Chapitre 16 : La passion du Mal - partie 3

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Ginnia pouvait sentir les doigts de Tom lui broyer le crâne, mais la jeune fille continuait à le fixer comme si de rien n'était. La douleur importait peu, tout comme sa nudité et la fraicheur du soir qui lui glaçait les os. Même le corps sans vie de Mrs Warlow... était éclipsé par le retour de Tom. Par le contact de cette main sur sa peau. "Il est vraiment là" réalisa Ginnia. Elle l'avait tant attendu, pendant ces six années. Et même si le visage de Tom avait profondément changé, elle le reconnaissait autant qu'elle sentait que c'était bien lui.

- Tu n'as rien d'autre à dire que : laisse-moi tranquille ? la questionna sèchement Tom en reprenant les mots qu'elle avait prononcé quelques secondes plus tôt.

- C'est à lui que je parlais, s'expliqua Ginnia.

Tom sut immédiatement qui était ce "lui". La petite voix dans la tête de Ginnia. Il lâcha aussitôt le crâne de la jeune fille pour se saisir du journal qu'elle lui tendait. Le cordon était encore bien fixé autour de la reliure et il lui était donc toujours impossible de l'ouvrir. Mais le journal semblait en parfait état. Elle l'avait bien conservé. En remerciement, Tom lui asséna une gifle monumentale.

- Comme je le disais, tu m'as fait courir, reprit Tom alors que Ginnia tenait sa joue douloureuse.

-...

- J'attends, lui fit-il remarquer. Explique-moi pourquoi tu es restée terrée avec cette cinglée alors que tu savais parfaitement que je voulais récupérer le journal ?

- Mrs Warlow n'était pas cinglée, le contredit-elle.

Tom fronça les sourcils. Il avait l'impression d'être revenu au moment où elle s'était insurgée contre lui en criant : Alphard n'est pas faible ! Tom n'aurait jamais imaginé qu'elle recommencerait. Cette fille était censée le vénérer, pas s'opposer à lui. "Tout ça parce qu'Alphard et Warlow lui ont manifesté un peu d'amour" pensa-t-il avec dégoût.

- Elle prenait soin de moi, continua Ginnia. C'était ma famille.

- Tu n'as pas de famille ! s'emporta Tom. Aucune mère ne t'a donné naissance.

- Mais pour elle, j'étais...

- Tu n'étais rien pour elle, et elle n'était rien pour toi. Ta seule attache dans ce monde, c'est ce journal. Mon journal. Il est à moi et tu es à moi.

-...

- Tu as compris ?! s'exclama-t-il en la saisissant durement par le bras.

- Oui, je suis à toi, répondit Ginnia.

Une tache d'encre sur une page blanche, voilà ce qu'elle était. Tant que la page lui appartenait, la tache était aussi à lui. Pour Tom, elle n'était qu'un gribouillis en trois dimensions destiné à jouer un rôle de marionnette. "Pourtant... pour elle, j'étais réelle" pensa Ginnia en baissant les yeux vers Mrs Warlow. Le masque de mort recouvrant le visage de l'infirmière lui retourna brusquement les entrailles. Mais au lieu de vomir, elle versa des larmes.

- Tu en veux une autre ? demanda Tom en levant de nouveau la main.

- Pardonne-moi, dit Ginnia en effaçant ses larmes du bout des doigts.

Tom hésita. Il n'était pas certain de savoir à qui s'adressaient ces excuses. Mais Ginnia lâcha le corps de Mrs Warlow des yeux pour planter son regard dans celui de Tom.

- Je t'ai attendu, dit-elle.

- Pourquoi ? Tu n'étais pas capable de revenir vers moi ? Aurais-je trop changé pour que tu puisses me retrouver ?

GinniaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant