Je dis que je n'ai pas touché à un piano depuis trois ans.
Et c'est vrai, à une exception près. Une seule et unique exception.Une fois. Une seule fois. Oh oui, je m'en souviens de cette fois là.
C'était l'année dernière. Il était treize heure.
Tout le lycée était au self.
Tout le lycée, sauf moi, évidemment. Avec ce cher trouble d'anxieux, il m'est tout simplement impossible de manger au milieu d'une foule d'élèves. J'avais essayé, une fois. J'avais fais une attaque de panique. Le temps de la sentir monter, j'avais eu tout juste quelques secondes pour courir m'enfermer aux toilettes, le corps secoué de spasmes. Car avant tout, je ne supporte pas que des gens me voient quand je suis vulnérable. Et je ne suis jamais aussi vulnérable que pendant une crise d'angoisse.
Mais quand bien même la foule ne m'oppresserait pas, si la présence de personnes ne me pesait pas tant, à cause du tintamarre des couverts, assiettes, conversations -que mon cerveau se sent obligé de comprendre malgré qu'elles soient plus d'une dizaine à me parvenir entièrement, sinon ce ne serait pas drôle- rires bruyants et applaudissements quand un adolescent maladroit renverse son plateau, sans compter évidemment la lumière blanche des néons trop puissants, les diverses odeurs de nourriture et les gens qui me frôlent, ce repère infernal resterait invivable.
En plus de m'assurer une bonne vieille migraine.Je marchais alors dans les couloirs inondés de la lumière de mai, mâchonnant avidement un bout de pain de mie que mon ventre noué laissait à regret passer.
Je vis la porte bleu à la vitre dépolie. Je m'arrêtai un instant.
Je savais que derrière cette cloison se trouvait la salle de musique. J'avais envisagé d'y faire un tour, mais n'avais jamais osé.Personne ne peut m'écouter... ça ne me ferait pas de mal, quelques malheureuses petites notes...
Mal assuré, je poussai la porte. La pièce n'était que très peu éclairée, la faute aux stores baissés, et était assez exiguë. Du moins, encombrée de la sorte, elle le semblait.
Je n'offris qu'un court regard aux nombreux instruments dont je savais jouer pour la plupart, mais qui ne m'intéressaient guère.Alors je vis le fameux piano.
Il était d'une marque méconnue, les touches avaient jauni, le porte-partitions était abîmé.
Malgré cela, retrouver un ami me fit une étrange impression assez semblable à de la stupeur, au point que je ne pus bouger plusieurs instants.
Je m'assis sur le tabouret qui grince et le réglai, oubliant mes a priori comme quoi la musique m'était néfaste, particulièrement celle que je jouais, ou pire encore : celle que je composais.
Électrisé, j'appuyai sur un si.
La résistance de la touche m'étonna, mais plus encore la sonorité froide qui semblait résonner, envahir la pièce et ne pas vouloir cesser de faire vibrer mes tympans.
Un frisson me parcourut.
Alors mes doigts se hâtèrent de s'échauffer, se déverrouiller après ce long temps sans pratique par quelques gammes.C'était agréable.
Je passai vite à quelque partition qui n'avait jamais quitté ma mémoire.
J'étais extatique, et pourtant cela ne me suffisait pas.
Alors je me mis à jouer.
Pas des notes écrite par un Mozart, un Beethoven, un Chopin, un Seneville ou que sais-je.
Pas plus une composition travaillée que j'avais couché sur le papier il y a quelques années.
Je jouais ce qui me passait par l'esprit.
Comme si je racontais mes trois dernières années à mon ami de toujours, que j'avais abandonné sans raison.
Parce que c'était le cas.De ce fait, la mélodie n'était pas bien gaie. Mais elle était à mon image, sans qu'elle me repugnât pour autant.
Mes phalanges s'activaient sans se préoccuper de quoi que ce soit d'autre, à part peut-être de la dissonance. Elles s'activaient, imprévisibles, répétant pourtant régulièrement quelques mesures, parfois simples, puis plus ornées, rapides, lentes et graves, vives, alarmées ou bien tempêtueuses. Mais elles revenaient, comme un leitmotiv, donner un semblant de cohérence à l'ensemble.Je ne savais si c'était beau, sur le moment. Je pense que ce n'était pas affreux, car mon oreille se montre excessivement sensibles quant aux fausses notes.
Mais ce n'était pas ma préoccupation première. Je voulais que ce soit vrai.
Et ça l'était. Ça l'était assez pour faire couler des larmes brûlantes sur mes joues un peu creuses.
Je ne le réalisais pas, je m'en moquait. Rien ne comptait d'autre que mes mains sur le clavier, mon pieds sur la pédale.Cela dura plusieurs minutes.
Seulement je dus m'arrêter, pour mon plus grand malheur. Les autres lycéens allaient sortir du self. Je ne voulais pas prendre le risque qu'on m'entende.
Apparemment, ce fut un échec.
Jimin m'avait entendu, selon ses dires. Il ne sait dire à quel moment il est arrivé, mais il est resté jusqu'à la fin de ma prestation improvisée.
Il s'était précipitamment caché dans une classe proche dès que j'avais arrêté de jouer, et en est sorti en entendant mes pas s'éloigner. Il n'avait alors eu l'occasion que de me voir de dos, ce qui ne lui donna pour seules informations que ma taille, ma couleur de cheveux et mon amour pour les sweats trop grand, même quand il fait chaud.- J'ai galéré à te retrouver. Eh bien, c'est que t'es pas connu dans le lycée.
J'ai désespérément demandé à toute l'école si quelqu'un connaissant un petit pianiste aux cheveux décolorés, et on m'en a donné, des noms. Mais le tien n'est jamais sorti.
Et ce jusqu'à ce qu'un ami d'option danse, Jung Hoseok, ne me dise connaître quelqu'un qui corresponde à ma description. Apparemment il avait gardé contact avec des vieux potes, qui étaient dans ton ancien lycée. Il leur avait raconté que "y'a un garçon trop chelou dans sa classe, il parle jamais, ni aux élèves ni aux profs, il en branle pas une en cours et se retrouve avec les meilleures notes", et a laissé échappé ton prénom -que son excellente mémoire avait fait de lui la seule personne à connaître- et ils s'étaient esclaffés, disant que t'étais un virtuose du piano, un peu -beaucoup- taciturne sur les bords mais très sympa si on apprenait à te connaître, du moins tu l'étais avant. Ils disaient qu'à quatorze ans t'avais craqué, que tu t'es encore plus renfermé avant de déménager et couper les ponts avec tout le monde.J'avais noté ces infos dans un coin de ma tête, laissant mes lèvres mimer en boucle le nom de "Min Yoongi ".
Si tu savais comme j'étais heureux de t'avoir retrouvé ! Cela faisait des semaines que je te cherchais en vain.
Je crois que depuis que je t'avais entendu jouer, tu étais devenu mon obsession.
Je ne pouvais m'empêcher de te chercher partout du regard, et quand je te trouvais, il m'était absolument impossible de le détacher de toi.
J'ai vite fait de me demander comment un garçon aussi beau que toi pouvait passer inaperçu.
Puis évidemment, je me suis questionné sur la solitude d'un jeune homme aussi brillant, aussi riche, aussi passionnant que toi.
Ça me semblait surréaliste.
J'ai du me rendre à l'évidence : personne d'autre ne t'avais entendu. Pour les gens de ta classe, tu es juste un weirdo, pour les autres tu n'existes pas, comme tu n'existais pas à mes yeux, avant. Il est vrai qu'au milieu de la foule, il est rare qu'on dévisage une personne livide, cernée et au visage fermé. Du moins qu'on le fasse assez pour voir l'harmonie parfaite de ses traits, la grâce de son corps fin sous ses vêtements trop amples, et surtout cette lueur qui brille au fond de ses yeux. Cette espèce de profondeur que je n'avais jamais vu chez personne d'autre que toi.Tu avais pris possession de chacune de mes pensées, Min Yoongi.
Mais il restait encore le contact à établir, ce qui me semblait tout bonnement impossible.
Tu n'imagines pas ma joie, après plus de six mois, quand Kookie m'a donné un prétexte pour aller te voir.Ses joues, joliment décorées d'un voile rose, tournèrent au rouge vif à l'entente de sa propre phrase, et se mit à bafouiller.
- Non... je ne v-veux pas dire que... que je ne... que c'était juste une excuse... enfin... une bonne raison plutôt...
- Je vois.
- Tu me prends pour un psychopathe, Hyung ?
- Non, je trouve ça mignon._________________
Chapitre à peine corrigé, pardon pour les fautes/répétitions qui ont dû m'échapper.
Je voulais absolument poster ce soir.

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HELP [Yoonmin]
Fanfiction《Laisse-moi au moins essayer ! - A quoi bon ? Tu t'enfuiras, comme tous les autres. Comme j'essaye de le faire. Va rejoindre la troupe de filles qui t'adule et fous-moi la paix. - Merde, Yoongi, tu es magnifique, brillant, doué dans tout ce que tu f...