La Fleur et le Yakuza

Chapitre 10

- Finissons-en tout de suite.

- Non, non, non, ma chère. Nous allons prendre notre temps.

Elle renversa sa tête en arrière pour terminer son verre de cocktail d'une traite. Il fronça les sourcils et allait protester, mais elle saisit sa main et l'entraîna sur la piste de danse. Elle avait compris ce qu'il voulait, elle ne le décevrait pas cette fois-ci. Comme la première fois, ils n'eurent pas besoin de se parler : leurs corps s'ajustèrent l'un à l'autre, et ils se mirent à sourire et rire de leur complicité. Elle était obligée de le reconnaître : Takuya parlait bien avec son corps. Elle se sentait bien quand ils dansaient. Pourquoi ne pouvait-il pas se contenter de cela ?

Il l'avait invitée à danser, c'était une très bonne idée : elle avait besoin de décompresser et de s'oublier. Elle avait aussi besoin de se souvenir de cet aspect de lui pour ne pas le détester. Les danseurs autour d'eux semblaient pour la plupart aussi narcissiques que lui, avec des attitudes et des styles variés. Il en avait salué quelques-uns en arrivant, sans doute des amis, peut-être des vassaux ? Il l'avait prévenue : si elle essayait de jouer la dure, il serait obligée de la dominer devant tout le monde, et ce serait très désagréable. Il lui avait explicitement demandé de ne pas provoquer de scandale. Il avait ajouté que sa présence à ses côtés serait déjà un assez grand choc à gérer. Elle espérait juste qu'il n'essaierait pas d'en profiter. D'ailleurs, la musique était bonne, la programmation géniale ; elle aurait pu ne jamais quitter la piste de danse... Mais il n'avait aucune intention de la laisser tranquille. Après quelques morceaux, il l'entraîna gracieusement à leur alcôve.

Une très belle femme l'arrêta en chemin, lui glissa quelques mots à l'oreille et lui caressa la joue avec un regard qui en disait long sur leur relation. Il lui fit un baisemain en souriant et la planta là. Elles se dévisagèrent, puis la femme fit une grimace dédaigneuse et tourna les talons.

- Dis-moi que tu es jalouse, plaisanta-t-il lorsqu'ils s'assirent enfin.

- Je suis jalouse, dit-elle docilement.

Il éclata de rire.

- Dis-moi que tu m'aimes.

- Je t'aime.

Son silence l'inquiéta, alors elle vérifia qu'il n'allait pas s'énerver. Il la regardait avec un air un peu étrange. Elle s'éclaircit la gorge et poursuivit :

- Je rigole, bien sûr.

- Bien sûr, répéta-t-il en prenant une gorgée de son verre.

Elle s'était promis de ne rien boire de la soirée, en dehors des boissons que l'on aurait décapsulées devant elle. Elle ne doutait pas une seconde que Takuya pourrait réécrire son histoire en un claquement de doigts, mais elle n'allait pas non plus lui faciliter la tâche.

- Tu ne veux pas savoir qui était cette femme ? demanda-t-il.

Elle secoua la tête. Elle avait vu son style, ses bijoux, son attitude ; tout respirait le luxe et la vie facile.

- C'est ma fiancée, dit-il.

Elle ne put retenir sa surprise. Sa fiancée ? Il hocha la tête pour confirmer la réponse à sa question muette.

- Nos familles sont alliées, alors le mariage a été arrangé assez naturellement, expliqua-t-il. Nous ne nous aimons pas, mais nous risquons de passer notre vie ensemble à faire semblant d'y trouver notre compte.

Il se pencha vers elle.

- Elle est belle et élégante, n'est-ce pas ?

Elle était obligée d'en convenir avec lui.