L'Inquisiteur était partit. Lord d'Avalon était toujours présent, physiquement du moins. Son âme était à la limite entre le monde des morts et celui des vivants. Son corps était arrivé à ses limites, son cœur n'était plus qu'un léger bruissement dans sa poitrine, et sa respiration donnait l'impression que sa gorge était emplie de verre, aussi sifflante que celle d'un serpent.
Mon fils…
Émergeant peu à peu pour revenir à un état approximatif de conscience, Lord d'Avalon perçut le sens de ces mots prononcés par une voix grave et sereine. Il ouvrit doucement les yeux. Toute sa cellule était floue, mais une silhouette démoniaque lui apparaissait clairement. Après une légère ondulation, comme si la réalité elle-même exécutait les ordres de cette entité, Lord d'Avalon distingua alors un homme d'âge mûr au visage sévère mais emplit d'une sorte de pitié mêlée de regret.
Face à lui se trouvait Raz'Lak, le Seigneur de l'Akashurr.
-Je... n'ai pas de père… lâcha-t-il dans un souffle.
-Le fait de l’avoir abandonné ne le fait pas disparaître. Souffla Raz'Lak avec une once amertume dans la voix.
Peinant à regarder son interlocuteur, Lord d'Avalon voulut lui dire qu'il n'était pas son réel père, mais choisit de ne pas gaspiller les dernières forces qu'il lui restait en vaines réprimandes.
-Raz'Lak… Vous êtes ici pour me regarder mourir Sombre Père ?
C’est avec une honnêteté étonnante et un ton amusé que le roi des démons répondit :
-En vérité, je projette dans ton esprit une image de moi et de mes paroles. Je ne parviens pas à te voir. Ce sortilège est possible car ton âme se rapproche de la frontière entre les mondes... ton état facilite les choses.
-Je suis en train de mourir ? Qu'elle ironie… J'ai vécu trois millénaires dans la grandeur, à vos côtés et ceux de mes frères pour mourir comme un paria, torturé pour un crime que je n'ai pas commis… Est-ce la raison de votre présence Seigneur de l'Akashurr ? Vous délecter de la mort d'un fils teigneux ?
-Tu apprendras que la vie n’est faite que d’ironie plus ou moins grandes.
Le maître des terres de cendres semble prendre son temps, esquivant la question du Lord et se comportant avec lui comme un père délivrant de sages maximes à un fils un peu trop turbulent.
De son côté, Lord d'Avalon ressentait une sorte de honte mêlée d'une pointe de ressentiment mais comme toujours lorsqu'il se trouvait face au Sombre Père, un profond respect. Il ne voulait pas le provoquer, il ne voulait pas le chasser. Il avait besoin de réponses et parler avec Raz'Lak était quelque chose de rare, même pour lui. Il se résolut, après plusieurs minutes de longue hésitation, à lui poser la question qui le hantait :
-Comprenez-vous mon geste ?
Raz'Lak laissa échapper un léger rire amusé et un rictus barra son visage si noble et altier.
-Par geste, veux-tu parler de ta fuite lâche et indigne de ton rang, de tes exploits et de ta personne même ? Cette fuite qui révolta et attrista ta mère, tes frères et ton père ? Oui mon enfant...oui...je la comprends….
Lord d'Avalon fut surpris des paroles de son père. Lz début de sa tirade était sombre, violente et pleine de colère, telle la tempête grondant pour annoncer la venue de la catastrophe. Mais sur ses derniers mots, il se fit plus doux, plus calme et apaisant.
-Ma mère, mon père,... Des mots que je n'ai que rarement prononcés. Vous n'avez jamais été un père pour moi. Et je n'ai jamais demandé à ce que vous le soyez. Et Lilith était ma génitrice, non ma mère. Les seules personnes qui m'ont élevées sont désormais mortes… j'ai du mal à croire que vous ne puissiez ressentir de la peine… Répondit Lord d'Avalon avec un sourire ironique aux lèvres.
-Quoique tu en penses, je me suis toujours considéré comme le père des membres de la garde noire. Illydane, tu es et resteras un démon admirable. Rétorqua le Seigneur des Cendres avec une pointe d'agacement dans la voix. Reviens ! Laisse donc cette folie et cette tristesse derrière toi! N’en fait pas ton martyr ! Fais en des armes pour te construire mon enfant! Revenir parmi nous n’est pas un pas en arrière après ce que tu as traversé, c’est un exploit !
-Je ne sais même pas si je serais capable de rompre mon propre sortilège Sombre Père. Je l'ai tissé dans mon propre corps, me baignant durant douze jours dans le sang d'un ange, d'un démon et d'un mortels en psalmodiant des sombres sortilèges… Il faudrait une puissance magique que je n'ai pas pour défaire ce qui a été fait. Et je ne suis pas encore prêt à retrouver l'Akashurr… Mais cntrairement à ce que j'ai sous-entendu devant Arca, je sais que je finirai par revenir. Illydane n'est pas totalement mort… Mais il se doit de rester au repos. Et des évènements à Aldora méritent que je m'y intéressent…
Il secoua ses chaînes d'un air fataliste.
-Enfin, si je parviens à sortir d'ici…
-Ne sous estime pas les compétences de Kira. Cette sorcière est impressionnante, même pour moi. Beaucoup me trouvent affaibli, ils jugent que je suis devenu trop miséricordieux, que la pureté et l’Akashurr ne m’importe plus. Je n’ai cure de tels détracteurs. Néanmoins voici ce que je peux te dire : N’oublie pas qui je suis et qui tu es. Ton sang fume car il a été craché du Krrommerra, ta peau bout car tu te baignais petit dans le dernier cercle et ta langue et de feu et de sang, car elle a l’habitude du sombre parler. Je suis ton seigneur et ton père Illydane, en tant que roi des démons, voici mon unique demande : Souviens-toi de qui tu es et ne perd jamais cette image.
Une image s'imposa à l'esprit du Lord. Illydane, le Dévoreur d'Âmes aux côtés de ses frères et sœur de la Garde Noire, arme à la main en refaisant le monde après une bataille acharnée. Une larme, une seule, roula le long de la joue du Lord et s'écrasa au sol. Il mit quelques secondes à répondre tant sa gorge était nouée :
-Vous avez changé d'identité au fil des millénaires, au fil des guerres et des âges. Vous devez actuellement être aussi différent du Raz'Lak sortit du Chaos que Lord d'Avalon ne l'est d'Illydane… Vous souvenez-vous de qui vous étiez il y a cinq millénaires ?
Le dieu ricana doucement, commençant déjà à disparaître dans les ombres au grand damn du Lord qui semblait regretter que son seigneur disparaisse.
-Médite ces paroles de Raz’Lak, le roi des démons : Avoir changé ne signifie pas que je ne suis plus la même personne. Ce qui vaut pour moi vaut surement autant pour toi, Illydane. Répondit Raz'Lak d'un ton bienveillant mais marqué d'une pointe de sagesse millénaire.
Il faisait exprès de l’appeler ainsi, Lord d'Avalon le savait. Ainsi, il alimentaot la leçon qu’il souhaitait lui donner : ce n’est pas parce qu’on change que notre identité est différente.
Lord d'Avalon garda le silence durant quelques minutes, comme s'il réfléchissait aux paroles que le Sombre Père venait de lui enseigner.
-La Garde… Comment ont-ils réagit ? À mon départ… Vous m'avez directement remplacé par un gueux…
-Mal, très mal. La plupart ont été déçus. Je t’ai remplacé car ils seront toujours 7. Jamais plus, jamais moins, pour préserver... L'unité.
Raz'Lak sembla hésiter sur le nombre 7, comme si la Garde Noire n'était plus si unie qu'auparavant.
Alors que le Sombre Père disparaissait déjà, Lord d'Avalon releva une ultime fois la tête devant son Père et rétorqua d'une voix qu'il poussa jusqu'à son maximum, parlant dans la langue originelle des Démons, formulant un serment solennel :
-Lorsque je reviendrai en Akashurr, la tête d'Aruem roulera sur le sol à vos pieds Sombre Père. Mais j'ignore encore quand…
Parler d'une voix si forte lui arracha un léger râle de douleur mais il tint bon, puisant dans ses dernières forces pour maintenir son regard dans les yeux de son seigneur.
Accompagnant ses dernières paroles d’un sourire, retournant dans les brumes oniriques d’où il était venu, le dieu-roi le regarda et de sa voix grave et pleine de sagesse, d'ancienneté et de pouvoir, lui répondit en usant du même idiome et avec une certaine bienveillance :
-Cela nous ferait grand plaisir...
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Chroniques d'Avalon
FantasyAldora. Capitale de l'Empire Asférien. L'une des plus belles des cités humaines. Depuis le manoir de Lord d'Avalon, cette ville semble parfaite, épurée, pleine d'harmonie et de tranquillité. Et dire qu'à peine cinq ans auparavant, cette cité était a...