HELP [Yoonmin]

Bad habits (III)

Je regarde le joli visage penché sur mes scarifications.
Ses yeux sombres sont à nouveau humides.

Pour la première fois depuis des années, je ressens de l'empathie.
Pour la première fois depuis des années, je m'en veux d'avoir attristé quelqu'un.

Quelqu'un que je ne connais même pas depuis une semaine.

Il faut croire que Park Jimin est très mauvais pour mon équilibre mental.

Il éponge le sang avec mon mouchoir, et me demande si j'ai du désinfectant. Je lui donne le flacon transparent et il tamponne ma peau coupée avec le papier imbibé. Je me crispe à cause de la douleur. Pourtant la lame était aseptisée.

Il sort un deuxième mouchoir blanc, le pose sur la seule et unique plaie que j'ai eu le temps de me faire, puis enroule un bandage autour de mon bras pour qu'il reste en place.

Il prend enfin la parole au moment de redescendre ma manche.

- Je comprends maintenant porquoi tu mets toujours des hauts trop larges. C'est pour qu'on ne voit pas les pansements.

Je sens ses mains se crisper sur mon sweat. Il retient ses larmes.
Je sens que je devrais parler. Dire autre chose que "barre-toi". Mais je ne sais pas quoi dire. Ça fait trop longtemps.

- Entre autres.

Je sursaute en entendant ma propre voix. Elle est rauque, d'autant plus que je ne l'ai pas utilisé depuis ma dernière entrevue avec Jimin.

- Tu as donc déjà remarqué la manière dont je m'habillais. Tu me diras, pour quelqu'un qui connaissait mon prénom avant de ne m'avoir jamais adressé la parole, ce n'est pas si étonnant.

Il rougit, essaye de balbutier une explication. N'y parvenant, il se tait.

Ça ne me dérange pas. Je ne veux pas lui faire dire des choses qui le mettent mal à l'aise.

Soudainement, il lève ses yeux rouges vers moi d'un air sérieux.

- Hyung, je ne veux plus que tu fasses ça.

Une larme coule le long de sa joue rebondie. Je sens mon coeur me faire mal. J'aimerais le prendre dans mes bras, lui promettre que ça ne se reproduira plus jamais. Je veux effacer ses larmes et ne plus jamais, jamais en être la cause.

Je me contente de baisser la tête.

- Ce n'est pas si simple.

Un silence assez dérangeant s'installe.

- Ca fait combien de temps ?
- Pour l'automutilation ou le fait de me faire mal, d'une façon ou d'une autre ?

Il hoche les épaules.

- Les deux... je suppose.
- Trois ans et quatre mois pour l'un, depuis gosse pour l'autre.
- Tu... tu te fais quoi d'autre ?
- Ne pose pas de questions dont tu ne veux pas connaître la réponse.
- Je veux savoir.
- Désolé, ça a l'air de trop t'atteindre.
- Evidemment que ça m'atteint ! dit-il un peu trop fort avant de se reprendre.
S'il te plaît, Hyung...

Je soupire, ne pouvant m'empêcher de céder à ses volontés.

- Jure-moi simplement de ne pas pleurer.
- Promis.

J'enlève complètement mon sweat, n'en ayant que faire de me retrouver torse nu devant lui.

Il rougit, c'est mignon.

- Tout ça, c'est des bleus à cause de rixes stupides. Tu me diras que ce n'est pas moi qui me les suis fait, mais je suis à l'origine des disputes, en général, donc c'est tout comme.
Ça, ce sont des brûlures de cigarette plus ou moins cicatrisées, lui dis-je en montrant des traces rondes assez propres.

Je fais très attention à bien me soigner. Étonnant, je sais. Mais même si je dois avouer aimer mes cicatrices de coupure (qui de toute manière ne disparaîtront pas, quand bien même je m'en occuperais le mieux du monde), je tiens moins à garder les traces des plaies laissée par le papier incandescent. De même pour les brûlures au briquet, qui partent bien mieux que les précédemment nommées.

Je lui montre aussi les paumes de mes mains, dans la chair desquelles mes ongles ont laissé des traces indélébiles au fil des années.

- Cette petite trace violacée, c'était une griffure au sang il y a plusieurs années. Je n'en ai pris aucun soin, d'où le fait qu'il me reste une tâche. Maintenant je fais gaffe.
- Et cette coupure ? demanda-t-il en désignant un longue trace blanche à gauche, entre deux de mes côtes.
- Ah, la fameuse ! 

Je laisse échapper un sourire sans la moindre lueur de joie.

- Je n'étais pas addict à ma lame, à l'époque... Je voulais me percer le cœur. Symboliquement, j'entends. Je n'ai jamais fais de tentative de suicide jusqu'à présent.
- Te... percer le cœur ? demanda-t-il d'une voix tremblante.
- Les sentiments sont un obstacle à une pensée rationnelle, ils ne me servent à rien. C'est même au-delà de ça : les sentiments sont nocifs. J'ai voulu faire comprendre à mon corps, ainsi qu'à mon cerveau, que je voulais les tuer, m'en débarrasser pour de bon.

Il bafouille, semblant vraiment atteint, même si on ne se connait depuis moins d'une semaine. Qu'on ne se connait pas, en fait. Il humidifie sa lèvre, balayant toutes mes traces de son regard malheureux.

- Et les petites cicatrices rondes sur ton bras droit ?
- Simples pincements.
- Ça laisse de telles traces ?
- Ça part, la plupart du temps.

Il laisse un blanc assez gênant. Il va partir, pensai-je. Pourquoi resterait-il, maintenant qu'il a vu tout ça ?

- Tu te détestes tellement ?

Il avait les yeux rivés au sol. J'enfile à nouveau mon haut, cachant mon corps enlaidi.

- Qui pourrait m'aimer ? Je suis ignoble.