Chapitre 6

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La sonnerie du téléphone de sa chambre la réveilla le lendemain matin vers dix heures. Le gérant de l'hôtel lui annonça un appel, et tout de suite, lui transféra le correspondant.

- Qu'est-ce que tu fais dans ce lieu ? demanda la voix calmement.

C'était Sly. Elle étouffa un cri de surprise avec sa main. Comment l'avait-il retrouvée ? Inconsciemment, elle rajusta ses vêtements.

- On s'est pourtant occupé de tout pour ton hôtel, continuait-il. Est-ce que tu as reçu des menaces ? Je suis obligé de te demander avant d'aller les voir. Takuya n'est pas content, il ne veut pas qu'il y ait un nouveau scandale.

Elle se rendit compte soudain que ses décisions pouvaient provoquer des malentendus pouvant causer de terribles conséquences pour d'autres. Et si cette famille de yakuzas s'en prenait au directeur de l'hôtel et à son personnel ? Et si la police s'en mêlait ? Bon, mais d'abord, comment l'avait-il retrouvée? Est-ce qu'elle était filée ? Est-ce qu'ils la traçaient avec un GPS ? Etait-elle sur écoute ?

- Je... Comment dire..., balbutia-t-elle.

- Je peux monter ? demanda-t-il d'un ton dégagé qui lui parut surfait.

Elle se figea brusquement. Monter ? Quoi, il était en bas, à la réception ?

- Ou... Oui, répondit-elle.

Après avoir raccroché, elle passa rapidement un t-shirt et un jeans, puis courut ouvrir la porte pour l'attendre dans le couloir. Elle sursauta en le voyant directement devant elle. A son expression, et vu le portable dans sa main, elle comprit qu'il avait passé l'appel de là. Il jeta un regard prudent dans la pièce avant d'entrer, et tint à refermer lui-même la porte derrière eux. D'ailleurs, il la verrouilla.

- Que s'est-il passé ? demanda-t-il en inspectant rapidement les meubles et la salle de bains.

Elle trouva son comportement grossier, mais son jugement devenait futile lorsqu'elle se rappelait le milieu auquel il appartenait.

- Je suis partie, c'est tout, il ne s'est rien passé, répondit-elle en haussant les épaules.

Toute attirance physique pour lui était désormais inhibée par la crainte que lui inspirait cette situation. Elle aurait préféré que ce soit Takuya face à elle, elle aurait été moins impressionnée. Il tendit la main en étendant le petit doigt et le pouce. Elle lui remit son portable, qu'il inspecta à son tour. Puis il l'éteignit et le rangea dans sa propre poche.

- Tu sais, tu ne peux pas faire n'importe quoi, expliqua-t-il tranquillement. L'hospitalité de notre famille n'est pas quelque chose que tu peux prendre à la légère, et la refuser est encore plus insultant.

- Ce n'est pas ça, c'est que...

Il lui adressa un regard amusé qui l'arrêta tout de suite.

- Si tu as peur pour ta réputation, pour ton intégrité physique ou pour ton indépendance, tu vas les perdre très sûrement, continua-t-il sur un ton professoral. Le caillou et l'œuf ne peuvent pas rester longtemps ensemble, et l'œuf devra toujours faire attention. Mais tant que le caillou ne s'approche pas de trop près, il n'est pas nécessaire de lui reprocher sa force ?

Il l'avait percée à jour, et elle trouvait son petit laïus un brin paternaliste, mais elle ne se démonterait pas pour si peu. Son erreur avait sans doute été de tenter de se justifier, et c'est là qu'il avait pris l'ascendant sur elle.

- Je fais ce que je veux, dit-elle en le saisissant par le bras pour l'entraîner vers la porte.

Ce fut un échec monumental : même s'il eut l'air très surpris, elle ne réussit pas à le déplacer de ses appuis. Il y eut un silence étrange, puis il éclata d'un rire si franc qu'elle finit par le rejoindre dans son hilarité malgré elle. Cependant, c'était un rire nerveux.

- Bien sûr, je n'avais aucune chance de te faire sortir de force, pas vrai ? dit-elle en soupirant.

Il lui adressa un regard plein de compassion et détacha sa main de son bras pour la guider vers le lit sur lequel il la fit asseoir. Lui-même resta debout, alors elle voulut se lever aussi, mais il la repoussa doucement pour qu'elle se retrouve assise à nouveau.

- Dans ta vie habituelle, tu es sans doute une femme courageuse et une battante, dit-il d'un air compréhensif. Mais, ici et maintenant, accepte de ne pas contrôler tout ce qui t'arrive. Je te promets que tu ne subiras aucun mal, si tu suis cette règle simple.

Et il posa une main sur sa tête, une main lourde, chaude et ferme. Par réflexe, elle voulut s'y soustraire, mais il la garda sous sa coupe jusqu'à ce qu'elle renonce.

- Ce n'est que ma main sur ta tête, dit-il quand elle fut redevenue immobile. Pour d'autres personnes, ce sont des gestes beaucoup plus dramatiques, tu comprends ?

Elle leva les yeux vers lui et lut dans son regard qu'il en parlait d'expérience.

- Alors, maintenant, tu vas reprendre tes affaires et je vais te ramener à ton hôtel, poursuivit-il sans enlever sa main. Je ne monterai pas dans ta chambre avec toi, je m'arrêterai dans le hall. Tu resteras dans cet hôtel encore une semaine entière, et ensuite tu pourras partir où bon te semblera. Si tu essaies à nouveau de fuir, alors tu disparaîtras. Mais pas forcément de la façon dont tu le voulais au départ. Tu me comprends ?

Elle hocha la tête en tremblant de rage. Des larmes coulèrent sur ses joues, elle les essuya avec fureur. Sly caressa sa tête, puis son visage, et s'accroupit devant elle pour la regarder attentivement.

- Tu es belle, dit-il simplement. La colère te va bien.

Elle lança brusquement la jambe en avant ; c'était plus fort qu'elle. Même s'il prit le coup au visage, il n'en fut pas très affecté, car il avait eu le réflexe de rejeter sa tête en arrière. Il se releva rapidement en titubant un peu, les yeux brillants, le nez en sang.

- Tu es adorable, dit-il en riant et en grimaçant en même temps. J'espère que tu vas rester ici très longtemps.

Puis, il se jeta sur elle et la poussa sur le lit. Maintenant sa tête dans les oreillers, il réalisa sur elle une clef de soumission si douloureuse qu'elle crut qu'elle allait en mourir. C'est dans cette douleur et cette suffocation qu'elle se souvint d'un détail important qu'elle avait sottement oublié : c'est Sly qui avait roué Takuya de coups de bâton. Pourtant Takuya était un membre important de cette famille. Pourtant ils étaient frères de sang.

La Fleur et le YakuzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant