11. Can you hear me laughing

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Looking through the window, 14h15

La fumée s'envolait doucement dans l'air froid. Février avait imposé sa loi, la chaleur n'avait plus sa place dehors.

Je tirai encore une bouffée de ma cigarette, songeant à ce que dirai Shiro s'il me voyait fumer dans notre chambre, malgré la fenêtre grande ouverte. Je grimaçai en pensant à son sermon : un topo sur les dangers du tabac, la pollution des mégots,... Enfin bref, tous les trucs avec lesquels il me bassinait depuis qu'il m'avait surpris, fumant dans SA chambre.
La vérité, c'était que je fumais très rarement, parfaitement conscient des conséquences de mes actes.
Je n'en tirai pas de réel plaisir -est-ce que ça servait vraiment à quelque chose cette merde ?- mais la clope avait un attrait de par son "interdit" que je n'arrivai pas à me refuser. Je ne souhaitai même pas me le refuser, à vrai dire.

J'inspirai.

La cigarette, c'était mon moment de faiblesse.

J'expirai.

C'était ma pose hors du temps.

J'admirai le nuage léger s'échappant de mes lèvres et montant vers le ciel gris.

Gris.

Le gris menaçant. Comme le premier jour. Comme le jour de mon arrivée, ici.

" Dear mother "

Je souriais entre deux bouffées.

" Can you hear me laughing "

En repensant au chemin parcouru, je n'avais pas toujours été faible, finalement.
Alors j'avais le droit maintenant, de vivre un instant, en refusant d'en voir les conséquences, en m'aveuglant dans ma fumée toxique.

" It's been six whole months since that I have left your home "

Cela faisait maintenant six mois que j'étais là.

" It makes me wonder why I'm still here "

Et c'était bizarre, mais j'aurais presque pu dire que j'y étais bien, si je n'étais pas si ingrat.

" For some strange reason it's now "

Je refusais de lui donner raison, à ma mère,

" Feeling like my home "

Mais ici c'était désormais chez moi.
Avec ce ciel gris immuable, l'imposant grillage entourant la propriété, les interminables sermons de Shiro, le bâtiment à l'autre bout de la rue pour les cours, la pizzeria, le skateparc au coucher du soleil, mon Tipi dans la nuit,...

" And I'm never gonna go "

Et puis, j'avais mes amis maintenant.
Je n'étais plus comme avec ma mère.
Je n'étais plus seul.

La porte s'ouvrît quelques minutes plus tard. Je ne bronchais pas, sachant très bien que si la personne entrée était Shiro, j'aurais déjà perdu la vie.
Au lieu de ça, des mains glissèrent sur mes hanches, un dos se colla au mien, un menton se posa sur mon épaule, et un regard suivi le mien, qui fixait le lointain, là-bas, au loin.
L'odeur de Lance, si facilement reconnaissable pour moi, couvrit peu à peu l'odeur de la cigarette.

- " Je ne fume pas, je ne bois pas, et ma seule drogue, c'est toi. " ~ murmura t-il en inspirant profondément dans mon cou.

J'éclatai de rire de bon coeur et le repoussai, l'expulsant à l'intérieur de la chambre, loin de moi. Et même si je ne laissais rien paraître, je tentais tant bien que mal, de calmer les sauts de joie de mon coeur, suite à ces mots.
Une fois un peu de contenance retrouvée, j'écrasai ma cigarette et refermai la fenêtre avec précaution.
Il souriait, visiblement fier de son coup. Mais cela faisait bien longtemps que je n'espérais plus rien. C'était comme ça entre lui et moi.

J'étais son ami.

Alors qu'il était bien plus pour moi.

Le plus dur restait de supporter son ambiguïté.
Toutes ces fois où n'importe qui y croirait aussi. Toutes ces fois où je devais supporter sans broncher.
Mais je devais l'avouer, c'était tout de même mieux que de le perdre totalement.

Il était quand même resté six mois. Je perdais communément les gens avant.
J'allais peut-être bientôt le perdre alors...
Mais je n'étais pas prêt à le remercier.
J'avais encore trop de fierté à ravaler, pour tout lui avouer.

Hollywood's studio, 20h13

- " Maiiis naaaaan je rêve ! "~ cracha Allura en lâchant rageusement son paquet de carte.

- " Et oui ma belle, tu as encore perdu ! Et sais-tu qui est le grand gagnant ? " ~ lui lança Lance, visiblement très fier de sa victoire.

Trop de fierté en cet homme.

On était tous assis, sur une nappe de pique-nique à carreaux rouges, absolument magnifique, entrain de se disputer des parties de "président" plutôt mouvementées.
Au grand désespoir d'Allura, Lance enchaînait les victoires, s'amusant comme un petit fou et en usant allègrement des termes "trou du cul" et "vice trou du cul" requis par le jeu.

Un enfant, en somme.

Les cours s'étaient terminés aujourd'hui, nous offrant des vacances de deux semaines, bien méritées d'après moi.
Toujours un réel plaisir les vacances, de toutes façons.

Nous profitions donc de notre temps libre, dans des activités ludiques et intéressantes.

- " Il suffit de retenir les cartes déposées ou non ! Tu gardes tes cartes fortes pour la fin, et une fois que tout le monde s'est jeté dans la bataille, tu les balances ! C'est juste du stockage d'informations Allura... je suis sûr que tu peux le faire... " ~ exposa t-il à son amie ne tenant plus en place d'énervement.

Je le coupai, ne voulant pas laisser éclater une guerre entre les deux énergumènes :
- " Arrête de faire le bg, tu raconte de la merde. "
Il tenta de se défendre en répétant qu'il ne devait la victoire écrasante qu'à la quantité incroyable d'informations que son cerveau pouvait retenir.

Décidé à ne pas le laisser prendre la grosse tête, je continuai de l'enfoncer :
- " The amount of information in your brain could be stored in a paper airplane... "

- " oh yeah ? Well, the amount of information you have, Keith, could be ... " ~ commença t-il d'une petite voix, et visiblement avec une grande difficulté à terminer.

- " yeaaaah ? " ~ l'embêtai-je encore.

- " heeu... It's less than what I have. " ~ finit-il par murmurer, manquant cruellement d'aplomb.

- " ohh good one Lance ! " ~ acheva Hunk, en riant, devant un Lance déconfit.

Une autre partie commença, tandis que Lance boudait.

" When we get old, will we regret this? "

Le jeu ne se jouant qu'à quatre, je les observais, me plongeant encore dans mes pensées.
La musique résonnait dans ma tête et dans l'enceinte, coulant sur la scène.

"  Too young to think about all that shit "

Le monde me paraissait irréel.

" And stalling only goes so far when you've got a head start "

Le ciel me semblait si proche et son rose pâle bien trop exceptionnel.
L'air stagnait.
La scène était parfaite.
Irréelle.
Presque artificielle.

" 'Cause we could stay at home and watch the sunset "

Je me croyais sur un plateau de tournage. Avec un décor créé de toutes pièces.
Comme reculé du monde.
Comme si je me voyais au second plan.

Ce n'était sûrement pas un bon film.

Mais c'était une belle scène.

" But I can't help from asking : Are you bored yet? "

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#1130 mots

Monster ~ Meg & Dia ( légende)
Welcome to Paradise ~ Green Day
Are You Bored Yet ~ Wallows, Clairo

09/2020

These days [ Klance ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant