Partie d'Athéna - Chapitre 15

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[TW violence physique] [TW tentative de viol] [TW mention de torture]


La semaine qui la sépare de la Bataille est la plus longue de toute sa vie. Jamais elle n'a eu autant conscience du temps qui passe, de sa longueur et de son opacité. Les minutes qui s'écoulent au fond de sa cellule lui paraissent des années. Elle y est seule mais elle entend les cris des soldats qui se font torturer, et elle fait face à la cellule d'un homme qui la fixe jour et nuit. Elle ignore sa Couleur. Elle se sent coupable quand, une fois le prisonnier parti à la torture, le soulagement l'envahit. Elle espère chaque jour qu'elle n'y passera pas, et chaque jour son souhait est exaucé. Elle prie, elle ignore qui. Comme cela fonctionne elle continue. Bien sûr chaque soir on vient la tirer de sa cellule, mais elle ne demande pas un miracle. Elle ne veut qu'échapper au sort des autres prisonniers. Elle prie parfois aussi pour que Rachel vienne la voir. Elle a besoin d'être distraite. Les conversations qu'elle avait avec elle, et les moments plus silencieux passés ensemble, lui permettaient de tenir. À présent elle est livrée à elle-même, dans une cellule obscure où elle ne peut songer qu'à ses nuits blanches. Elle pensait au départ que cela faisait partie du plan de Rachel, qu'elle avait prévu que le Roi les surprendrait et qu'il prendrait de telles décisions, mais elle en doute de plus en plus. À force de croupir ici elle n'est plus sûre de rien. Elle ne sait même pas ce que la Dame voulait dire en parlant de se débarrasser du Roi. Elle ignore si c'est le tuer, le faire capturer par une autre Couleur, le garder prisonnier ici. Elle ne sait pas combien de temps cela va prendre. Elle n'a aucune idée de ce qu'il se passe, aucun contrôle sur la situation. Elle déteste ça. Elle ne peut qu'attendre. Elle ne peut qu'observer sa confiance en Rachel faner peu à peu, et son corps aussi, et son esprit. Il lui semble qu'il ne reste plus rien d'elle, qu'une tige desséchée.

Des soldats de Carreau viennent chercher en hurlant tous les prisonniers. L'un vient ouvrir à Athéna, et lorsque, effrayée, elle refuse de sortir, il la tire hors de sa cellule. Elle se heurte aux autres hommes qui encombrent l'étroit couloir. Des soldats de Pique l'aperçoivent et accourent pour la protéger. Ils forment un rempart solide autour d'elle. Elle les remercie d'une voix tremblante. Un soldat de deux lui tend son bras parce qu'elle est trop faible pour marcher. Elle lève la tête vers lui et lui demande son prénom.

– Pascal, votre altesse, répond-il doucement.

Elle esquisse un sourire en se cramponnant à lui.

– Rien que pour ce geste, vous mériteriez d'être Roi.

Cela amuse le soldat. Il lui répond :

– J'espère que ce soir est votre dernier ici.

– Pour vous aussi. J'en suis sûre.

Elle s'adresse aux autres soldats, qui toujours la protègent :

– Et vous. Merci.

– Nous ne faisons que notre devoir, ma Dame.

Ils sortent des cachots. Les soldats de Carreau poussent les prisonniers dans le couloir, certains trébuchent et sont relevés brutalement, ou bien écrasés d'un coup de pied dans le ventre. Athéna prend garde à suivre le rythme. On les entraîne à travers le château, jusqu'à la salle de banquet. C'est la veille de la Bataille sûrement. Les geôliers s'amuseront une dernière fois avec leurs prisonniers, pour oublier l'incertitude de leur propre sort. Demain les rôles seront redistribués. Demain les soldats de Carreau qui ont la chance d'être chez eux, seront peut-être captifs ailleurs. Demain tout changera.


Le Cavalier de Carreau tire Athéna du rang et l'amène devant le Roi – et la Dame. Athéna lève la tête vers Rachel, mais celle-ci l'évite avec soin. Elle est assise tout près de son époux, et lui sourit à lui, et a noué leurs mains. Le Cavalier force Athéna à s'incliner, elle se redresse de mauvaise grâce quand on le lui commande. Une colère immense monte peu à peu en elle.

Les ReinesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant