Chapitre 5: L'histoire du parisien incapable, hein ?

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Samedi, dix heures. L'une de mes premières grasses matinées ! J'ouvre les yeux sereine, aujourd'hui je n'ai ni besoin de me dépêcher de nourrir les chevaux avant de courir après mon bus, ni même d'enfiler mes vêtements en quatrième vitesse parce que je suis en retard en cours à cause d'une ronde tardive. Je suis en vacances. Et je réalise à peine cette réalité, qu'une autre me rappelle à l'ordre.

Je descends, la tête encore un peu dans le brouillard, en entendant ma mère m'appeler de l'entrée. Moly me fait face, l'air déjà bien trop excitée pour un samedi matin.

- Ne la retarde pas trop, cette après-midi elle aide à repailler les box, dit ma mère plus à mon attention qu'à celle de mon amie.

Moly opine du chef et, à peine ma mère tourne les talons, elle me tire vers l'étage en faisant un bruit qui semblerait être une démonstration de son enthousiasme.

- On va au lac ce soir ! s'écrit Moly en refermant précipitamment la porte de ma chambre.

- Le lac... murmure-je distraite. J'ai oublié de demander à mes parents, et visiblement je vais en avoir pour un moment.

- Athé, je t'aime, mais tu dois venir au lac !

- Je sais... Logan m'en a parlé hier. Mais, avec le nouveau qui est arrivé, mon frère qui... est mon frère, j'ai complètement oublié.

- Le nouveau ? m'interroge Moly, relevant un sourcil.

- Ouais, Keith, c'est le neveu du vieux Fred, mon père l'a embauché pour nous aider cet été.

- J'étais même pas au courant que le vieux Fred avait un neveu ! Il ressemble à quoi ? Il est mignon ? sourit Moly de toutes ses dents en s'asseyant à côté de moi sur le lit.

Elle remue ses sourcils à toute vitesse pour me convaincre de répondre à cette question qui ne signifie qu'une chose : si il est mignon, il FAUT qu'elle le voit.

- J'en sais rien, bafouille-je, tout ce que je sais, c'est que je dois aider cet après-midi, que je suis à peine sortie du lit et que, très honnêtement...

Je laisse ma phrase en suspend dans l'air, embarrassée et blessée par ce que je m'apprête à lui révéler.

- Tu sais, ça me fait toujours cette sensation quand je le croise... souffle-je d'un ton empli de mélancolie.

- J'ai envie de lui casser les dents, grogne-t-elle. Je pensais vraiment que le fait que vous vous soyez embrassé voulait dire quelque chose pour lui.

Je souris légèrement et elle me prend la main.

- On a deux possibilités, soit on y va et tu lui fais regretter de n'être que ton ami, soit on se fait une petite soirée entre nous, comme avant !

- Je vais voir avec mes parents déjà, je t'en reparle dans la journée d'accord ? insiste-je, peu sûre du choix que je préfère.

Elle acquiesce, pétillante, comme à son habitude. En ouvrant la porte, Moly et moi nous retrouvons nez à nez avec Keith, sortant de sa chambre. Arrive alors cette scène gênante où, tous les trois, ne savons pas où nous placer dans l'espace pour laisser passer l'autre. Une pluie de « pardon » et « désolé » embarrassés s'abat sur nous et des rires mal à l'aise se laissent entendre pour essayer de détendre ce moment foncièrement gênant. J'ai horreur de ce genre d'instant. Que ce soit dans la rue, dans le bus ou même dans les couloirs du lycée, je me sens toujours ridicule face à ce bug partagé de nos cerveaux qui anticipent les mouvements de l'autre pour les imiter à la perfection, quand on devrait au contraire les détourner pour laisser à chacun son espace personnel pour reprendre sa route.

Summer nights.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant