Nuisances (II)

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J'entends un bruit de corps plaqué contre les casiers et un gémissement de douleur.

Oh non, pas ça... pile le jour où j'ai oublié mes écouteurs !

Je fronce les sourcils et tâche de me concentrer sur ma lecture.

J'entends le claquement métallique, encore et encore, entre autres râles et rires moqueurs.

Honnêtement, il suffit de rendre quelques coups pour avoir la paix. J'ignore ce qu'attend cette misérable victime.

Cela fait une bonne minute, peut-être deux, qu'un jeune garçon se fait passer à tabac. Les tortionnaires ont l'air de bien trop s'amuser pour le lâcher de sitôt. Ils commencent sérieusement à me taper sur le système.

- Il fait moins le malin le petit pédé ?
- Alors, le suceur de queues, tu te relèves, on en a pas fini avec toi.

Sérieusement ? C'est parce qu'il est gay qu'ils le harcèlent ? Ils n'ont rien trouvé de plus stupide tant qu'ils y étaient ?

S'ils manquent d'inspiration, j'ai à leur proposer de le frapper parce qu'il est asiat'. Cela élargira leur champs de victimes. Tant qu'on reste dans la connerie sans nom...

Maintenant que mes efforts pour ne pas comprendre ce qu'ils disent ont lamentablement échoué, ma patience risque d'atteindre sa limite encore plus vite que prévu.
Non mais sérieusement, déjà que les bruits de coups, les gémissements de souffrance, les portes d'acier qui claquent et les ricanements sont très désagréables comme bruit de fond, si je dois en prime me sentir insulté...

J'ouvre silencieusement la porte de la classe.

Je vois en effet trois jeunes hommes se moquer d'un garçon, au sol. Du peu que je vois, il a des cheveux bruns assez longs et des lunettes rondes. Il n'est pas moche si on passe outre le fait que son visage soit tuméfié.

Je mets un coup assez fort à l'arrière du genou de celui qui le frappais, Yongyum je crois.
Cela le fait tomber, et heureusement pour mes malheureux soixante kilos et mon mètre soixante-quinze, les deux autres ne réagissent pas tout de suite. Idiots.

J'aurai pensé que le garçon en aurait profité pour s'enfuir, mais cet abruti fini se contente de se protéger de ses bras. Pathétique.

J'agrippe son avant-bras et le conduis vers l'infirmerie.

Il était réticent au début, mais comprit rapidement que je ne voulais nullement lui faire du mal.

Pour la première fois depuis plus de trois ans, je me décide à faire la conversation. Enfin, de manière limitée, faut pas exagérer non plus.

- Tu t'appelles ?
- Jeon Jungkook.
- Et tu es en quelle classe ?
- Première année de lycée. Je suis nouveau...
- Pourquoi tu ne t'es pas défendu ?
- Je ne sais pas me battre.
- Ça s'apprend.
- Je n'y tiens pas... Je pense que la violence physique est vile et basse. 
- Ouais, les mots peuvent faire bien plus mal. Sauf que pour des dégénérés de leur genre, rien ne sert d'initier une joute verbale. Il faut se mettre à leur niveau. Et puis au moins, après quelques coups, ils ont compris à qui ils ont à faire et te foutent la paix jusqu'à la fin de l'année. Ils ne cherchent pas à se battre, mais à frapper et humilier. Bon rétablissement.

Je m'apprêtais à partir quand il posa sa main sur mon épaule.

- Merci. Sincèrement.
- Ne me remercie pas. Je n'ai pas fait cela pour toi mais pour mon confort de lecture.

Et sans me retourner, je l'abandonne devant l'infirmerie.

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