Chapitre 28: Lutte

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Dev avait eu un très mauvais pressentiment. Quand Florian avait décrit le petit homme moustachu qui était venu à plusieurs reprises dans le bordel de Lucie, son sang n'avait fait qu'un tour. Arthur faisait partie des plus proches collaborateurs de Tristan. Il savait où se trouvaient les endroits sensibles. Il conversait régulièrement avec Jean et Guy.
Le jeune homme espérait se tromper, mais s'il avait raison, il fallait prévenir rapidement Tristan. Il avait expliqué rapidement aux trois autres la situation et ils avaient repris une voiture pour se rendre au plus vite Boulevard des Dragons Rouges. La circulation rendue plus fluide par l'heure tardive leur permettait de ne pas perdre trop de temps. L'adrénaline et la peur lui faisait presque oublier la douleur et les heures terribles qu'il avait passé dans sa cellule. Seul Tristan occupait son esprit.

-C'est un peu excitant non ? Demanda soudain Thomas au milieu du silence tendu. J'ai l'impression d'être le héros d'un roman épique !

-Par pitié Goldberg , tu ne sais vraiment jamais quand la fermer ?

Thomas grimaça et baissa la tête sous la réprimande de Victor. Ce dernier ne l'avait pas dit avec son agressivité habituelle et Dev voyait bien qu'il était presque aussi nerveux que lui. Florian Salvi quand à lui semblait franchement inquiet même s'il le cachait sous un masque d'indifférence. Ses doigts ne cessaient de tapoter sa cuisse dans un tic nerveux qui ne semblait jamais s'interrompre.

-C'était une erreur de le laisser seul. On était tellement focalisé sur Dev qu'on en a laissé de côté l'essentiel... Marmonna le barman en croisant les bras.

Dev ne répondit pas et regarda par la fenêtre alors que la voiture ralentissait enfin. Il poussa un soupir de soulagement. Ils étaient arrivés. A peine la voiture arrêté, il se précipita dans l'immeuble. La douleur le fit haleter mais l'angoisse lui donnait des ailes. Il passa devant la conciergerie éteinte et grimpa les escaliers quatre à quatre avant de s'effondrer lourdement contre la porte de Tristan. Celle ci n'était pas fermée et s'ouvrit donc en heurtant le mur dans un fracas assourdissant.

-Bravo, tu es aussi délicat qu'un éléphant... Marmonna Victor, légèrement essoufflé qui venait de le rejoindre, suivi par Thomas qui crachait quand à lui franchement ses poumons et Salvi dont la tenue impeccable n'avait pas du tout souffert de cette course.

Dev ignora la remarque et entra, le cœur battant et tous ses sens en alerte. Il tendit l'oreille mais il ne rencontra que le silence. Il avança en essayant de maîtriser les tremblements dans ses jambes. Victor resta légèrement en arrière, faisant signe à Thomas et à Salvi qui venait de les rejoindre de rester dans le couloir et de se tenir silencieux. Dev fut donc le seul à pénétrer dans le bureau. Il se figea devant le spectacle qu'il espérait ne pas voir.

Arthur se tenait toujours aux côtés de Tristan, un pistolet pointé sur la tête. Dev sentit son cœur louper un battement. Tristan était bizarrement léthargique, mais il avait l'air vivant comme en témoignait sa poitrine qui se soulevait régulièrement.  Son regard rencontra le sien et il y lut un mélange confus de soulagement, de peur et de regret.

-J'aurais dû me douter que vous étiez derrière tout ça... Vous étiez beaucoup trop sympathique avec moi... Murmura Dev en relevant la tête vers Arthur qui s'était figé, son sourire déformé en une grimace clownesque.

-Moore... Vous êtes en vie... déclara le petit moustachu sans le quitter des yeux.

-Ça vous étonne ? J'ai la peau plutôt dur... répondit le jeune homme en espérant que l'autre ne l'interroge pas sur la façon dont il avait pu s'enfuir.

Il fit un signe discret de la main à Victor qui s'éclipsa dans le couloir. Thomas et Florian restaient en retrait et s'étaient éloigné de l'encadrement de la porte pour ne pas se faire repérer par Arthur. Il pouvait presque les voir dans sa vision périphérique retenir leur souffle. Tout ce qu'il pouvait faire pour éloigner le danger de la tête de son amant était tenter de raisonner son ancien collègue.

-C'est fini Arthur... Vous allez être arrêté. Je serais innocenté et vous finirez vos jours en prison...

L'autre homme le fixait, indécis. Il n'avait pas esquissé un geste pour baisser son arme et Dev sentit la peur battre douloureusement dans son crâne. Si jamais il tirait...

-Vous pensez vraiment que l'on vous croira Moore ? Reprit Arthur en souriant à nouveau. Vous n'avez pas l'air bien vaillant. Vous savez, un suicide peut très bien se transformer en drame amoureux. Pour moi le résultat sera le même. Vous décidez de tuer Duval avant de vous donner la mort. J'aurais juste à falsifier vos aveux sous votre nom cette fois...

Dev se concentrait sur lui sans laisser son regard dériver vers la silhouette qui s'était glissé par l'autre entrée du bureau et s'avançait avec une discrétion étonnante. Il soupira et s'avança en écartant les bras. S'il avait su quelques semaines plus tôt qu'il se retrouverait dans ce genre de situation, la mort si proche de lui...

-Très bien, souffla t-il doucement. Mais faîtes moi juste une faveur Arthur... Prenez moi en premier. Je ne veux pas voir ça...

Il ignora le regard choqué de Tristan et s'arrêta à deux mètres d'eux. Arthur se léchait les lèvres comme s'il réfléchissait.

-Très bien... Pourquoi pas, après tout. Vous vous êtes bêtement précipité ici au lieu de vous enfuir, ce qui m'arrange je dois l'avouer, alors je peux bien vous faire cette faveur.

Il détourna son arme du crâne de Tristan et s'apprêtait à lui tirer dessus quand Victor qui attendait la bonne opportunité se jeta prestement sur lui. Un coup de feu partit et Dev s'accroupit brusquement, les mains sur les oreilles. Il regarda autour de lui et aperçut la carafe sur la table près de la cheminée qui avait explosé en milliers de morceaux. Il releva la tête pour voir Victor enfoncer ses poings nerveux dans le visage suffoqué du petit moustachu qui vint s'écraser lourdement au sol en lâchant son arme.
Il détourna les yeux avant que Victor n'abatte ses poings une seconde fois et qu'il entende un  sinistre craquement. Refoulant la nausée qui repointait son nez, il se releva en tremblant et se précipita sur Tristan.

-Tristan... Tristan c'est moi, je suis là ! Tu m'entends ??

Tristan aurait voulu répondre mais il avait de plus en plus de mal à se concentrer. Il avait vaguement conscience du fait qu'Arthur avait été maîtrisé. Il entendait plusieurs voix qu'il lui semblait reconnaître mais sa vision était si floue qu'il avait dû mal à identifier la scène. Il sentit des mains fraîches lui relever la tête et le regard noir familier de son amant se planta dans le sien. Ils étaient vivants tous les deux et c'était la seule chose qui importait. Il sourit douloureusement et sombra dans l'inconscience.


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Le moment que je redoutais tant est bientôt arrivé et mon petit coeur est si triste! Dans quelques jours vous aurez le dernier chapitre ainsi qu'un petit bonus pour vous préparer à la deuxième histoire de notre petit groupe Keskastelien. Je dois vous avouer que ça me fait un peu bizarre, cette novela était ma toute première à connaître un point final. Alors bien sûr il y a des choses à reprendre, à réécrire et travailler mais cette petite expérimentation m'a ouvert à tellement d'horizons! Dans tous les cas, merci à tous ceux qui auront lu, commenté et aimé. 

L'indigent et le bibliothécaire ~ Keskastel. Vol 1 [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant