[TW viol - implicite] [TW passage à tabac - implicite]
Le paysage revit au fur et à mesure que l'armée s'éloigne des ruines. De l'herbe très verte, et des buissons et des arbustes, remplacent le béton. À l'horizon une forêt apparaît. Lorsque l'armée y pénètre, Athéna réalise qu'elle est extrêmement dense, parcourue de minuscules mais nombreux ruisseaux dont l'écoulement, avec le bruit du feuillage, fait comme une berceuse. Des plantes qu'elle n'a jamais vues s'y déploient et s'y fanent. Les hommes peinent à progresser. Un vague chemin se dessine au sol, juste assez pour ne pas se perdre. Si elle n'était pas si épouvantée, Athéna aurait apprécié se promener dans les bois. L'endroit est à couper le souffle. Un instant, elle envie les Carreaux. Le Roi lance à sa Dame :
– Les arbres repoussent de moins en moins vite quand nos soldats les coupent. Nous parviendrons peut-être enfin à créer une route correcte à travers cette jungle.
Ils marchent une heure encore avant d'arriver au château. La bâtisse est impressionnante. Athéna n'avait jamais rien vu, ou même imaginé, de tel. Ceint d'un rempart de béton, le château est constitué de tours de hauteurs différentes, reliées entre elles par des escaliers et des ponts vertigineux. Des cascades s'écoulent le long des façades. Tous les toits, et même quelques tours, sont en fait d'immenses verrières, transparentes, veinées de fer. Elles laissent apercevoir des bains pour la plupart. Le soleil s'y réfléchit, les parant de reflets dorés. Plus ils s'approchent, plus des détails de l'architecture se révèlent, et Athéna est fascinée malgré elle. Ils entrent dans la cour du château. Le reste des Carreaux – des vieillards trop âgés pour combattre, et des garçons trop jeunes – les acclament. Ils la dévisagent avec beaucoup d'étonnement et de joie. Elle baisse les yeux. Le Roi descend de sa monture et Athéna le suit. Elle est de nouveau ce panier qu'on passe de main en main, sans qu'elle ne contrôle rien. C'est le Cavalier qui l'emmène avec lui. Elle ignore où. Il la guide à travers des couloirs sombres. Elle est habituée aux néons qui éclairent chaque recoin du château mais ici, les seules sources de lumière sont des torches. Le Cavalier et elle empruntent des couloirs longés par des canaux fleuris de nénuphars rouges. Athéna réalise peu à peu que des rivières artificielles coulent dans le château. Les escaliers aussi sont transformés en cascades. Des sources ont été créées, coulant d'étonnantes sculptures en bronze. Ça la pétrifie. Les Carreaux contrôlent l'eau. Ils s'en sont rendus les maîtres à coup de béton et de fer. Elle sent que c'est mal. C'est profondément mal. Le Cavalier s'engouffre dans des escaliers en colimaçon, et s'arrête au sommet, devant une porte vermillon. Il l'ouvre et pousse Athéna dans la chambre, avant de l'y enfermer. Elle l'entend s'éloigner. Elle est enfin seule.
La pièce est étroite, ronde, avec un lit pourri et aucune fenêtre. Il y fait très sombre. Il s'y trouve une de ces sculptures métalliques étranges, surmontant un bassin de faïence. Elle ne sait toujours pas à quoi elles servent. Elle inspecte la chambre entière à la recherche de quoique ce soit qui lui permettrait de s'enfuir – elle ne songe même pas aux conséquences politiques que sa fuite impliquerait, rien qu'à quitter cet endroit. Elle se consume de peur. Son corps est près d'imploser. Elle finit par se recroqueviller sur le lit. Elle tente de prendre le moins de place possible, de disparaître. Bien loin de la Chapelle, elle se met à prier. Pitié, qu'il ne lui arrive rien.
Elle se réveille en sursaut, une fois la nuit tombée par la minuscule fenêtre. Un soldat de huit et un soldat de dix sont entrés. Ils l'aident à se lever – elle a les jambes engourdies par la peur. Ils quittent tous les trois la chambre. Étonnamment, ils ne la frappent pas, ne lui parlent pas, ne la regardent même pas. Ils lui accordent tout le respect dû à son rang. Ils la guident dans le château, à travers des lacs faïencés, le long de rivières qui se jettent dans le vide par de larges ouvertures. Cette eau claire comme du cristal, qui ne fait rien fleurir, n'est définitivement pas naturelle. Athéna frissonne encore.

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Les Reines
FantasyAthéna est mariée au Roi de Pique. Chaque semaine, elle part au combat avec leur armée pour mener contre les Carreaux, les Coeurs et les Trèfles une guerre qui a débuté bien avant sa naissance et qui perdurera bien après sa mort. Son avenir a déjà é...