Chroniques d'une humaine au sang d'elfe~ Tome 3

Chapitre 11: ""Reconstruire""

Pendant six jours, Améïss ne donna aucun signe de réveil. Legolas restait à son chevet à toutes heures de la journée et de la nuit et ne quitta son poste seulement pour rendre visite à Frodon après son éveil. Frodon fut étonné de ne pas voir la jeune femme auprès des autres, et craignit le pire, mais Gandalf lui expliqua rapidement la situation devant les autres, puis explicitement lorsqu'ils n'étaient plus que tous les deux. Le magicien lui conta la prophétie et le rejet de celle-ci par Améïss, puis, même si la raison pour laquelle elle était parvenue à se procurer l'anneau lui était floue, il lui parla de sa corruption et de la manière dont il avait fallu la paralyser.

Le hobbit ressentit une chaleur envahir son cœur. Même si leurs parcours étaient très différents, et leurs épreuves également, ils avaient tous deux mené un combat intérieur contre l'influence d'un anneau maudit. Il savait le dégout qu'elle avait du ressentir en s'imaginant devenir ce qui la rebutait au plus haut point. Il l'avait ressentit. Il savait qu'à son réveil, une douleur se logerait au plus profond d'elle et ne la quitterait jamais. Il la ressentait. Il se confortait dans l'idée d'avoir une personne qui puisse réellement se mettre à sa place, car elle même y avait été.
Mais il fut triste de nostalgie. Cette jeune femme pleine de courage, de chaleur et de générosité, qui veillait toujours sur tous et ne se plaignait jamais de rien; quelle souffrance de la retrouver dans un si piteux état ! Il l'estimait énormément, en l'ayant connu plutôt peu, car elle avait toujours eu foi en lui et l'avait toujours pousser à garder la tête haute.

Elle se réveilla à l'aube du septième jour. Legolas qui veillait encore, fut le premier à la voir. Il se leva de la chaise sur laquelle il était assis puis s'approcha d'elle et essaya de prendre sa main. Elle refusa de la lui donner, en réalité, elle refusait même de croiser son regard. Car elle pleurait. Il comprit qu'elle ne voulait pas de lui ici, qu'elle devait être seule. Alors il la laissa.
Il prévint le reste de la communauté du réveil de la demi-elfe, mais leur demanda de ne pas aller la voir, et cela avec un masque de froideur qui ne lui ressemblait plus depuis longtemps.

Ce jour marqua le deuil de tous. Un jour froid et hors du temps, où les sanglots de désespoir d'Améïss retentirent en boucle, comme un écho lointain.

Venu l'aurore, les pleurs cessèrent et les âmes meurtries sombrèrent dans un sommeil sans rêves. Gandalf se présenta au bord du lit de la jeune femme alors que sa poitrine sursautait encore au tressaut de ses pleurs. Un guérisseur vérifia sa blessure, puis le magicien prit la parole.

-Il est le temps d'une nouvelle ère mon enfant. Tu as pleuré, maintenant il n'est plus l'heure.

-Il n'y a plus larmes qui ne puissent couler le long de mes joues.

-Est-ce injuste?

-Non. Je n'ai pas le mérite de pleurer. Je n'ai pas eu la volonté de me retenir, mais j'ai déverser ma honte et ma haine envers moi pendant ce jour; et les morts que nous avons laissé derrière nous.

-Quelle honte? Ne vois-tu pas que tu as été abusée? Que la manipulation et l'ignorance t'ont menées là où tu es aujourd'hui?

-Et me croire si pure que je pouvais être le messie de ces gens, que je serait capable d'en contrôler le pouvoir. N'est-ce pas honteux?

-Il y a là quelqu'un qui pourra t'en parler mieux que moi.

La petite silhouette d'un Hobbit passa l'embrasure de la porte.

-Frodon? dit-elle d'une voix faible.

Elle ne l'aurait presque pas reconnu. Il était si frêle qu'elle ne saurait expliquer comment ses jambes portaient son corps. Son visage était creuser par la maigreur et ses grands yeux bleus étaient voilés de sagesse et de tristesse. Ce n'était plus son petit Frodon.