Épouvante

2 0 0
                                    


Théo en avait déjà marre ! Et pourtant, il n'était même pas encore arrivé ! Quelle idée aussi de construire sa maison au milieu d'une forêt, elle même au milieu de nul part !

Mais bon, son oncle était connu pour ses mauvaises idées, c'était d'ailleurs pour ça que le reste de la famille avait décidé de couper les ponts. En effet son Oncle Tom (que tout le monde appelait Petit Tom*, alors qu'il était gigantesque, allez savoir pourquoi...) avait une poisse et une fâcheuse tendance à provoquer les problèmes qui avaient fait s'enfuir plus ou moins tous ses proches. On racontait même à Albury Castle* (le village d'à côté, où Petit Tom allait faire ses courses) que vers la fin il était devenu carrément fou. Dès qu'il buvait un peu trop à la taverne, il se mettait à raconter des histoires assez épouvantables et surtout difficiles à croire sur son manoir et la forêt l'environnant...

Toujours était-il qu'il y avait de cela une semaine, Oncle Tom s'était suicidé. Le facteur, qui lui apportait son journal et un bon whisky toutes les semaines, l'avait retrouvé se balançant au bout d'une corde, accrochée au lustre de cristal surplombant le grand escalier...

C'était pourquoi Théo se retrouvait aujourd'hui à devoir aller faire un début de tri dans les affaires du mort avant que ses parents ne le rejoignent pour lui prêter mains forte.

Ah ! Enfin ! Il apercevait la demeure de feu son oncle ! Ou tout du moins les grilles en fer forgées rouillées, ayant perdu leur splendeur d'antan en même temps que le maître de maison avait perdu la tête, qui enserraient le parc. Le jeune homme ouvrit le portail dans un grincement sinistre et remonta à grands pas l'allée de graviers envahie de mauvaises herbes. Le manoir était enfin visible, vielle carcasse menaçante, noircie par la pluie et le temps, qui avait du, un jour, être un magnifique édifice. La façade était envahie de lierre sombre qui plantait ses griffes entre les grosses pierres, les volets claquaient dans le vent, certain pendaient même misérablement comme des lambeau de chaire, on pouvait voir certain carreaux cassés dans les vitres et le souffle froid de l'hiver s'y engouffrait en un hurlement continu et strident, la toiture n'était plus qu'un vieux souvenir et le plafond semblait s'effondrer en plaie béantes, quelques tuiles emportées par le vent jonchaient même la pelouse décrépie... Théo grimaça, c'était à se demander pourquoi Petit Tom avait décider de quitter la terre, avec une telle baraque !

Il soupira et ouvrit la porte de bois pourri, qui d'ailleurs ne tenait que grâce à un miracle inconnu, et qui, par la même magie se referma dans un claquement sourd dès qu'il l'eut franchie. Théo déglutit, et dire qu'il allait passer la soirée seul ici !

Il avança dans le hale, qui se révéla tout aussi sinistre que le laissait présager l'extérieur, avec ses dalles noires et blanches sur lesquelles on pouvait voir d'anciennes traces d'éclaboussures mal lavées, son escalier de marbre monumental au tapis d'un rouge sanglant et aux rembardes rouillées, son lustre dont les pendants de cristal tintaient dans la brise et rajoutaient au cris du vent une aura encore plus étrange. Le plus effrayant restait l'absence totale de tableau alors que l'ont pouvait voir sur les murs nus, les traces laissés par d'antiques cadres et surtout, la corde... La corde, avec laquelle Petit Tom avait mis fin à ses jours, pendait toujours au lustre et se balançait avec langueur au milieu de la pièce.

Le jeune homme était mal à l'aise, il commençait à être contaminé par l'atmosphère angoissante du lieu, en plus, il n'avait pas de réseau et la nuit n'allait pas tarder à tomber... Son mal être ne cessa de s'amplifier au cours de sa visite de la maison.

Le salon était dans un état de décrépitude semblable à la façade, la vermine en plus... Les rats avaient grignoté le rembourrage des fauteuils tachés ainsi que les rideaux carmin entourant les fenêtres. Là non plus, il y avait des maques de tableau aux murs, mais pas l'ombre d'une peinture, même le gigantesque cadre jadis suspendu au dessus de la cheminé s'était volatilisé ! En parlant de la cheminé, celle-ci accueillait d'ailleurs des reste carbonisé de... choses de non-identifiables...

Il eut droit à peut près au même spectacle dans la bibliothèque. La moitié des livres étaient empilés dans un coin dont se dégageait une odeur répugnante ; d'autres formaient un grand cercle au milieu de la pièce, un calice en son centre. Théo, referma le plus vite possible la porte avec un haut-le-cœur et n'eut donc pas le temps de remarquer le liquide rouge qui commençait à emplir la coupe, débordant sur le petit ange gravé et sur la moquette rongée par les mites.

La salle de bain n'avait rien de particulier si ce n'était l'énorme miroir brisé dans la baignoire et les empreintes de mains carmin sur le carrelage...

Le jeune homme ne s'aventura même pas dans la cuisine. Le bruit des rats et l'odeur abominable qui s'en dégageaient l'en découragèrent.

Il ne visita pas plus le grenier ni la cave où il n'y avait pas d'éclairage électrique. Il était hors de question qu'il s'y aventure seul, de nuit et à la lampe torche !

Les chambres d'amis comportaient toutes des lits sans draps voir sans matelas, des penderies pleines de costumes dévorés par les mites et des chandeliers rouillées noyés sous des coulés de cires de bougies disparues. Dans l'une des chambres, il découvrit même un poupée de porcelaine, borgne, au fond de l'armoire, et failli faire un arrêt cardiaque quand elle ouvrit la bouche et commença à parler car il avait, par mégarde, appuyé sur un bouton « Bonjour je m'appelle Annie* ! J'aime les gros câlins. Tu veux jouer avec moi ? ».

Il finit par visiter la chambre de son oncle.La porte étant bloquée, il du la forcer à coup d'épaule, pour finir par tomber sur une pièce entièrement vide de meubles, dont le parquet était recouvert de coupures de journaux relatant des crimes dans la région ainsi que les dernières rubriques de nécrologie. Certains articles étaient entourés de rouge. Un rouge qui avait d'ailleurs laissé d'étranges coulés et symboles cabalistiques sur les murs décatis...

Théo referma la porte, peu désireux de s'attarder ici, et finit par retourner dans le hale. Hale où se balançait doucement la corde. Toujours aucune trace des tableaux.

Un grand bruit se fit soudain entendre derrière lui. Il poussa un hurlement à réveiller les morts et bondit en arrière. Pour se retrouver nez à museau avec un rats qui avait seulement fait tomber la croix d'argent d'Oncle Tom du meuble d'entrée. Le jeune homme soupira, cette maison allait le rendre aussi timbré que son oncle !

Il finit par ramasser la croix et se rendit compte qu'elle était accompagnée d'une petite clef de vermeille. Il mit plusieurs minutes avant de réussir à se souvenir de ce qu'elle ouvrait : la pièce interdite ! Celle qu'il n'avait jamais le droit d'aller ouvrir du temps où il passait les vacances chez Petit Tom (c'est à dire quand il avait une dizaine d'années) ! Poussé par la curiosité il bondit vers le premier étage et s'arrêta devant la mystérieuse porte au bout du couloir. Elle n'avait rien de spéciale si ce n'était son apparente banalité qui détonait avec le reste de la maison. Il introduit la clef dans la serrure, poussa la porte qui se referma derrière lui et poussa un hurlement déchirant avant de ressortir de l'obscure salle en courant. Il dévala les escaliers, de franchit le portail et traça son chemin, dans la forêt, en pleine nuit.

On le retrouva le lendemains, dans le hale du manoir de Comb Carey*, se balançant à la corde du lustre, un calice dans la mains gauche et une croix d'argent dans la droite...





Au fait, vous avez les ref quand au nom avec une * ? Je ne choisis jamais les noms au hasard ! Il y a pratiquement toujours une ref derrière, mais les avez-vous toutes comprises ? ;)

Nouvelles, poèmes et blagues douteuses !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant