La fumée noire et agrémentée d'un relent de mort et de viande brulée inondait la place de la ville d'Aldora où s'étaient célébrées les trois purifications. Ces purifications, accueillies par l'allégresse de la plèbe, n'étaient que des exécutions publiques déguisées. C'est ainsi que les voyait Lord d'Avalon, un homme âgé de la cinquantaine, se tenant droit face à trois cadavres brûlants de démons supposés, ayant périt par les flammes pour des crimes imaginaires. La fumée lui piquait les yeux et des larmes salées venaient inonder ses joues où naissait une barbe grisonnante. Il ne pleurait pas pour ces trois pauvres démons qui n'avaient rien fait mais pour le traitement qu'ils avaient subit avant leur mort cruelle et douloureuse. Ils avaient été torturés, fouettés, mutilés voir pire par des Inquisteurs guidés par une foi fanatique et aveugle, leur dictant des ordres aussi cruels qu'inhumains. Ces Inquisiteurs avaient été plus démoniaques que les trois pauvres personnes qui brûlaient là.
D'un coup, le brasier du centre s'enflamma avec plus de vigueur encore, provoquant un souffle de chaleur. Le Grand Pontife leva les mains et héla la foule :
-Regardez mes amis ! Voici son âme qui vient d'être recueillie par Thanatos ! Cette personne est lavée de ses pêchés, de ses crimes et de sa souillure, elle est désormais acceptée lavée de tout parjure, de toute ignominie qu'elle aurait causé dans sa vie ! Elle est prête à entrer au Baishun aux côtés de notre vénéré Empereur Asfer Dixième du nom !
Un murmure d'assentiment parcourut l'assemblée. Lord d'Avalon eut un rictus méprisant. En réalité, c'était simplement les os de cette pauvre personne qui avaient du exploser suite à la chaleur, offrant les tendons et la moelle aux flammes. Mais le Grand Pontife préférait ses explications fanatiques et la foule semblait s'en contenter...
Ainsi, les brasiers perdirent en vigueur et en puissance au fil des heures passées. Le corps des démons n'était désormais plus qu'un tas d'os noirs et calcinés tandis que la foule se réunissait afin de partager une sort de libation en l'honneur des âmes égarées qui avaient trouvé le repos auprès de Thanatos. Lord d'Avalon resta à l'écart quelques temps, serrant sa cane avec force, les mains crispées et la mâchoire serrée. Le Lord entendit des bruits de pas se diriger vers lui et sentit son cœur s'emballer lorsqu'il reconnut Ulerian Vaagt dans une tenue très cérémonielle, accompagné de deux soldats de l'Empire Asférien. Lord d'Avalon n'avait pas oublié les évènements de la soirée où Ulerian avait congédié un fou en le priant de revenir au palais impérial le lendemain. Cependant, cet homme perdu aussi bien dans son corps que dans son esprit avait été assassiné par un démon mineur étrangement puissant mentalement.
Malgré ses réflexions personnelles, Lord d'Avalon ne dit rien et hocha la tête en guise de salut pour l'Empereur régent.
-Salutations Empereur Vaagt.
Ulerian hocha la tête et se planta face à Lord d'Avalon.
-Vous ne vous réjouissez pas Lord d'Avalon ? Deux démons ont trouvé la paix et la grâce des dieux grâce à la morsure des flammes.
Lord d'Avalon jeta un regard vers les brasiers qui diminuaient petit à petit en intensité avant de retourner vers Ulerian Vaagt, un sourire pincé aux lèvres.
-Je ne suis pas partisan de ce genre de pratiques mon Empereur. Les démons ont été traités comme des animaux, battus et mutilés avant d'être brûlés. Ce n'est pas honorable. Les exécuter simplement aurait été plus appréciable.
Ulerian Vaagt eut un sourire amer et approcha du Lord.
-Vous n'étiez pas là lors de la Bataille d'Aldora mon Lord. Vous n'avez pas vu les morceaux de cadavres humains, les massacres perpétrés par les démons et les anges. Femmes, enfants, vieillards, soldats,... Ils ne faisaient aucune distinction, ils tuaient sans réfléchir en suivant les injonctions de leurs dieux souverains. Car c'est ce qu'ils aiment Lord d'Avalon. Vous n'avez, je suppose, jamais vu de réel démon en face à face, au sommet de sa puissance. Vous n'avez jamais combattu une de ces choses, qui ne désire qu'une seule et unique chose : vous tuer. Et vous devez la tuer, sinon ce sera elle qui prendra votre vie. Je sais de quoi je parle Lord d'Avalon. J'ai vu des choses efroyables au cours de ma longue vie. Je sais quand il faut prendre des décisions dommageable et quand il faut faire des choses peu "appréciables". C'est ainsi qu'on se fait respecter et craindre. Cependant, cette exécution n'est pas de mon fait. Je n'ai aucune influence sur les décisions du Grand Pontife ni sur celles du Kilimori en général. La Foi et la Couronne sont autonomes.
Lord d'Avalon resta muet quelques secondes devant cette tirade de l'Empereur régent. Il semblait être particulièrement remonté contre les démons et les anges. Il avait perdu beaucoup lors de cette Troisième Guerre Sainte. Son Empereur, des amis et même l'un de ses fils disparu. Lord d'Avalon inclina la tête face à l'Empereur.
-Je suis désolé de vous avoir offensé mon Empereur, je ne voulais pas vous blesser. Vous avez perdu bien des choses lors de cette Guerre Sainte. Vous avez vu votre Empereur mourir devant vous, vous avez perdu votre fils à ce qu'on raconte et vous devez avoir vu des choses qui feraient mourir un humain d'effroi.
Ulerian Vaagt eut un rictus déplaisant, comme s'il se retenait de faire une remarque cinglante avant d'hocher la tête.
-J'en profite pour vous faire passer le mots Lord d'Avalon. Si vous savez où se trouve mon enfant, prévenez-moi immédiatement et ne passez pas par un de mes serviteurs. Jamais un père ne devrait à perdre son enfant.
Lord d'Avalon hocha une fois de plus la tête devant l'Empereur.
-Ce sera fait monseigneur, soyez-en assuré.
Sur ce, Lord d'Avalon se retourna et quitta la place où le cadavre encore fumant de trois démons pourissait déjà au soleil de midi tandis que le peuple d'Aldora festoyait à leur "purification".
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Chroniques d'Avalon
FantasyAldora. Capitale de l'Empire Asférien. L'une des plus belles des cités humaines. Depuis le manoir de Lord d'Avalon, cette ville semble parfaite, épurée, pleine d'harmonie et de tranquillité. Et dire qu'à peine cinq ans auparavant, cette cité était a...