Chapitre 15.
SHOTO EST LÀ, AU PIED de la cabane. Dans une vieille chemise bleue canard ouverte sur un tee-shirt blanc. Il me sourit. Ses mèches blanches et rouges s'entremêlent, secouées par le vent. J'ignore si c'est la vue ou le temps qui me fait ressentir ça, mais je me sens traverser par un étrange frisson. J'ai l'impression d'avoir à la fois chaud et froid. Comme si un ma droite était gelée et ma gauche incendiée. C'est assez particulier comme sensation.
J'ai attendu ce moment toute la journée avec impatience, mais maintenant que je le vois, je ne sais pas quoi lui dire. Dois-je désamorcer la conversation ? Ou me taire et attendre que ce soit lui qui prenne la parole ? Cette option me paraît être la plus judicieuse.
— Je suis passé voir ma mère à l'hôpital aujourd'hui. Elle te passe le bonjour.
Je souris.
— Tu lui passeras aussi le bonjour de ma part la prochaine fois que tu la verras.
Il hoche la tête et se décolle de l'arbre sur lequel il s'était adossé. Ce même arbre qui soutient notre repère, qui a tant de fois été témoin de nos fous rires et de nos confidences enfantines.
— J'ai aussi eu une discussion avec mon père.
Son visage s'assombrit, une ombre semble s'être déposée devant ses yeux. Je pince les lèvres, comprenant qu'il est temps d'aborder le sujet sérieux. Ça ne risque pas d'être une partie de plaisir, et ça a sûrement été difficile pour lui de se confronter à son père après tout ce qu'il a vécu à cause de lui, mais je pense que c'est une bonne chose qu'il lui ait parlé en face à face. Reporter cette confrontation encore et encore n'aurait mené à rien. On ne peut fuir éternellement.
— Ça me fait mal de l'admettre, mais il a été plus compréhensif que je ne le pensais. Je lui ai dit que je ne comptais pas revenir, que je me plaisais avec Fuyumi, ici. Il n'a pas émis d'objection.
— Tant mieux.
— Oui. Il m'a demandé de le pardonner, aussi. Pour maman, pour mes frères et sœurs, pour moi, pour la bouilloire, pour ses propos déplacés, pour tout. Mais...
Il serre les poings. Je ne dis rien, ne souhaitant pas le presser. Je le regarde dans les yeux pour lui montrer que je suis là, qu'il a toute mon attention. Je l'invite silencieusement à poursuivre quand il aura trouver ses mots.
— Mais c'était au-dessus de mes forces. Je suis toujours en colère contre lui, et je le lui ai fait comprendre. D'un autre côté, je veux aussi lui pardonner... Mais pas tout de suite. J'ai besoin de temps.
— Je comprends. Fais ce que te dicte ton cœur pour ne pas avoir de regret.
— En parlant de cœur...
Son regard se fait fuyant, ses pommettes sont plus roses que d'habitude. Il est gêné ? C'est rare de le voir ainsi perdre ses moyens.
— Je crois que je ne te l'ai jamais dit concrètement mais... J'ai beau être très attaché à cette ville et à ma sœur, ce n'est pas pour elles que je tiens à tout prix à rester ici. Je... Je ne pensais pas que ce serait si dur à exprimer mais...
Je le regarde sans comprendre. J'ai l'impression qu'il est entrain de me faire une déclaration, mais je ne parviens pas à y croire. J'ai le cœur qui tambourine tellement fort dans ma poitrine que j'ai l'impression que mon corps entier va exploser, comme un solo de batterie amplifier dans une salle de concert. On se sent traverser par la musique, on n'est plus que du bruit, et plus rien n'a d'importance que le rythme du batteur. Merci à Kacchan qui m'a fait écouter ses morceaux de métal avec le son au maximum pour m'avoir inspiré cette métaphore.
— Je... Tu...
Il soupire.
— De toute façon, j'ai toujours été plus doué pour exprimer ce que je ressens par les gestes plutôt que par la parole.
Je n'ai même pas le temps de réagir, alors que tout se passe au ralenti dans ma tête. Il vient de se pencher vers moi et de poser ses lèvres sur les miennes. Je me fige complètement, trop submergé par mes émotions, trop enivré par le concert que donne mon cœur dans ma cage thoracique. Je n'avais encore jamais embrassé personne, et je peux affirmer que c'est aussi son cas. C'est maladroit, ni l'un ni l'autre ne savons comment bouger notre bouche.
Mais c'est tout doux. Et c'est chaleureux. Ce n'est sans doute pas le meilleur baiser du monde, mais ça l'est pour moi. Et j'espère que ça l'est pour lui aussi.
Après un moment qui me semble trop court, Shoto se détache de moi. Une lueur brille dans son regard, j'ignore si c'est bon ou mauvais signe. Mais je n'ai plus de doute lorsqu'il se repenche vers moi pour m'embrasser à nouveau. Encore. Et encore. Je place timidement mes mains derrière sa nuque, ne sachant pas où les mettre. Il pose les siennes dans mon dos, tout aussi gauchement que moi.
Toutes mes questions se sont envolées. Ce seul geste réuni toutes les réponses que j'attendais. Je suis amoureux de Shoto, et ça fait du bien de me l'avouer. Je ne veux plus qu'il me quitte. Je ne veux pas qu'il reparte comme il l'a fait cinq ans plus tôt. Je veux rester avec lui aussi longtemps que possible. Notre amitié a toujours été trop forte. Voilà pourquoi on nous dévisageait en cours de récré, pourquoi on semblaient trop proches pour n'être que des amis.
Parce que nous étions des enfants qui nous aimions comme des grandes personnes.
— Je t'aime, Midoriya.
— Je t'aime aussi, Shoto.
Décidément, cet arbre aura tout vu. Notre première cabane, notre première randonnée en forêt, notre première collecte de châtaigne, notre première dispute à cause d'un cache-cache par que je l'accusais d'avoir triché, n'acceptant pas qu'il m'ait débusqué aussi rapidement. Et il aura également assisté à notre premier baiser, première déclaration, et premier amour. Il n'y avait pas meilleur endroit pour nous avouer nos sentiments.
~~~
Dieu que c'est niais ;-;
Le prochain chapitre sera le dernier :)
Joyeux Noël les loulous !
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Nos souvenirs évanescents
Hayran KurguShoto Todoroki. C'est ainsi que se prénommait mon meilleur ami. Lui et moi étions inséparables. On étaient toujours fourrés ensemble, à jouer sous la pluie ou à nous raconter des histoires dans un coin de la récréation. Cependant, à la fin de l'écol...