Chapitre 3 _ Lundi 3 décembre (1/2)

2.4K 248 17
                                    


Je regarde la neige tomber par la fenêtre en attendant que l'un des chefs d'un quotidien régional daigne m'appeler. Cela fait deux mois qu'il m'a demandé de lui écrire une série d'articles pour le mois de décembre sur les différentes façons de fêter Noël dans les régions françaises ainsi que les légendes qui relatent de cette période. S'ils ne payaient pas aussi bien, j'aurais déjà proposé mes articles à l'un de mes autres employeurs, s'ils ne m'appellent pas aujourd'hui cela risque de se produire d'ici un ou deux jours. La sonnerie de mon téléphone retentit presque une heure après celle que m'avait donné le rédacteur en chef, en voyant le numéro, je soupire de soulagement. Je me sens en confiance pour négocier les tarifs à partir du moment où j'entends mon interlocuteur s'excuser d'appeler avec autant de retards, je lui rappelle que je lui ai proposé plusieurs horaires pour que l'on discute et que mes articles sont prêts depuis plusieurs jours. Après une dernière excuse, nous discutions pendant une bonne heure des articles puis à négocier le montant qu'il me propose. Même si le prix était presque défini, je suis contente avoir réussi à en obtenir une somme légèrement supérieure à celles que j'avais réussi à obtenir les années précédentes. Quant au rythme de publication de mes articles, leur proposition me convient.

Ce souci enfin réglé, je vais pouvoir contacter le chef cuisinier pour l'émission culinaire que je présente à la radio et lui indiquer les recettes qu'il doit proposer aux auditeurs, manque de chance, sa femme m'informe qu'il n'est pas disponible avant quinze heures. Je choisi alors de regarder mes mails et d'étudier la proposition que me fait un webmagazine de la région qui commence à se faire connaître, ils souhaitent que je travaille pour eux à temps partiels dont une partie pourrait se faire en télétravail. Le magazine parle principalement de déco et des tendances qui se développent dans le quotidien. C'est le premier contrat que l'on me propose qui retient autant mon attention, il m'apporterait plus de stabilité financière tout en conservant une certaine liberté dans mon travail qui me plaît. Midi approchant, j'imprime le mail et le met de côté pour en discuter avec Laura, avec son intuition infaillible, mon amie arrive toujours à m'éviter des ennuis financiers comme personnels. J'aime avoir son point de vue pour pouvoir prendre des décisions réfléchies. Je fais une pause pour aller grignoter un morceau quand ma mère me passe un coup de fil.

On échange quelques banalités puis je lui raconte fièrement comment j'ai bien négocié le contrat avec le quotidien régional. Elle m'écoute patiemment, je la trouve même un peu trop silencieuse, je n'ai pas encore eu une seule remarque sur la précarité de ma situation ou sur le fait d'avoir fait autant d'études et de ne pas trouver un emploi fixe. En général, ce n'est pas bon signe quand elle ne dit rien, j'ai même l'impression qu'elle essaye de ménager avant de m'annoncer une mauvaise nouvelle et je ressens cette même sensation qui se confirme quand elle me dit :

— Ma chérie, cette année nous ne pourrons pas faire Noël avec toi. Le mari de ta sœur n'a pas pu se libérer pour les fêtes. J'ai trouvé des billets d'avions pas très chers pour pouvoir aller au Québec les rejoindre. Je sais, ma puce, que tu devais nous avoir avec toi cette année mais tes neveux grandissent et nous ne pouvons pas les voir autant que nous voulons. Nous partons le vingt-trois décembre mais je voulais t'inviter le vingt-deux pour dîner avec nous et nous en profiterons pour nous offrir nos cadeaux.

À chaque fois qu'elle commence à parler par « ma chérie » ou « ma puce », je suis forcément déçue avant même de connaître l'intégralité de la nouvelle. Je reste silencieuse juste après son annonce, le temps de digérer ce qu'elle vient de m'apprendre. La colère m'envahit petit à petit, je me retiens de raccrocher au nez de ma mère. Je ne sais que trop bien ce qu'il se passe, encore un coup fumeux de ma frangine. Même avec un océan nous sépare mais elle réussit toujours à me pourrir la vie. Ça va être le troisième Noël d'affilé que je passerais sans ma famille et sa réponse sera toujours la même. "Tu n'as qu'à venir nous voir au Canada ! Comment ça, tu n'as pas les moyens de te payer une place pour venir voir tes neveux ? Tu n'avais qu'à choisir un métier qui rapporte plus comme Eddy ou tu peux essayer de garder un mec pour une fois !". Plus j'imagine la voix nasillarde de Léa, plus je m'énerve. Il faut que j'arrête d'y penser sinon je suis partie pour avoir des remontées acides toute la journée. J'apprécie plus mon beau-frère que sa femme qui est pourtant issue du même sang que moi. Quant à mes neveux, je ne les ai pas vus depuis quatre ans, à l'époque Tommy, l'aîné, avait quatre ans et Jay, le plus jeune, avait à peine un an.

Toute la magie de NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant