L'indigent et le bibliothécaire ~ Keskastel. Vol 1 [BxB]

Chapitre 20: Visites

Il était déjà tard dans l'après-midi mais Tristan avait longtemps hésité devant son armoire. Même ses vêtements les plus discrets ne l'étaient pas assez pour passer inaperçu. Il jeta un coup d'œil à la pile de vêtements fraîchement lavés par sa femme de ménage. En haut de cette pile il reconnut les vêtements que portaient Dev le jour où il lui avait donné certains de ses anciens costumes.

 Ça pouvait faire l'affaire. 

Il les prit avec précaution et les porta à son visage pour les renifler. Ils sentaient le propre et n'avaient plus du tout trace de Dev. Il grimaça, gêné par son propre sentimentalisme et les enfila rapidement. Il se regarda dans le miroir et siffla. Il était méconnaissable. Les vêtements, bien que légèrement trop grands, lui donnait l'air d'un jeune ouvrier. Le fait de s'être laissé aller ces derniers jours ajoutaient à son allure général. Il avait le regard cerné, les traits tirés et sa naissance de barbe modifiaient tout à fait sa physionomie. Il se fit la réflexion que ce n'était pas si laid que ça même s'il se sentait franchement ridicule.

Après d'autres longues minutes à hésiter il se mit en route. Il avait trouvé une vieille casquette à rebord dans les fonds d'une armoire. C'était démodé depuis si longtemps qu'il avait dû se faire violence pour la porter mais ça lui permettait de compléter sa tenue. Il s'efforça d'adopter une allure rapide et souple et de gommer certains traits de délicatesse qui le caractérisait. 

Le bibliothécaire avait heureusement bonne mémoire et même si le chemin à pieds était long, il n'eut aucune difficulté à arriver à la laverie Moore. Il s'était bien assuré de ne pas avoir été suivi, prudent comme jamais. Thomas lui avait indiqué les endroits de la ville où il risquait le plus de rencontrer la police et il avait suivi religieusement ses recommandations. Son ami n'avait pas voulu dévoiler sa mystérieuse source mais à son regard pétillant,Tristan avait soupçonné une autre histoire sentimentale du jeune homme. Cela avait du bon d'avoir des amis de la haute aristocratie après tout.

L'écriteau sur la porte indiquait que la laverie était fermé, ce qu'il trouva curieux pour un milieu de semaine. Il espéra que Neila était là. Il s'éloigna pour regarder la petite bicoque,réfléchissant à un moyen d'y entrer autrement que par la porte quand une voix cassante le surprit.

-Je peux vous aider ?

Il se retourna et se figea. Neila était devant lui, une robe passablement élimée mais plutôt jolie et sa masse de cheveux noirs coiffés sagement. Ses yeux noirs pétillaient de colère, signe qu'elle l'avait reconnu.

-Mademoiselle Moore... Murmura Tristan en s'inclinant, nerveux. J'ai besoin de vous parler...

-Vous auriez pu trouver une autre façon de me joindre que de venir jusque ici, siffla t-elle en le bousculant pour ouvrir la porte.

Malgré son ton disgracieux, elle lui fit signe de rentrer. Tristan ne se fit pas prier et lui emboîta le pas. La boutique semblait avoir été saccagé par des bêtes sauvages. Même si Neila avait du faire du ménage, les meubles retournés et le matériel brisé suffisaient à dévoiler ce qui s'était joué ici. Il s'approcha du comptoir et grimaça en voyant l'unique machine à coudre dans un état encore plus piteux que ce qu'il avait aperçu le jour où il était venu. Dev lui avait dit que c'était celle de leur mère et que Neila refusait de s'en débarrasser tant qu'elle fonctionnait. La jeune femme allait devoir revoir ses plans.

-Vous comptez remboursez les dégâts que vous avez causé ? Lui lança une voix acerbe.

Tristan grimaça et se retourna vers Neila. Il ne s'était pas attendu à être accueilli à bras ouvert mais la franche antipathie qu'elle manifestait à son égard commençait à lui donner envie de s'enfuir en courant.