Informations sans intérêt (VI)

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- Parle-moi de toi, Hyung.
- Que veux-tu savoir, Jiminie ?

Il lève de grands yeux vers moi, sûrement choqué par le surnom que je venais de lui donner. Pour ma part, je ne décroche pas le regard de mon portable, sachant pertinemment que si je le posais sur l'adolescent, je serais dans l'incapacité totale de l'en détacher.

Hier, j'avais commis une erreur. Une grossière -peut-être fatale- erreur : j'avais montré de l'intérêt pour lui.

J'avais été déstabilisé, alors que normalement, c'est moi qui déstabilise. J'avais laissé tomber mon masque.

En plus de m'être trahi auprès du lycéen, j'ai ouvert la porte à des pensées luxurieuses.

Nourrir ce genre de pensées envers quelqu'un est généralement le cadet de mes soucis.
Soit je me fais une raison, soit je baise avec lui. C'est pas plus dur que ça.

Sauf qu'avec le petit Park, je ne peux pas le chasser de mes pensées : on se voit tous les midis.
Je ne peux pas non plus coucher avec lui, juste comme ça.
Et de fait, je n'en ai pas envie. J'ai envie de l'embrasser des heures sans jamais m'en lasser, de découvrir du bout des doigts son corps qu'il me donnerait sans réserve, comme on offre à un amant, au sens noble du terme, pas à un vulgaire plan d'un soir.
J'ai envie de le prendre dans mes bras, de le serrer contre moi, de sécher ses larmes, de l'aider de mon mieux, de dormir avec lui.
Oui, de partager mais nuits avec lui, ainsi que mes matins.

Putain, il me rend niais ce gosse. Il est vraiment dangereux, ce Jimin qui ne paye pas de mine (l'homéotéleute est purement involontaire). Du moins il l'est pour moi.

Je mords ma lèvre et fais tout mon possible pour éviter de le regarder. Je passe une main dans mes mèches, pour les replacer, officiellement, mais officieusement pour me remettre les idées en place. C'est très dérangeant de sentir ses yeux sur moi quand les miens sont baissés.

Jimin n'a toujours pas osé aller plus avant. Je l'entends pourtant respirer assez vite, ainsi que pianoter sur sa cuisse.

- Tu voulais me poser une question, non ?
- Euh... oui... enfin... juste en savoir un peu plus...

J'avais raison, il est déstabilisé. Je ne sais même pas pourquoi.

- Puisque tu ne sembles pas décidé à poser des questions plus précises, ne râle pas si je ne te donne que des informations sans intérêt.
- Tout ce qui te concerne a un intérêt.

Un très léger sourire amusé ourle mes lèvres quand j'ose jeter un œil au danseur. Les joues de ce dernier se sont couvertes d'un adorable voile rose.

J'avoue être assez touché de voir qu'il s'intéresse réellement à moi.

- Tout ? J'en doute. Mais si tu insistes, je suis né par césarienne à 2h34 du matin, en plein hiver. Je pesais 2 kilos 67.
- Quel jour ?
- Ça, je ne vais pas te le dire. Tu serais capable de t'en souvenir.
- Oh, donc ce n'est pas passé. Tu as dis "plein hiver", donc je dirais que ce n'est pas fin février ou début mars.
- Si tu le dis.
- Bah si tu ne veux pas que je sache la date, je te le souhaiterai tous les jours jusqu'au premier mars.
- Idiot, soufflé-je.
- Bon, continue !
- Ah, parce que ça t'intéresse vraiment ?
- Je t'avais dit que tout ce qui te concerne est important.

Oh.
Mon.
Dieu.
Chim-Chim, pour l'amour du ciel, enlève ton coude de mon bureau.
Éloigne-toi de mon visage.
Et arrête de me regarder comme si tu sondais mon âme, tant qu'on y est.

Je plante des pupilles froides dans les siennes et continue à débiter des informations inutiles.

- Je suis enfant unique. J'ai toujours aimé la solitude. J'étais scolarisé à domicile jusqu'à ma quatrième après avoir eu des problèmes à six ans.
- Problèmes de santé ?
- Non, de sociabilisation. Je faisais mes devoirs sur le PC de ma mère, mais ils me laissaient énormément de temps à tuer. Surtout que j'étais quasiment toujours seul, si on oublie la domestique. Alors j'ai appris plein de langues, et ai lu tous les livres qui me tombaient sous la main. Je dessinais beaucoup, aussi.
Maintenant, je suis en dernière année de lycée, je ne stresse absolument pas pour le suneng, j'ai choisi le français comme langue étrangère, "Ethique et Pensée, Vie et Ethique" ainsi que Droit et politique, Économie et tout le tralala en études sociales, le dessin de base en enseignement professionnel, et pour finir, Chimie 1 et Chimie 2 pour les sciences.
Je n'ai pas la moindre idée de ce que je veux faire plus tard. Le seul sport que j'apprécie est le basket.
- Tu fais de la musique ?

Sa voix semble plus affirmer que demander. C'est désagréable.

- Non.

Menteur, pensé-je.

Il sembla le penser aussi. Pendant un millième de seconde, il avait froncé les sourcils et contracté la mâchoire. Il chassa cette expression rapidement.

- Tu pensais ?
- Oh, je me disais juste que tu avais vraiment des mains de pianiste.

Je m'étouffe avec ma salive.

- Si tu le dis. Mais je hais la musique.

HELP [Yoonmin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant