L'indigent et le bibliothécaire ~ Keskastel. Vol 1 [BxB]

Chapitre 18: L'amour d'une grande soeur

Ne pas se retourner avait demandé à Dev un effort inimaginable. La vision du désespoir de Tristan au moment ou il lui avait affirmé qu'ils ne se reverraient pas le hanterait sûrement de longues semaines. Il aurait préféré accepter sa proposition et passer le reste de sa vie dans le havre de paix que constituait l'appartement confortable de son aîné. 

Mais la situation n'était pas si simple et il commençait à peine à discerner ce qui se passait. La seule chose dont il était sûr c'est qu'il devait immédiatement s'éloigner de Tristan. Si quelqu'un était capable d'abattre deux hommes de sang froid pour un manuscrit et qu'on le pensait coupable de cette infamie, il y avait fort à parier qu'on serait sans pitié avec lui et avec ses potentiels complices. Opalie avait abolie la peine de mort à peine quelques décennies auparavant mais il était de notoriété publique que la torture et les maltraitances étaient monnaies courantes en prison.
Et même si Tristan avait moins de chance d'y finir sa vie au vu de ses origines, il pourrait servir d'exemple et ça, il ne le supporterait pas.

 Ces derniers jours s'étaient déroulés comme un rêve et le réveil avait été douloureux.

Dev rasait les murs en retournant dans les quartiers Ouest. Comme ils'y était attendu, quelques brigades parcouraient les rues, traitant les habitants comme des mouches, les écartant sans ménagement. I lserra les dents et prit le chemin de plusieurs petites ruelles sombres. Il avait cet avantage sur eux d'avoir grandi ici et de connaître comme sa poche tous les raccourcis et les petits passages qui menaient chez lui. Après quelques minutes à emprunter des détours et des chemins de traverse, il put s'infiltrer discrètement par la porte de derrière de la petite boutique. Il déboucha sur le petit réduit qui leur servait de cuisine et de débarras. Même cette partie avait été mise à sac et du matériel brisé jonchait le sol. Étrangement calme, il s'avança vers le magasin.

Neila était là, au milieu de la boutique saccagée, à rassembler les vêtements élégants qui avaient été écarté sans ménagement. Il grimaça en songeant au fait que certains des propriétaires demanderaient une compensation. Neila était douée de ses mains. C'était une travailleuse hors pair. Mais être la sœur de quelqu'un accusé de meurtre n'était pas la meilleure façon de faire proliférer ses affaires. 

Il se racla la gorge pour signifier sa présence sans l'effrayer. Elle sursauta tout de même et se tourna vers lui en se frottant les yeux. Ils étaient rougis et Dev sentit la culpabilité lui bloquer la gorge. Neila ne pleurait jamais. Elle riait, elle criait, elle râlait beaucoup mais pleurer n'était pas dans sa gamme d'émotions habituelle. Il songea au fait qu'elle l'avait prévenu -même si elle avait eu tort pour Tristan- et qu'il lui avait à peine parlé pendant des jours.

-Je suis désolé... murmura t-il, sa voix réduite à un filet misérable.

Elle se précipita dans ses bras. Surpris, il perdit l'équilibre et tomba sur les fesses, la tenant contre lui pour lui amortir le choc. Elle se mit à sangloter et il se mordit les lèvres, lui frottant le dos doucement. Quand elle parut enfin se calmer, il s'éclaircit la voix pour reprendre la parole.

-Je suis désolé. C'est toi qui avait raison. J'aurais du rester à ma place. Maintenant... Il jeta un œil au magasin saccagé et grimaça, incapable de continuer.

Neila releva la tête, la colère ayant déjà remplacé la tristesse sur ses traits fatigués. Elle secoua la tête.

-C'est ridicule. Tu n'es pas un voleur, encore moins un meurtrier. S'il y a une enquête ils finiront bien par t'innocenter ! Proclama t-elle d'une voix qui se voulait forte et rassurante.

Dev hocha la tête, ne voulant pas la contredire. Il avait du mal à laisser le positivisme l'animer alors que la police le recherchait et qu'il avait rejeté avec violence l'homme qui s'était mis à tant compter pour lui.

-Il faut juste que tu te caches quelques temps. Pendant ce temps je suis sûre qu'on pourra trouver un avocat ou quelqu'un pour t'aider. Mais ne reviens plus ici, c'est trop dangereux, ils pourraient revenir...

Dev sentit un petit soulagement lorsqu'elle se leva d'un air décidé. Elle reprenait les choses en mains et il lui en était tellement reconnaissant qu'il sentit ses yeux lui piquer.

-Je ne peux pas me cacher chez quelqu'un sans le mettre en danger tu le sais...

Neila réfléchit quelques instant avant de sourire, traversée par une idée qui semblait lui plaire.

-Tu peux te cacher chez Lucie... Elle a plusieurs chambres et les policiers ne traînent jamais là-bas... Du moins pas pour travailler.

Dev fronça les sourcils et grimaça.

-Tu suggères que j'aille me cacher dans une maison de passe ?

Neila s'affairait déjà dans la cuisine pour récupérer des affaires. Elle le regarda d'un œil critique.

-Tu penses pouvoir faire la fine bouche ? Si ça te déplaît tu peux toujours retourner dans les draps de soies de ton aristo.

-Non ça ira... Ce n'est plus « mon » aristo de toute façon... marmonna t-il en croisant les bras.

-Oh ? J'imagine qu'il n'a pas du apprécier que son serviteur soit accusé de meurtre. C'est lui qui t'a jeté sur le banc des accusés ? Cracha t-elle avec ressentiment.

-Non. C'est même tout le contraire. Mais je ne veux pas le mettre en danger. Neila, je sais ce que tu penses de lui mais c'est un homme bien.

Neila sembla s'adoucir mais ne répondit pas tout de suite. Elle finit de lui faire son sac et le lui fourra dans les mains avant de le fixer avec inquiétude.

-Dans tous les cas ce n'était pas une bonne idée. C'est une bonne chose que vous ne vous voyiez plus. Tu resteras chez Lucie le temps qu'il faudra. Je t'ai écrit une lettre que tu lui donneras. Cette vieille rombière m'en doit une alors elle t'acceptera sans faire d'histoires. Tu ne sors pas tant que je ne t'ai pas fait signe, c'est compris ? Lui demanda t-elle.

 Son ton sans appel ne laissait pas à Dev d'autres options que dire oui et il acquiesça silencieusement avant de la reprendre dans ses bras. Il restèrent ainsi quelques minutes sans savoir quand ils pourraient se serrer dans les bras à nouveau.