Chapitre 14: Ne t'excuse jamais pour ça.

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Je reste figée un instant, sans réellement comprendre le sens de sa phrase. Comment ça il est là pour ça ? Qu'est-ce que ça implique ? Je le regarde discrètement du coin de l'œil. Son regard est fixé sur le ciel, et d'un coup en admirant cette scène, j'ai l'impression que l'espace se tord entre nous. Je le vois à des kilomètres de moi, il s'éloigne sans que je ne parvienne à l'atteindre. Le fossé qui était déjà présent entre nous, se transforme en un distorsion de l'univers, rendant impossible tout contact. Alors, envahie d'une détermination égoïste, je me décide à poser des mots sur toutes ces interrogations.

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ? ose-je.

Dans un silence glacial, son regard reste braqué sur la toile nocturne. Sa mâchoire se contracte et je comprends alors que c'est maintenant que tout se joue.

- Si tu ne veux pas m'en parler, je comprends, on ne se connait pas, et tu ne me dois rien.

- Quand... commence-t-il.

Ses yeux clairs sont emplis d'une innocence et d'une douleur palpables lorsqu'ils croisent les miens. Son visage me semble si différent. J'ai en face de moi un petit garçon, complètement brisé par la mort de sa mère. Mon cœur se brise en constatant que cette carapace que je voulais détruire à tout prix, est belle et bien en train de s'effondrer doucement. Et je ne suis finalement plus si sûre que ce soit une bonne idée.

- Quand elle est morte, j'ai complètement vrillé. J'en ai voulu au monde entier. J'en ai voulu à ces flics qui sont venus me trouver pour me l'annoncer. J'en ai voulu à mon père d'être parti depuis un bail. J'en ai voulu à ma mère aussi, d'être partie ce matin là au boulot et de n'être jamais rentrée.

Je sens la tristesse tordre mon estomac et mon cœur. J'ai envie de l'enlacer, de le consoler, ce garçon qui retient tant bien que mal ses larmes depuis si longtemps.

- Fred, son beau-frère, a été averti. Ma mère avait choisi de rester vivre à New-York après le départ de mon père. Même si ils avaient vécu un temps à Pennylane, elle était Newyorkaise, et pour elle ça n'avait pas de sens de rester en France. Malgré tout elle a tenu à ce que j'ai une double culture complète. Elle n'a jamais détesté mon père malgré tout. Elle m'a envoyé à Pennylane durant des années pendant les vacances, pour que je ne perde pas le lien familial avec le côté de mon paternel.

- Ça n'a pas dû être facile à gérer, souffle-je, dépassée.

- Comme disait ma mère « parfois les adultes s'aiment et parfois pas, mais on ne peut pas tant leurs en vouloir d'être humains. », alors je me suis simplement dit que c'était juste ma mère et moi. J'étais gamin, c'était assez flou pour moi tout ça, tu vois, dit-il en riant doucement.

- Ça se comprend...

- En tout cas, en grandissant, je l'ai trouvé à vomir. Il a laissé ma mère pleine de rêves et d'espoirs inachevés. Elle avait plaqué sa vie pour lui, pour s'installer à Pennylane. Fonder une famille. Puis quand je suis arrivé, les choses ont mal tournées à partir de mes dix ans. Et tout ce mensonge de famille s'est envolé. Alors quand elle est morte, je me suis retrouvé seul... souffle-t-il, les yeux rougis par l'émotion.

Dans un geste naturel de réconfort, j'attrape sa main et lui sourit. Surpris, il me regarde un instant avant de serrer l'emprise de sa main sur la mienne.

- Du coup, quand Fred a été mis au courant, j'ai été étonné. J'étais dans mon coin, à haïr le monde, j'étais complètement perdu et j'ai fait de mauvais choix. En réalité, ma mère l'avait mis comme contact à prévenir en cas de problème. Et il est venu aussi vite qu'il a pu. Il a fait mes bagages et m'a trainé à Pennylane. Il m'a dit qu'il m'avait trouvé un job et que je n'avais pas d'autre choix que de me reprendre en main. J'avais arrêté la fac, j'avais quitté mon taff, j'avais arrêté de vivre avec elle... Et il a été là pour me relever.

Summer nights.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant