[TW violences conjugales - implicite] [TW viol - implicite]
Après le départ du Roi, elles se retrouvent seules et, l'espace d'un instant, désagréablement face à face. La Dame de Carreau a le visage fermé. Dans la vive lumière du jour, il est impossible de douter du fait qu'elle a été passée à tabac. Elle se détourne vite d'Athéna cependant. Avec précaution, s'appuyant sur sa béquille, elle s'assoit. Elle désigne d'un geste saccadé la penderie.
– La robe rouge, corsetée, aux manches courtes.
La sécheresse de sa voix raidit Athéna. Elle cherche le vêtement en question, effleurant mélancoliquement les étoffes, et le tend à Rachel. Celle-ci ne le prend pas. Elle se lève avec un soupir de douleur et ordonne :
– Aidez-moi à m'habiller.
Toujours muette, Athéna lui ôte la tunique simple qu'elle portait. Elle découvre toutes les marques qui couvrent Rachel. Elle se fige, mais ne dit rien. Elle laisse la Dame s'appuyer sur elle pour enfiler la robe. Elle saisit les bouts du ruban qui ferme le corset, et commence à le lacer, avec soin pour ne pas lui faire mal. La Dame sursaute parfois pourtant. Athéna ne s'excuse jamais. Elle ne peut pas, pour quelque chose de si insignifiant, alors qu'elle a fait bien pire. Elle reste silencieuse, et, une fois qu'elle a fini, présente le miroir à la Dame pour qu'elle s'y admire. Près de la glace, Athéna ose lever les yeux sur elle. Bien sûr Rachel est magnifique, avec sa chevelure perlée, sa taille svelte et la robe qui fleurit toute rouge autour d'elle. Malgré son échine courbée et ses pommettes gonflées et sa démarche déséquilibrée, elle est sublime. Pourtant elle se dévisage durement. Elle semble même près de pleurer ou de hurler. Athéna murmure alors :
– Je suis désolée, je ne pensais pas...
– Vous saviez très bien ce qui allait se passer, la coupe aussitôt la Dame. Je vous l'avais dit. Vous saviez très bien qu'en vous enfuyant alors que vous étiez sous ma responsabilité, j'en paierai le prix. Vous pensiez simplement – sotte que vous êtes – que vous réussiriez à vous échapper, et que vous ne verriez pas les conséquences de vos actes. Celles sur moi au moins.
En réalisant qu'elle a raison, Athéna sent la honte l'envahir. Elle veut se justifier, mais la Dame, furieuse, continue :
– Et qu'aviez-vous en tête ? Retourner chez vous, vraiment ? Provoquer une guerre monstrueuse, simplement pour revoir un Roi qui n'a que faire de vous protéger ?
Athéna proteste :
– Il me protège.
– Manifestement pas toujours. Je me demande bien ce que vous avez fait pour qu'il vous en veuille à ce point. Pour qu'il vous laisse venir ici. Dites-moi.
Elle ne veut pas répondre. La Dame la fusille du regard.
– Dites-moi.
– Je n'ai pas fait ce qu'il voulait.
Elle s'attendait à ce que Rachel rit et se moque d'elle. Qu'elle la traite d'idiote encore une fois. Pourtant, elle se tait. Tout se tait avec elle, même le murmure de l'eau, la rumeur du château. Rachel la fixe, avec dans les prunelles une colère immense.
– Je vous déteste, finit-elle par chuchoter.
Elle a la voix froissée par la rage. Elle reprend plus fort :
– Je vous déteste ! Vous m'avez mise en danger, vous nous avez toutes les deux fait punir, pour retrouver un Roi qui vous méprise à ce point ? Qui vous abandonne dès que vous n'obéissez plus ?
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Les Reines
FantasyAthéna est mariée au Roi de Pique. Chaque semaine, elle part au combat avec leur armée pour mener contre les Carreaux, les Coeurs et les Trèfles une guerre qui a débuté bien avant sa naissance et qui perdurera bien après sa mort. Son avenir a déjà é...