'y a pas un endroit au lycée dans lequel tu te sens bien ? Un endroit calme que tu aimes beaucoup.

Un endroit que j'apprécie au lycée ? Mais oui, pourquoi n'y ai-je pas penser plutôt !

—   Si, il y en a bien un.

—   Alors vas-y. Vas réfléchir à tout ça et évacuer ta colère.

Il a raison. Aller dans un endroit réconfortant ne peut que me faire du bien.

—   Merci Liam, sourié-je. Énormément.

—   Je t'en prie. Tu sais que je serai toujours là pour toi. Je dois y aller, Élodie est en train de me harceler pour que je raccroche, rigole-t-il.

—   Pas de souci, embrasse-la pour moi.

—   Promis. Réfléchi bien à ce que je t'ai dit et si tu as besoin, tu m'appelle quand tu veux, d'accord ? Bye.

L'appel terminé, je décide d'écouter Liam et de me rendre dans l'endroit du lycée que j'apprécie le plus et qui, je suis sûre, me permettra de me détendre un petit peu. La piste d'athlétisme.

Le dernier sauvetageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant