Partie d'Athéna - Chapitre 9

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[TW violence physique] [TW violences conjugales - implicite]


En se réveillant d'une longue sieste, Athéna découvre une fiole posée sur le lavabo. Elle est emplie d'un liquide bleuté qui miroite dans la faible lumière. Elle s'approche. Il y a un rouleau de papier, qu'elle déplie, intriguée. Il y est inscrit, d'une écriture si nette et délicate qu'elle ne peut douter un seul instant que c'est celle de la Dame de Carreau :

« Anesthésiant léger, qui atténuera la douleur. Prenez-en trois gorgées. En attendant de pouvoir faire plus. »

Athéna soupire. Elle repose le message. Une fleur bleue, de celles qu'elles ont cueillies dans la clairière, est incrustée dans le bouchon de verre qui referme le flacon. Elle reste sceptique. Elle a peur que la Dame cherche à l'empoisonner – c'est une Carreau, après tout. Elle observe la fiole, qui tient juste dans la paume de sa main. Le verre semble épais mais pas incassable. Le plan qui s'élabore dans son esprit la fait frémir. Si elle parvient à le mettre à exécution, comme si elle échoue, les conséquences seront terribles. Elle n'hésite pas pourtant. Elle ouvre le flacon et boit tout son contenu d'une traite. Elle brise la fiole vide contre le mur de sa chambre. En faisant attention à ne pas se couper, elle récupère les gros éclats et le tesson, et les glisse sous son matelas. Elle pousse le reste sous son lit. Au même moment elle entend les soldats arriver. Elle s'assoit comme si de rien n'était. Déjà, quelques vertiges l'étourdissent. Il faut que le produit agisse à temps (que ce soit du poison ou non).


Elle reprend conscience dans sa petite chambre, dans son lit étroit. Elle se souvient un peu du banquet, mais pas de tout. Elle ignore à quel moment elle a perdu connaissance. Sa tête pèse plus lourd que d'habitude sur ses épaules. Elle s'agenouille près du matelas et le soulève : les éclats de verre sont toujours là. Elle les glisse dans les poches de sa robe. Elle espère que sa fatigue artificielle va se dissiper rapidement. Il lui faudra toutes ses capacités pour réussir à s'enfuir.

Elle a le cœur battant rien que d'y penser. Une autre guerre, comme elle n'en a jamais connue, commencera si elle s'échappe. S'ils la rattrapent, ce qui l'attend est pire que la mort. Elle est prête à prendre le risque. De toute manière on lui a tout pris. Elle n'a plus rien à perdre.

On frappe à sa porte un peu plus tard : c'est la Dame de Carreau, accompagnée de deux gardes. Elle a le visage légèrement marqué, mais à part cela paraît en pleine forme. Elle sourit même en la saluant.

– Bonjour, Dame Athéna. Vous avez bien dormi ?

Elle acquiesce.

– Le produit que je vous ai donné a fait effet ?

– Oui.

– Où est la fiole ?

– Je l'ai rendue à un garde hier.

La Dame gobe son mensonge.

– Vous vous êtes évanouie hier, vous sentez-vous mieux ?

Athéna comprend alors que Rachel sait pourquoi elle a perdu connaissance, et qu'elle l'avait prévu. Un instant, étrangement, l'attention la touche.

– Un peu.

– Vous voulez que je vous ausculte, au cas où ?

– Nous allons à l'écurie, l'informe-t-elle. Je vais avoir besoin de votre aide.

Elle ajoute en prenant sa mallette :

– Je vais devoir vous entraver quand même.

– Je comprends.

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