Elle se réveilla dans ses bras, naturellement. La lumière du jour entrait par la grande fenêtre sans voile. On voyait les cimes des arbres dans le bois en contrebas. Il dormait encore, un bras replié sous sa tête, et l'autre sur elle, sur sa taille. Elle étudia son collier, fait de perles bleues noires qu'on aurait dit tirées d'un chapelet. Elle n'avait pas remarqué qu'il avait une fine cicatrice sur la base du cou, près de la clavicule. Doucement, elle bascula le bassin pour se rapprocher. Son bras glissa mollement sur elle et sa main s'arrêta sur ses fesses. Mécaniquement, il s'y agrippa, sans se réveiller.
Sérieusement, pensa-t-elle en serrant les dents pour ne pas protester. Il était pervers même dans son sommeil. Il remua encore, et ses cheveux couvrirent la cicatrice.
On frappa discrètement à la porte de la chambre. Takuya grogna, et une femme en tablier entra, un plateau chargé à la main. Elle salua et déposa le petit-déjeuner par terre près du lit, face à la fenêtre. Elle salua à nouveau avant de disparaître derrière la porte qu'elle referma doucement. Takuya se mit en mouvement à ce moment-là, comme un serpent en embuscade. Sans lui laisser le temps de comprendre ce qui se passait, il passa un bras autour de sa gorge, de ses épaules et la serra contre lui, dos contre poitrine. A nouveau, elle sentit son désir contre elle.
- N...
Il mit sa main sur sa bouche pour la faire taire et pressa son bassin contre le sien.
- Je t'ai laissé une chance de partir indemne avant mon réveil, d'une voix endormie, mais tu dois penser que je ne suis pas viril. Cette nuit, tu as dormi paisiblement dans mes bras comme si rien ne pouvait se produire entre nous. Te serais-tu autant détendue avec un autre ?
Il n'avait pas prononcé son nom, mais elle comprit à qui il faisait allusion. Elle relâcha ses muscles pour bien montrer qu'elle ne résisterait pas, mais elle réfléchissait à toute allure, les mains sur son bras. Surpris par sa réaction, il voulut regarder son visage. A ce moment, elle projeta sa tête de toutes ses forces. Ils crièrent tous deux de douleur.
- Mais tu es folle ! hurla-t-il en se tenant les tempes.
Il y eut des bruits de pas précipités derrière la porte, et il cria rapidement un ordre de repos.
- J'en ai assez que que tu me fasses passer pour un incapable, se plaignit-il en lui jetant un regard noir.
Elle lui tira la langue et sortit du lit en rampant. Au contact du sol, un fou rire la saisit soudain, et elle laissa sa nervosité s'exprimer. Il l'observait en se tenant la tête, les sourcils froncés, l'air vexé.
- Quoi, je ne te plais pas ? demanda-t-il en frôlant son torse avec sa main libre.
Son geste, chargé de charme et de séduction, la rendit encore un plus nerveuse ; mais elle cessa de rire.
- Tu es beau et très bon danseur, répondit-elle, mais tu sais bien que c'est...
Il l'interrompit d'un sifflement sonore, et soudain, il n'eut plus du tout l'air vulnérable.
- Ne finis pas cette phrase si tu veux que je continue à respecter ta volonté, dit-il froidement en se levant. Tu mets du temps à comprendre ta situation, mais ta compagnie est rafraîchissante et j'apprécie ta présence. Pour le reste, j'attendrai un meilleur moment.
Il ponctua sa phrase d'un bref sourire qu'elle jugea faux et se dirigea vers une autre porte qui donnait sur une salle de bain rutilante. Il laissa la porte ouverte, fit couler l'eau dans la baignoire creusée au niveau du sol et se déshabilla entièrement sans la quitter des yeux. Par fierté, elle ne voulut pas détourner le regard. Il lui lança un regard de défi avant de lui tourner le dos pour entrer dans le bain. Lorsqu'elle fut certaine qu'il ne la regardait plus, elle s'allongea sur le sol, les bras en croix. La pression constante, les interdits, le jeu de séduction, la résistance, tout cela lui prenait trop d'énergie. Elle avait besoin de souffler, de retourner à sa vie tranquille et bien réglée. Sa vie solitaire et sûre, où tout était sous contrôle. Mais elle était là, dans cette chambre. Avec lui.

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La Fleur et le Yakuza
General FictionUne nuit de fête et une rencontre qui bouleversent sa vie... Faut-il résister ou se laisser porter par l'émotion et les événements?