Summer nights.

Chapitre 11: La chrysalide.

- Comment tu as pu me cacher que celui qui te plait c'est Jordan ?

- Et comment tu as pu croire que j'avais des vus sur Keith ?! s'étonne Moly.

- Bah...

Mon sourire s'étire à la seule pensée de ce qui, pour moi, seraient de bonnes raisons.

- Meuf, je tombe de haut ! Tu craques pour le neveu du vieux Fred ! s'esclaffe-t-elle, se roulant presque par terre.

- Moins fort, Moly ! gronde-je en un début de rire.

- Mais attends...

Mon amie se redresse, tentant de calmer son fou rire. Son regard change soudainement, comme si elle avait été victime d'une prise de conscience déroutante.

- T'as cru que j'étais amoureuse de Keith ?!

- Je n'aurais certainement pas cru que tu me parlais de Jordan ! souffle-je, toujours surprise par la nouvelle.

- Mais Keith... ? s'indigne-t-elle, le visage déformé par l'incompréhension.

- Je sais pas, vous vous êtes échangé vos numéros à la soirée du lac, commence-je, me sentant rétrécir au fur et à mesure de mes énonciations, et puis vous aviez l'air proche. Et vous êtes allés à une « soirée commune » mime-je, piqué au vif.

- Athé... souffle mon amie, résignée.

Face à sa moue pleine d'empathie et le sourire léger qui vient illuminer son visage, je me dis finalement que mes suppositions avaient peut-être été assez hâtives pour le coup. Mais comment ne pas faire le lien ? C'est vrai quoi, ça prêtait à confusions. Et puis, Moly est une fille magnifique, Keith est plutôt très beau, ça n'aurait rien eu d'étonnant que l'un et l'autre jette son dévolu pendant cette soirée où la proximité est toujours au rendez-vous. Je me demande même au fond ce qui a fait qu'elle préfère choisir quelqu'un comme Jordan...

Jordan et Logan n'ont pas toujours été comme les deux doigts de la main. Pendant un temps, ils se détestaient même. Au collège, lorsque Jordan a emménagé à Pennylane, c'était le genre de garçon que personne ne remarque. Le petit gars recroquevillé sur lui-même, rougissant à la moindre sollicitation, assis dans un coin de la salle en attendant sans doute que l'heure se termine. Logan n'a jamais été du genre à persécuter les autres – même si ses antécédents familiaux pourraient le laisser croire – pourtant, il ne pouvait pas s'empêcher d'être désagréable avec ce petit brun au regard fuyant. Ça n'a jamais été plus loin que des regards peu aimables et une nonchalance assez incroyable pour des gosses de quatorze ans.

Un jour, en troisième, le collège a organisé une sortie scolaire au musée militaire de Severon, une ville bien plus active que Pennylane. A la sortie de cette journée, sous l'étonnement général, Logan et Jordan étaient devenus de parfaits meilleurs amis. La raison ? Personne ne l'a jamais su. Mais depuis, ils ne se quittent plus. Et comme on le sait, être ami avec Logan est un privilège qui ne se refuse pas. Il attire les autres pour les faire léviter autour de lui, comme une aura magique ou quelque chose dans le genre.

Jordan a changé du jour au lendemain, au même titre que leur relation. Aux côtés de Logan, il s'est révélé être un garçon très drôle, bavard, mais toujours avec un regard fuyant à l'égard des jeunes filles que nous étions.

Moly me disait souvent que Logan avait implanté en lui un peu de son audace pour l'aider à survivre dans ce monde de brutes. Sans quoi il n'aurait jamais été celui qu'il est aujourd'hui, à presque dix-huit ans. Car si le petit collégien s'est métamorphosé en quelques jours, laissez-moi vous dire que depuis toutes ces années il n'a fait que grandir, jusqu'à un jour devenir un magnifique papillon – du moins aux yeux de Moly. Jordan est resté quelqu'un de foncièrement gentil, très délicat, essayant toujours d'amuser la galerie, bosseur et doté d'une sensibilité que, malheureusement, d'autres autour d'eux n'ont pas.