A son second réveil dans les bras de Takuya, elle ne commit pas la même erreur et se leva tout de suite. Son bas-ventre lui faisait un mal. Durant la nuit, il avait été un peu brutal, mais généralement il avait été un amant attentif. Cela dit, elle ne souhaitait pas remettre ça de sitôt. Il la sentit bouger et se mit à tâter le lit là où elle se trouvait un peu plus tôt.
- Ne quitte pas le lit avant moi, je déteste ça, grogna-t-il, les yeux fermés, en attrapant l'oreiller sur lequel elle avait dormi pour le serrer contre lui.
Elle se rappela soudain qu'il n'était pas vierge, et que d'autres femmes avaient dû passer par cette épreuve avant elle. Où étaient-elles maintenant ? Qu'étaient-elles devenues ? Elle n'aurait pas été surprise de découvrir un harem de femmes abandonnées. Maintenant qu'il avait eu ce qu'il voulait, qu'elle n'avait plus de mystère pour lui, il pourrait peut-être envisager de la laisser rentrer chez elle ?
Elle prit une douche rapide et s'habilla des vêtements qu'elle portait à son arrivée. Elle allait sortir de la chambre lorsqu'il se redressa brusquement.
- Ne fais rien de stupide, dit-il, la voix encore chargée de sommeil. Ce corps ne t'appartient plus, il appartient à ma famille, et j'en suis responsable. Attends-moi, je t'emmènerai où tu voudras...
Elle quitta la pièce sans faire plus attention à lui. En suivant à l'inverse, de mémoire, l'enchaînement de salles et de couloirs qui l'avaient menée à cette maudite chambre l'avant-veille, elle croisa des gardes, des femmes en tablier, quelques vieillards et familles attablées. La maison était silencieuse, mais pleine d'un monde discret. Est-ce que tous ces gens savaient pourquoi elle était là ? Elle parvint à la cour, où plusieurs voitures aux vitres teintées étaient garées. Des hommes en costume la saluèrent poliment. Elle prit une profonde inspiration et fit signe à l'un d'eux de l'emmener.
- On va rejoindre Sly, dit-elle en s'installant sur la banquette arrière, tandis qu'il démarrait.
Pendant tout le trajet à la résidence principale, leurs regards se croisèrent dans le rétroviseur, mais il détourna toujours les yeux rapidement. Puisqu'elle n'était quasiment pas sortie de la chambre pendant son séjour, le personnel devait se poser toutes sortes de questions sur elle. Et la plus évidente était la plus délicate à poser. Elle fit mine de ne pas se rendre compte qu'il la dévisageait. Ils étaient presque arrivés lorsque le chauffeur reçut un appel, et elle devina à sa réaction que Takuya avait repris le contrôle de la situation.
- Le jeune maître veut que vous reveniez à la maison, je vous ramène, dit-il en amorçant un demi-tour.
Elle tenta de discuter, mais il fit la sourde oreille. Ils repartirent dans l'autre sens. Lorsqu'elle reconnut le bois et la maison, un grand sentiment d'abattement et de déprime l'envahit à nouveau. Takuya l'attendait au portail, avec des sandales à la main.
- Faisons une petite balade, dit-il en l'enlaçant comme elle descendait malgré elle.
Il lui servit d'appui pour changer ses chaussures, qu'il confia au chauffeur avant que celui-ci ne gare le véhicule au garage, et il lui prit la main. Il avait revêtu une tenue de jogging très simple, loin de l'image très recherchée qu'il avait au club. Elle nota aussi qu'il portait des lunettes qui lui donnaient l'air d'un monsieur-tout-le-monde, en fait. Elle, en revanche, avait encore et toujours sa robe de fête sur le dos. Il avait été prévenant de penser à lui apporter des sandales.
Les arbres du bois étaient assez espacés, la marche n'était pas difficile, mais les racines émergeaient parfois traitreusement du sol. Elle s'en sortait bien, cependant. Et pour les passages compliqués, il la soulevait dans ses bras pour qu'elle ne se blesse pas. Les rayons du soleil éclairaient la nature qui s'éveillait au printemps, son manteau l'abritait de la brise fraîche. Ils marchaient sans parler, en se tenant la main. A plusieurs reprises, elle l'avait lâchée, mais il avait tenu à la reprendre en la taquinant. Ils firent une pause sur un tronc épais vraisemblablement fauché par la foudre. Il s'allongea de tout son long, et poussa un long soupir avant de fermer les yeux. La nature était silencieuse, ils étaient seuls. Elle le poussa brusquement. Il tomba brutalement en jurant, se releva presque aussitôt, les vêtements maculés de terre. Un nouveau juron fusa lorsqu'il marcha par inadvertance sur ses lunettes. Cette petite vengeance lui fit beaucoup de bien ; elle éclata de rire.
- Combien de temps vais-je subir cette violence gratuite ? se plaignit-il.
Le tronc était entre eux, il l'enjamba lestement et se retrouva près d'elle. Elle s'attendait à des représailles, mais il prit son visage dans ses mains et l'embrassa tendrement avant de la serrer dans ses bras sans rien dire. Il la berça un peu dans ses bras, puis ils se mirent à danser doucement sur une musique imaginaire, qu'ils semblaient entendre tous les deux. Il finit par l'attirer et l'asseoir sur le tronc pour l'embrasser plus longuement, en caressant son corps sous le manteau. Elle ne lui rendit aucune caresse, mais elle répondit à ses baisers. Ensuite ils reprirent leur marche, toujours en se tenant la main. Il entrecroisa leurs doigts pour qu'elle ne puisse plus lui échapper. Ils finirent par arriver à un étang, qu'ils longèrent en silence. Il avait l'air de beaucoup apprécier la vue de la nature autour d'eux, il souriait beaucoup. Parfois, il se penchait pour ramasser un petit caillou et le jeter dans l'eau. Lorsqu'il fut temps de revenir sur leurs pas, il fit mine de la jeter à l'eau, mais elle s'agrippa si fort à lui qu'il renonça en riant. Ils n'échangèrent plus un mot sur le chemin du retour, mais dès qu'ils rentrèrent à la maison, elle lui demanda de lui faire l'amour tendrement. Quand ils furent tous deux satisfaits, elle se dit qu'il ne lui faudrait peut-être pas longtemps pour oublier Sly, et qu'elle gagnait peut-être au change. C'est à ce moment que Takuya prononça des paroles qui lui ramenèrent brutalement les pieds sur terre.
- Je me demande quel genre de mère tu seras.
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La Fleur et le Yakuza
General FictionUne nuit de fête et une rencontre qui bouleversent sa vie... Faut-il résister ou se laisser porter par l'émotion et les événements?