La Fleur et le Yakuza

Chapitre 13

Ils rentrèrent à la résidence principale en catastrophe. Elle ne voyait absolument pas la nécessité de précipiter leur retour, mais mystérieusement, il avait jugé que cela était indispensable, pour s'assurer qu'elle ne lui cachait rien. Suite à sa remarque anodine, il avait senti qu'elle s'était raidie dans ses bras, et avait voulu tirer cela au clair. Il était hors de question qu'elle lui explique comment elle comptait se soustraire au destin de poule pondeuse qu'il prévoyait pour elle, alors il s'était mis en colère. La félicité qu'ils venaient juste de découvrir avait volé en éclats dans le même temps, et il l'avait traînée à la voiture pour revenir à la civilisation.

Leur retour surprit Sly en plein entraînement, mais il délégua rapidement. Il n'osait pas la regarder dans les yeux, mais elle observa avec satisfaction qu'il avait des cernes et l'air un peu négligé. Si le traître avait une conscience, et une de sincérité, il avait dû regretter de lui avoir lui-même donné à boire la décoction qui avait servi les desseins de Takuya. Ce dernier était tellement choqué par sa nonchalance sur le sujet de sa future progéniture qu'il en tremblait de colère.

- Je veux qu'on l'examine de la tête aux pieds! rugit-il en rentrant dans ses quartiers.

Elle nota que même si elle était officieusement sa concubine, on lui avait gardé une chambre séparée. Elle avait bien compris que son statut était temporaire, mais tout de même, n'était-ce pas un peu trop évident ?

- Qu'est-ce que tu as encore fait ? demanda Sly.

Son corps tourné vers la porte, et la tête vers le sol, il avait l'air pressé de ne plus être en sa présence.

- Mais rien du tout, mon frère, répondit-elle en insistant sur ce dernier mot.

Il hocha la tête, l'air incrédule, et suivit les pas de Takuya. Plus tard, il revint, embarrassé.

- Tu sais, commença-t-il sur un ton hésitant, ça ne se fait pas de refuser de porter les enfants de l'héritier d'une famille comme la nôtre. Il faut que tu renonces à toute contraception.

- Sinon, vous allez faire quoi ? fit-elle en haussant les épaules. Je vous trouve gonflés de vouloir contrôler jusqu'à mon corps.

Il se prit la tête dans les mains.

- C'est une question de légitimité, expliqua-t-il. Il est déjà fiancé, et tu n'es qu'une concubine. En plus de cela, tu es noire ! Pour être pris au sérieux, il faut au moins qu'il amène un héritier sur la table des négociations avec le chef de la famille.

- Mais je m'en fiche complètement ! s'écria-t-elle, énervée.

Et surtout, comment osait-il prendre le parti de Takuya, qui venait quand même de les priver tous deux d'une histoire commune pour son propre bénéfice ? Sa loyauté infaillible à ce qui ressemblait plus à un enfant gâté qu'à un homme la sidérait totalement.

- Tu vis encore comme si tu avais un ailleurs où aller, lui reprocha-t-il. Ce n'est plus une option depuis longtemps. Ta famille est ici ! Et si tu ne suis pas ses règles, tu vas en payer le prix.

Son visage furieux l'impressionnait un peu, mais elle savait qu'elle pouvait compter sur sa propre colère pour se défendre.

- Quoi ? Tu vas me frapper, moi aussi ?

- Takuya est encore trop bon avec toi, dit-il encore en la pointant du doigt. Nous devrions te faire tatouer.

Sur ces mots, il tourna les talons et partit. La faire tatouer ? Quoi, comme les gangsters ? Elle regarda la peau de ses bras. Même pas en rêve !