Assis sur mon banc, je me penchai légèrement et, du bout du pouce, j'essuyai délicatement la tempe de Taehyung qui sursauta aussitôt. Trop occupé à ses pensées il ne m'avait même pas remarqué, j'ignorais même s'il avait vu que l'animation était finie.
« Qu'est-ce que ça représente pour toi, les étoiles ? lui demandai-je doucement.
- Beaucoup de choses, finit-il par dire après un silence qui m'avait semblé long.
- C'est pour ça que t'es aussi ému ?
- Ouais. »
Plus qu'un murmure, sa réponse avait été un souffle qui avait peiné à monter jusqu'à moi. Ça lui donnait des airs de confidence et je savais que d'une certaine manière c'était le cas. Je n'osai pas lui en demander plus, lui se redressa à son tour avant de m'adresser un sourire.
« Alors, reprit-il de sa voix enjouée habituelle, ça t'a plu ? »
Pour une fois j'avais envie d'être honnête avec lui, tout comme ses larmes l'étaient avec moi.
« Ouais, répondis-je en souriant, c'était dingue. »
Il parut surpris de ma réponse mais son sourire s'élargit et il opina doucement. Je relevai les yeux sur le dôme, il vint s'asseoir vers moi et en fit autant. Nous étions silencieux depuis quelques instants lorsqu'il prit la parole d'une voix basse et qui, sur le début, se fit hésitante.
« J'avais huit ans à l'époque. Mes parents, mon frère et moi formions l'archétype de la petite famille parfaite. Tout allait bien dans le meilleur des mondes, j'avais une enfance sereine que beaucoup pourraient m'envier. Et puis... un soir d'été c'est mon oncle qui est venu me chercher chez l'ami chez lequel je passais la journée. J'étais content de le voir, à l'époque il tenait déjà son petit magasin de glaces et chaque fois qu'il venait il nous apportait quelques trucs qu'on passait ensuite la soirée à bouffer. Sauf que... c'était pas pour ça qu'il était là. »
Sa voix tremblait et, par réflexe, je couvris sa main de la mienne en lui offrant un regard encourageant. Taehyung déglutit et releva les yeux en direction des étoiles, le cœur visiblement lourd et le visage marqué par la douleur.
« Mon père avait été percuté par une voiture en sortant de son travail. Il était tard, un jeune alcoolisé avait pris le volant et ne l'avait pas vu traverser. Le conducteur n'a pas subi la moindre égratignure mais mon père était à l'hôpital entre la vie et la mort. »
Un frisson courut le long de ma colonne vertébrale à cet aveu.
« J'étais petit, j'avais besoin de lui, j'avais si peur de le perdre. Ce soir-là j'ai beaucoup pleuré, j'en avais même oublié que c'était cette nuit même que nous avions prévu d'observer les étoiles filantes tous ensemble. J'étais dans ma chambre en train de me lamenter quand Jin est entré et m'a demandé de le suivre. Lui aussi il avait pleuré, ça se voyait. Mais jusque là on avait préféré rester chacun dans notre coin, on ne voulait pas que ça se voie.
« On est allés ensemble dans le jardin et on s'est allongé sur la pelouse. J'étais sur le point de lui demander ce qu'on faisait quand une première étoile filante a traversé le ciel, puis une deuxième et ensuite une ribambelle d'autres. Mon frère m'a dit de faire un vœu et lui aussi en a fait un. C'était la première fois que je ne lui demandais pas ce qu'il avait souhaité : je savais qu'on avait fait le même vœu. À chaque étoile qui passait je renouvelais le mien comme si ça pouvait le rendre plus puissant. Pour la première fois de ma vie j'avais besoin de croire qu'une simple étoile filante pouvait réellement exaucer les vœux.
« Au bout d'un moment, il y avait tant de larmes dans mes yeux que je ne les voyais plus, les étoiles. Mais je continuais de les prier comme si c'était ma propre vie qui était en jeu.
« Nous nous sommes endormis là avant les dernières étoiles filantes et nous avons été tirés de notre sommeil par notre oncle alors que le jour se levait à peine : les médecins avaient du mal à y croire, mon père avait ouvert les yeux et nous avaient réclamés, ma mère, mon frère et moi. Il allait lui falloir rester encore à l'hôpital un bout de temps mais son pronostic vital n'était plus engagé, il allait s'en remettre.
« Je me souviens ce jour-là être arrivé devant sa chambre. Une infirmière venait d'en sortir. Elle nous a souri, à Jin et moi, et nous a dit que c'était un miracle que notre papa s'en soit sorti. Je lui ai répondu que ce n'était pas un miracle, c'était simplement les étoiles. Je crois que c'est depuis ce jour que les regarder me plaît tellement, m'apaise tellement. Elles me donnent la sensation de veiller sur moi et chaque fois je repense à ce jour-là : elles ont sauvé mon père. »
Il finit son histoire avec une voix emplie d'espoir. Ça me toucha énormément : j'avais attribué son émotion à quelque chose de plus tragique, j'étais rassuré d'apprendre que c'était en vérité un si beau récit que ses larmes cachaient.
Taehyung reposa finalement son regard sur moi, un sourire fut échangé et ce fut nos mains qu'il observa ensuite. La mienne était toujours posée sur la sienne.
« Tu crois que notre rencontre est un hasard ? s'enquit-il.
- Je sais pas... t'en penses quoi, toi ?
- Je crois qu'il ne faut pas attribuer au hasard ce que les étoiles décident.
- Et les étoiles... qu'est-ce qu'elles ont décidé d'après toi ? »
Lui et moi savions parfaitement ce que j'attendais comme réponse, mon cœur déjà battait à tout rompre et nos deux regards s'étaient rencontrés sans plus vouloir se quitter. Je m'étais complètement abandonné à mon instinct, laissant tomber ma raison qui voulait que j'évite de me laisser aller de cette façon.
J'ignorai si c'était Taehyung, moi ou bien nous deux, mais il me sembla que nos visages étaient plus proches à mesure que les secondes passaient. Toute trace de raison avait bel et bien déserté mon être ; tout ce dont j'avais envie, c'était de découvrir le goût de ses lèvres contre les miennes. Plus rien d'autre n'avait d'importance, mon cœur battait trop fort pour que mon esprit parvienne à se faire entendre.
Ce fut au bout d'interminables secondes que, son souffle chaud contre ma peau et son bras autour de ma nuque, il me prit ce qui était mon premier baiser. Il agissait avec une telle délicatesse que j'en vins à croire qu'au fond de lui il savait que je n'avais aucune expérience. Je ne savais pas quoi faire de mes bras, mes mains étaient simplement posées sur le banc : j'avais besoin d'un appui sinon j'allais m'effondrer, et la position n'était pas des plus idéales pour pouvoir enlacer mon agaçant marchand de glaces.
Ses lèvres étaient d'une douceur incomparable contre les miennes, mes yeux clos me permettaient de me concentrer uniquement sur lui et ses doigts qui s'entremêlaient aux petits cheveux du haut de ma nuque pour les caresser gentiment. C'était si délicat, si bon... impossible désormais d'imaginer pouvoir lui résister plus longtemps, j'avais déjà cédé et je ne comptais plus me voiler la face devant lui : j'aimais sa présence, j'aimais son naturel un peu lourd mais terriblement adorable.
Nous ne nous connaissions pas assez pour que je puisse affirmer que je l'aimais, mais j'avais envie de le découvrir, il me fascinait.
« Ça va ? » souffla-t-il doucement contre ma bouche en reculant à peine son visage du mien.
Pour toute réponse ce fut à mon tour de venir cueillir doucement ses lèvres.
Si les étoiles avaient un goût, j'étais convaincu que c'était à l'instant et non hier soir que je venais d'y goûter... et ça resterait sans doute longtemps mon parfum préféré.
VOUS LISEZ
Sorbet parfum étoiles [Vkook]
Fanfiction[Terminé] Les beautés les plus délicates avaient toujours été les plus difficiles à saisir. C'était ce simple constat qui m'avait poussé à nourrir une dévorante passion pour les étoiles. Ce fut ce même constat qui, un été, me poussa à nourrir une pa...