Chapitre 4.
OCHAKO ET TENYA FIXE MON ami d'enfance avec des yeux ronds. Après s'être un peu expliqués, j'ai proposé à Shoto d'en rester là pour le moment, et de remettre le reste de ses révélations à plus tard. C'était déjà beaucoup pour lui, de s'être autant ouvert à moi. Je sais qu'il a du mal à s'exprimer, je ne voulais pas lui en demander de trop. Pour changer de sujet, je lui ai proposé de le présenter à mes amis que je me suis fait au collège. D'abord visiblement réticent, il a fini par accepter, bien qu'à contre-coeur.
J'ai constaté non sans amusement que son asociabilité ne s'était pas arrangée avec le temps. Mais ça ne me dérange pas, au contraire. Ça m'aurait même déstabilisé de découvrir un Shoto loquace et à l'aise avec les gens. Je n'étais déjà pas préparé à le revoir, alors si en plus il avait complètement changé de personnalité, j'aurais été deux fois plus déboussolé.
— Alors c'est lui, le fameux Shoto ?! Enchantée, moi c'est Ochako, ravie de faire ta connaissance ! Et le grand coincé là, c'est Tenya ! dit-elle en le pointant du doigt en rigolant.
Celui-ci se contente de rehausser ses lunettes, prenant sur lui pour ne pas se mettre à lui remonter les bretelles. Shoto ne dit rien non plus, hochant simplement la tête par politesse. Un ange passe, aucun de nous n'ose ajouter quelque chose. C'est assez malaisant.
— Et sinon Shoto, tu as repris tes marques ? Comment tu trouves le lycée ? Tu as toujours d'aussi bonnes notes ? lui demandé-je pour combler le blanc.
— Oui, ça va.
Il est aussi peu bavard que dans mes souvenirs. À ce rythme-là, la pause de la matinée va se terminer et je n'en aurais pas plus appris sur lui.
— Sérieux, tu t'en sors ?! Parce que moi j'ai du mal à prendre des notes, tout va trop vite ! Je suis sûre que tu es un intello, comme Tenya !
Je gratifie Ochako du regard. Elle a toujours été très douée pour détendre l'atmosphère et mettre les gens à l'aise. Je suis vite embarrassé lorsque je côtoie la gente féminine, mais elle, c'est une exception. C'est une boule d'énergie et de bonne humeur, je n'ai pas pu lui résister très longtemps. Elle m'a abordé en sixième, alors que le professeur nous avait mis à côté. Nous avons rapidement sympathisé, et les années ont eu beau défiler, notre amitié n'en a jamais été affectée.
L'entente n'a pas été aussi facile avec Tenya. Je marmonnais beaucoup à l'époque — encore aujourd'hui, d'ailleurs, je n'ai jamais pu me débarrasser de ce tic — et ça le dérangeait beaucoup, surtout en classe, lorsqu'il essayait vainement de se concentrer sur le cours et qu'il m'entendait déblatérer derrière lui.
Mais finalement, contre toute attente, il s'est avéré que nous avions des points communs, notamment notre amour pour les comics et les super-héros. J'ai fait des efforts pour le déranger le moins possible en classe, en parlant plus bas ou en essayant de contrôler mes chuchotements incessants. Et petit à petit, sans nous en rendre compte, nous avons fini par passer de plus en plus de temps ensemble.
C'est ainsi que s'est formé notre trio excentrique composé de Tenya, l'intello sérieux, d'Ochaco, la belle gosse rigolote et de moi-même, le nerd qui n'a pas les pieds sur terre.
— Je suis content de voir que Midoriya est ami avec des gens comme vous, dit Shoto, me sortant de mes pensées.
Cette phrase semble flotter dans ma tête, comme figée pendant quelques instants. Un infime sourire bienveillant étire ses lèvres gercées. Cette vue me donne un léger pincement au coeur.
Shoto, qu'est-ce que tu me caches encore ?
Mais je n'ai pas le temps de lui poser la question que la sonnerie retentit déjà, indiquant qu'il faut retourner en cours. Le sourire de Shoto disparaît alors. Et sans rien ajouter de plus, il nous fait un signe de la main avant de tourner les talons, s'engouffrant dans le couloir qui mène aux bâtiments scientifiques.
— Hm... Il est un peu chelou, mais il n'est pas méchant. Et tout cas, il a l'air de beaucoup tenir à toi, constate Ochako.
— Oui, approuve Tenya. C'était une bonne idée de le rencontrer.
— Mais au fait, vous avez vu l'espèce de cicatrice qu'il a autour de l'oeil ?! J'ai fait de mon mieux pour ne pas la fixer de peur de le mettre mal à l'aise, mais c'était vraiment difficile d'en faire abstraction ! Ça a dû lui faire super mal, tu sais comment c'est arrivé Deku ?!
Je me pince les lèvres. J'ai beau leur faire confiance, je ne pense pas que leur révéler la vérité soit une bonne idée. C'est à Shoto de décider s'il veut leur en parler, pas à moi. Surtout que la blessure à l'air encore ouverte, je ne voudrais pas aggraver son mal-être davantage.
— Oui. Mais je ne préfère pas vous en dire plus. S'il veut vous en parler, il le fera de lui-même.
— Je comprends. Ça ne doit pas être facile pour lui, acquiesce Tenya.
Ochako n'insiste pas non plus, et je les remercie intérieurement d'être aussi compréhensifs.
— Au fait, tu ne nous as toujours pas raconté comment s'est passé ton rendez-vous avec Shoto ! s'exclame Ochako. Tu sais pourquoi il est revenu ?
On dit souvent que la curiosité est un vilain défaut. Je ne pense pas que ce soit nécessairement le cas. Disons qu'il y a un bon et un mauvais usage de la curiosité. Fourrer son nez dans les affaires des autres pour y dénicher des ragots est en effet un défaut. Mais la curiosité d'Ochaco est différente. Elle s'inquiète pour les autres, et c'est pour ça qu'elle veut en savoir davantage. Pour protéger les gens qu'elle aime.
— Oui, il a été honnête, je sais qu'il n'a pas cherché à me mentir. Il a... Des problèmes familiaux qu'il voulait fuir en venant ici. Mais encore une fois, je préfère ne pas trop en dire.
— Il ne doit pas avoir une vie facile... murmure Ochako, la mine compatissante. On pourrait peut-être faire quelque chose pour lui ! Si j'ai bien compris, tu es son seul ami pas vrai ?
— Euh oui, bredouillé-je, ne sachant pas où elle veut en venir.
— On peut l'inviter à traîner avec nous samedi ! Je sais ce que ça fait d'être isolée, vous le savez. Et c'est le meilleur moyen pour broyer du noir ! Alors pas question de le laisser se morfondre tout seul !
Elle nous a déjà confié qu'elle s'était retrouvée esseulée, à l'école primaire. Ses parents étaient pauvres, elle venait de la classe populaire, alors les autres enfants préféraient ne pas l'approcher, influencés par leurs géniteurs qui leur disaient qu'elle était une mauvaise fréquentation. Je n'imagine même pas le calvaire que ça a dû être pour elle, surtout à cet âge-là. Et Dieu seul sait que les enfants peuvent parfois être plus cruels que les adultes.
J'approuve totalement ce qu'elle dit. Je connais Shoto depuis tout petit, en fait, je pense même que je suis celui qui le connais le mieux. Je sais au combien il est doué pour cacher ses émotions derrière son visage neutre et ses mots dénués de sentiments. En réalité, c'est quelqu'un de sensible, qui a juste appris à le cacher pour ne pas se faire bouffer par la société.
— C'est une excellente idée Ochako ! dis-je en lui prenant les mains avec enthousiasme. Faisons ça !
Elle rougit, balbutiant je ne sais quoi. Je rigole: d'habitude, c'est moi qui marmonne n'importe quoi ! Tenya sourit, signe qu'il est d'accord avec nous.
Shoto, je ne sais pas ce que tu me caches encore, j'ignore si tu vas aussi bien que tu le dis. Mais compte sur moi pour te tendre la main, peu importe ton père, peu importe le reste.
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Nos souvenirs évanescents
Fiksi PenggemarShoto Todoroki. C'est ainsi que se prénommait mon meilleur ami. Lui et moi étions inséparables. On étaient toujours fourrés ensemble, à jouer sous la pluie ou à nous raconter des histoires dans un coin de la récréation. Cependant, à la fin de l'écol...