Chapitre 16 : COLÈRE

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— Ça ne te fait pas plaisir ?, me demande mon père suite aux dernières annonces du médecin.

— Non...enfin si, bien sûr que oui. C'est juste que je ne sais pas si je suis réellement prête à sortir...

— Enfin Becca, tu as entendu le médecin !, s'exclame ma mère. On sait ce que tu traverses mais il faut que tu reprennes ta vie en main. C'est pourquoi maintenant que tu peux sortir, ton père et moi avons besoin de savoir avec qui tu voudrais habiter pour l'instant. Ce n'est que temporaire, le temps de tout planifier. On te laisse décider ma chérie.

Savoir avec qui je vais habiter ? Tout planifier ? On dirait que ma mère me parle de vacances et de quelque chose de cool mais c'est bien tout le contraire. Ils ne peuvent pas me demander ça, c'est injuste ? Que veulent-ils que je leur dise ? Je n'ai jamais voulu avoir ce genre de décision. Ce n'est pas mon choix mais le leur. Comment veulent-ils que je choisisse entre l'un ou autre ? Je sais bien que ce n'est pas la réelle question mais répondre à cela y revient tout de même pour moi.

— Comment veux-tu que je reprenne ma vie en main ? Tout est fracassé et en plus tu me demandes de choisir entre vous deux.

— Ce n'est pas ce que te dit ta mère. C'est seulement temporaire, tout simplement.

Tout simplement ? Vous voyez quelque chose de simple vous ?

Levant les yeux au ciel, je me concentre sur ma respiration. Devant sentir ma détresse, ma mère me sert très fort la main.

— Ne le prends pas comme ça Becca. On sait ce que tu ressens et on veut juste t'aider.

M'aider ? Je sers mon poing gauche et tente d'y mettre ma colère.

— Vous savez ce que je ressens ?, répété-je. Vous ne savez rien du tout, vous n'êtes pas à ma place ! Tout va mal, rien ne va. Alors non, vous ne pouvez pas imaginer ce que je ressens ces derniers temps !, crié-je.

Je ne voulais pas m'énerver contre eux mais c'est plus fort que moi. J'ai besoin de prendre du temps pour moi, de réfléchir à tout ce qui m'arrive et je ne pense pas que passer quelques temps chez l'un de mes parents me permettra d'aller mieux.

— Becca, on...

Mon père tente de me calmer mais je le coupe.

— Non, si vous voulez m'aider, laissez-moi au moins aller chez Mamie Élise pour quelques temps s'il-vous-plait. Ça me ferait du bien d'être un peu seule et de prendre un peu du recul.

Un long silence se poursuit durant lequel mes parents se regardent sans parler. Mon père est le premier à se tourner vers moi.

— Très bien, si tu penses que c'est le mieux pour toi on est d'accord.

— Ne pensez pas que je vous évite, j'ai juste besoin d'un peu de temps. Vous pourrez passer me voir bien sûr, cela ne change rien.

J'aime mes parents plus que tout. C'est la raison pour laquelle, je ne pourrais jamais leur tourner le dos. Tout ça est tellement compliqué, je me sens vidée. J'aimerais tellement vivre une journée totalement banale sans obstacles ou mauvaises nouvelles. Depuis mon arrivée à l'hôpital, tout est une catastrophe mais est-ce que cela ne sera pas bien pire lorsque je retournerai à l'extérieur ?

Mes parents me font chacun un sourire avant de me prendre dans leur bras.

— On va te laisser seule et te reposer, me dit ma mère.

— On viendra te chercher demain, ajoute mon père. Tu auras besoin d'aide pour tes affaires ?

— Non, je n'ai pas grand-chose. Ça va aller, lui dis-je avec un léger sourire.

— Je t'appelle demain matin ma chérie.

Ma mère me fait une dernière accolade avant qu'ils s'en aillent.

Le son de la fermeture de la porte déclenche la sortie de mes larmes. Je voulais être forte devant mes parents mais là je perds totalement le contrôle. Mes larmes coulent à flot pendant que je parcoure la chambre des yeux. Demain, je ne serai plus là. Même si ces jours ont été difficiles pour moi, cette chambre est devenue un cocon. Cocon, que je vais devoir quitter. En pensant à mon départ d'ici, à mes parents, à Jake et Cassie, je ne peux m'empêcher de ressentir aussi de la colère. Je suis en colère contre tout. Contre le conducteur qui a provoqué l'accident et contre moi-même. Tout ça est ma faute ! Mes parents ne se seraient pas séparés si je n'avais pas été dans le coma et rien de tout ça ne se serait produit.

Emportée par mon état, je me lève et renverse tout sur mon passage. Mon téléphone, les cadres photos, l'orchidée de Jake dont le pot se brise le sol, la peluche de Cassie, mes affaires sur les meubles, mes médicaments...tout y passe. Tout ce qui se trouve à la portée de mes mains finit au sol. Étrangement, mettre le bazar me fait du bien. Le bruit des débris me détend.

— Becca, calme-toi !

Liam me surprend en arrivant dans la chambre. Il s'approche de moi.

— À quoi bon Liam ? À quoi ça sert de vivre encore alors que toute ma vie est devenue un cauchemar !

Mes cries rejoignent mes larmes et mes mots sortent instinctivement. Je ne me reconnais même pas. Liam se rapproche de moi et vient poser ses mains sur mes épaules.

— J'aurais dû mourir dans cet accident. Tout aurait été plus simple, tout le monde aurait continué sa vie sans briser la mienne.

Ce que je dis est injuste mais c'est exactement ce que je ressens en ce moment.

— Becca, ne dis pas ça. Est-ce que tu te rends compte de ce que tu dis.

Il tente de me calmer et d'attirer mon regard mais je reste dans cet état de crise.

— Toute ma vie a changé, plus rien ne sera comme avant ! Mes parents se sont séparés. J'ai perdu mon petit ami et ma meilleure amie. J'ai raté un an de ma vie. J'ai perdu toute une année scolaire et la chance de participer aux championnats après tant de travail. Je ne sais même plus qui je suis, dis-je dans un souffle.

— Viens-là, ça va aller. Je suis là et je ne te lâcherai pas.

Liam m'emprisonne dans ses bras et je laisse mes larmes se déverser. 

Le dernier sauvetageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant