Chapitre 5.
ACCROUPI AU FOND DE LA cabane, un petit garçon roulé en boule semble sangloter. Je m'approche et tends ma main vers lui, comme s'il était sur le point de disparaître, comme s'il était si fragile qu'un simple effleurement pourrait le briser en mille morceaux. Je pose ma main sur sa tête sans rien dire, mêlant mes doigts à sa singulière chevelure bicolore.
Il relève lentement le visage vers moi. Je lui souris. Il sèche ses larmes d'un revers de la manche avant de renifler un grand coup.
Aucun mot n'est échangé. Le silence nous entoure. On peut juste entendre la douce litanie du grésillement des cigales qui envahit la forêt comme chaque été. J'entoure la tête de Shoto de mes petits bras, le plaquant contre moi, comme pour lui montrer que je suis là pour le protéger et qu'il n'a pas à avoir peur. Shoto ne dit toujours rien, je sens seulement ses larmes venir mouiller mon tee-shirt.
— Ça va mieux ? lui demandé-je.
Le tressautement de ses épaules se calme, il tremble moins. Il relève une nouvelle fois les yeux vers moi, ses yeux rougis par ses pleurs. Il hoche simplement la tête et et ne rajoute rien.
Encore un étrange souvenir qui m'avait échappé. Je ne sais pas pourquoi je me souviens de tout ça maintenant. Mais le retour de Shoto n'y est sans doute pas pour rien.
Il faisait très chaud, ce jour-là. Même pour un mois de juillet, la température était assez élevée. Je n'avais pas prévu d'aller à la cabane, et je m'attendais encore moins à y trouver Shoto. Je revenais de chez Kacchan qui avait une piscine gonflable dans laquelle nous avions l'habitude de nous baigner lorsque nous avions trop chaud. Je rentrais chez moi, mais j'ai eu l'irrémédiable envie de faire un détour par la cabane.
J'ignore pourquoi. Mes pas m'y menaient, et ma raison ne pouvait rien y faire. Je ne pouvais que me laisser guider par cette mystérieuse force qui me poussait à trouver notre repère. Toujours dans cette sorte de transe, je m'engouffrais dans la forêt, rejoignais la clairière et grimpais à l'échelle. Je n'avais même pas été surpris d'y voir Shoto, recroquevillé sur lui-même.
C'était ce genre de moment dans la vie, où on se laisse complètement aller à notre instinct. Inconsciemment, je devais avoir senti que quelque chose n'allait pas. Maintenant que j'y pense, j'ai toujours eu cette sorte de connexion avec Shoto. Je comprenais ce qu'il pensait sans qu'il ait besoin d'ouvrir la bouche, je savais quand il allait mal sans qu'il ait besoin de pleurer. Je me demande s'il ressentait la même chose que moi, nous n'en avons jamais vraiment parlé. Je crois que ça nous a toujours paru naturel.
— Tout va bien ! Pourquoi ? Parce que la cavalerie est là ! Tout va bien ! Pourquoi ? Parce que la cavalerie est là !
La sonnerie de mon portable me tire de mes pensées. C'est le générique du dessin animé sur All Might. J'avoue avoir un peu honte lorsqu'on m'appelle en public, mais j'assume mes goûts. Le nom d'Ochaco apparaît sur l'écran, je me demande de quoi elle veut me parler...
— Allô ?
— Deku ! Où es-tu ?!
— Chez moi pourquoi ?
— On t'attends depuis dix minutes ! On est samedi, t'as oublié qu'on devait se voir avec Shoto ?!
Ça m'était complètement sorti de la tête ! Tu parles d'un ami ! Bon sang, quelle nouille !
— J'arrive tout de suite !
J'ai passé la matinée à rêvasser en lisant des bandes dessinées, je n'ai pas vu le temps passer. Je sors de mon lit en quatrième vitesse et me dépêche d'enfiler un sweat et des baskets pour sortir dehors. En piquant un sprint, je parviens à atteindre le lieu de rendez-vous fixé devant le lycée en cinq minutes.
— Excusez-moi pour le retard ! m'exclamé-je en m'inclinant, les mains posées sur mes genoux, cherchant à reprendre mon souffle.
Ochaco secoue la tête en soupirant, tandis que Tenya me sourit simplement, comme pour me signifier qu'il ne tiendra pas rigueur de mon erreur. Je sens mon coeur louper un battement en posant mon regard sur Shoto, qui arbore un petit sourire amusé.
Décidément, tu n'as pas changé, semble-t-il vouloir me dire à nouveau.
— Bon, maintenant qu'on est tous réunis, on va pouvoir décider de ce qu'on va faire cette après-midi. Des idées ? nous interroge Ochako.
Tenya rehausse ses lunettes, réfléchissant le plus sérieusement du monde à la question. Ce qu'on pourrait faire tous les quatre...
— Peut-êtrequ'onpourraitallerdansle
parcpourprofiterdubeautempsouallerfairedulèchevitrinraucentre-villeyadesboutiquessympas...— Tu marmonnes Midoriya. Mais ce sont de bonnes idées.
Je ferme précipitamment ma bouche en me rendant compte que j'ai encore une fois parlé à voix haute. Je sens monter en moi une pointe de fierté en entendant l'approbation de Shoto. Son avis a toujours été très important pour moi. J'ignore si l'inverse est vrai. J'étais son seul ami, j'étais celui a qui il parlait le plus. Pourtant, je n'ai pas de souvenir dans lequel je l'écoute se confier à moi...
— Direction le centre-ville alors ! Je connais une super pâtisserie qui fait des gâteaux à tomber par terre, vous m'en direz des nouvelles ! s'enthousiasme Ochaco.
— Je connais un endroit très calme pour étudier, nous informe Tenya.
— Ah ça, jamais de la vie ! s'exclame la brune. On est là pour décompresser et passer du bon temps ! Étudier, c'est pas bon pour le moral !
— Pour moi ça l'est.
— Intello.
— Je ne te permets pas.
Je ne peux m'empêcher de rire en les écoutant se chamailler. Même Shoto, qui fait toujours de son mieux pour paraître impassible, arbore un petit sourire amusé. J'adorais voir cette expression sur son visage étant petit. C'était très rare de voir Shoto un minimum épanoui, alors je me sentais toujours gonflé de fierté lorsque je parvenais à ne serait-ce que lui décrocher un sourire.
— Il y a un restaurant japonais où j'aimerais manger, dit Shoto de son ton habituelle, interrompant ainsi Ochako et Tenya dans leur petite dispute.
— C'est vrai que tu as toujours beaucoup aimé les mets japonais, surtout les nouilles soba si je me souviens bien... réfléchis-je à voix haute. Ça me va !
Il hoche la tête, et nous nous mettons enfin en route pour le centre-ville. Je compte bien profiter de cette sortie pour me rapprocher de lui et tenter d'y voir un peu plus clair sur tout ce mystère qui l'entoure. Ochaco à raison: si je veux l'aider, il ne faut pas que je le délaisse.
VOUS LISEZ
Nos souvenirs évanescents
FanfictionShoto Todoroki. C'est ainsi que se prénommait mon meilleur ami. Lui et moi étions inséparables. On étaient toujours fourrés ensemble, à jouer sous la pluie ou à nous raconter des histoires dans un coin de la récréation. Cependant, à la fin de l'écol...