VII

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Chapitre 7.

     NOUS NOUS PROMENONS SUR UNE route de campagne que nous connaissons bien. Nos pâtisseries en main, nous cherchons un coin propice pour nous asseoir et les déguster en toute tranquillité. Les oreilles bercées par le grésillement des cigales, nous nous engageons sur un sentier en terre battue entouré de champs de blé.

Je suis déjà venu là avec Tenya et Ochaco, les jours d'été où nous désirions un peu de solitude, loin des gens et du bruit de la ville. Nous avions trouvé ce chemin par hasard, en déambulant à côté de la route. Nous avions l'après-midi de libre, aussi avions nous décidé de suivre ce sentier, curieux de découvrir où il pouvait bien déboucher.

Nous étions alors tombés sur un petit ruisseau en contre-bas, abrité par les arbres de la forêt dans laquelle Shoto et moi avions bâti notre cabane. C'est vite devenu notre point de rendez-vous pour le reste des vacances d'été. Ce lieu était isolé, frais et gratuit. Nous n'allions pas nous faire prier pour le squatter toute la journée.

Shoto ne pose pas de question depuis tout à l'heure. Il se contente de nous suivre alors qu'il ignore tout de notre destination. Nous lui avons juste dit qu'on connaissait un endroit pour manger ces pâtisseries tranquillement. Il a hoché la tête sans chercher à en savoir plus. Du Shoto tout craché.

— On s'assoient là ? demande Ochaco en tête de file, qui pointe du doigt l'espace de verdure qui borde le ruisseau.

— Ça me va, approuvé-je.

Nous quittons alors le chemin pour descendre vers la petite rivière qui s'écoule à droite. Il suffit de descendre une pente parsemée d'herbes verte pour l'atteindre, un jeu d'enfant. Sauf quand le terrain est glissant à cause du temps qui se rafraîchit et qu'on s'appelle Izuku Midoriya.

— Ça va Deku ?! s'exclame Ochaco après que j'ai pitoyablement glissé en arrière pour me retrouver étalé sur le dos.

Je me redresse en grimaçant avant de me masser l'arrière de la tête. J'ai chuté tête la première, je peux vous assurer que ça ne fait pas du bien. Je serre les dents en passant sur une zone particulièrement douloureuse, avant de loucher sur une main tendue vers moi. C'est celle de Shoto. Je la saisis à la hâte, comme si j'avais peur qu'elle disparaisse, qu'elle ne soit en fin de compte qu'un simple mirage.

— Merci, dis-je en tirant un peu sur son bras pour me relever.

Il me lance un sourire fugitif avant de reprendre la marche. Et cette fois, je fais bien attention où je mets les pieds.

— T'es quand même un sacré boulet Deku, me lance Ochaco en s'asseyant dans l'herbe près du ruisseau.

— Sans commentaire, me contenté-je de répondre.

Nous l'imitons avant de sortir nos pâtisseries de nos sacs en papier. Je lorgne la mienne avec un appétit évident, prêt à passer à l'attaque. J'ai choisi une religieuse au chocolat, mon dessert préféré. Ochaco a préféré une tartelette aux fraises, tandis que Tenya a opté pour un gland, ce gâteau de forme ovale recouvert d'un glaçage vert et de fins copeaux de chocolat, garni de crème pâtissière à la vanille.

Pour le coup, j'ignorais ce que choisirais Shoto. Je crois qu'il n'a jamais été très sucré, alors je ne connais pas ses goûts en matière de dessert. Il a pris un éclair au café, et je me suis dit que ça lui ressemblait totalement. Une pâtisserie froide et ennuyeuse en apparence, mais douce et chaleureuse à l'intérieur.

— Décidément, que ce soit avec ou sans tes baguettes, tu manges vraiment mal, siffle Tenya en voyant Ochaco tenter d'avaler sa tarte en une seule bouchée.

— Et toi, crunch, tu es aussi glandu que ton gland ! s'exclame-t-elle en croquant finalement dans sa tartelette, abandonnant probablement l'idée de l'engloutir en une fois.

— J'apprécie le jeu de mot, commenté-je.

— Pas moi, maugrée Tenya en prenant une petite bouchée de son gland.

Nous rions de bon coeur, nos voix se mêlant aux bruits de la nature, aux froissements des feuilles secouées par le vent et aux clapotis de l'eau qui s'écrase contre les pierres semées de manière aléatoire dans le ruisseau.

— Tu manges quoi Midoriya ?

Je suis surpris d'entendre la question de Shoto, qui semble dévisager mon dessert. Je m'apprêtais à en prendre une bouchée, mais je me ravise pour ne pas lui répondre la bouche pleine.

— Une religieuse au chocolat. C'est fourré à la crème pâtissière. Tu veux goûter ?

Ses traits impassibles se tendent légèrement, quasiment de manière imperceptible. Ses sourcils se haussent, ses yeux s'écarquillent une fraction de seconde avant de retrouver leur neutralité habituelle.

Mais le rouge qui a gagné ses joues ne s'en va pas aussi rapidement... Ça à l'air de le gêner, j'ignore pourquoi. Je n'aurais peut-être pas dû lui proposer... Mais je me demande bien ce qui l'embarrasse autant. Ce n'est pourtant pas si bizarre de faire goûter une pâtisserie à un ami, si ?

— Euh, d'accord... dit-il après un raclement de gorge, comme s'il voulait se redonner contenance.

Faisant mine de ne pas avoir remarqué son étonnement, je lui tends mon gâteau, dans lequel il croque timidement après avoir hésité quelques secondes.

— Alors ?

— C'est... Bon.

Je lui souris, et il me rend ma religieuse. Je croque dedans, et ferme les yeux pour mieux savourer l'onctuosité de la pâte à choux et de la crème pâtissière. Mais je rouvre les paupières en sentant un regard insistant peser sur moi. J'aperçois Ochaco qui me dévisage, un sourcil arqué. Elle me fixe tour à tour avec Shoto. Je ne comprends toujours pas pourquoi. C'est si mal que ça de partager son dessert avec un ami ?

— Voilà ce qu'il te fait, le glandu.

Je sors de mes pensées en entendant le cri aiguë d'Ochaco. Tenya vient de la pousser dans le ruisseau.

— Je vais te tuer ! hurle-t-elle complètement trempée, en sortant précipitamment de l'eau.

Elle le choppe alors par l'avant-bras, alors qu'il était sur le point de se mettre à courir pour s'échapper. Elle le tire pour le déséquilibrer et le fait tomber à son tour dans l'eau claire de la rivière.

Je ris en les voyant se chamailler, se lançant dans une bataille d'eau improvisée. Heureusement, il fait encore chaud pour un mois de septembre, alors ils devraient sécher rapidement.

— On les rejoint ? demandé-je à Shoto qui grimace en les regardant.

Il n'a jamais beaucoup aimé se mouiller. Que ce soit la pluie ou la piscine, il n'a jamais été un grand fan de baignade.

— Sûrement pas.

Je hausse un sourcil, comme pour le mettre au défi.

— N'ose même pas y penser, me prévient-il.

Sauf qu'il est trop tard, puisque je viens de le saisir par le bras pour l'entraîner dans l'eau avec moi.

Nos souvenirs évanescentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant