Loi Héra

107 18 47
                                    

Article quatre-vingt-quinze de la loi Héra :

- Il est strictement interdit de concevoir un embryon humain non-artificiel ou de donner naissance à un enfant non préprogrammé. Né ou non, un enfant qui ne sera pas près-programmé sera éliminé. Quel que soit son âge.

-Toute conception d'embryon d'un être vivant est interdite, tout comme la végétation et la référence aux arbres, aux animaux ou à la nature est proscrite, toute publication sur ce sujet sera censurée.

Terre, Londres, année 2 168

- Et que j'te revois plus ici, c'est clair?

           Une série injures s'ensuivit, récitées à la manière d'un poème, puis la porte claqua en un fracas sec. Etalée dans la boue, les mains couvertes de sang et d'alcool, elle se releva en titubant.

- T'façon, t'as pas l'mérite d'me voir...'foiré, va!

           Après un cracha acide sur la porte, elle s'éloigna en grommelant des insultes, son discernement encore brouillé par la souillure de l'alcool. A cette heure, les rues de vide se peignaient de nuit et les rat ou autres créatures malfamées hantaient les pavées en quête d'une victime. Elle se retint à un mur, haletant comme un poisson hors de l'eau, ses genoux tremblaient, et les perles de ses yeux roulèrent jusqu'à ce mêler a sang. La douleur lui déchirait l'épaule. Pliant l'échine face à sa douleur, elle avait d'abord noyé son chagrin dans le sommeil, puis dans l'alcool. Mais son ivresse la rendait obnubilée par la haine envers les Supérieurs. Ils avaient tout pris, sa vie ne dépendait plus de rien.

- Lyin, articula-t-elle entre deux sanglots

            Un bout de verre flottait dans sa main, elle l'avait conservé en secret avant de se faire chasser du bar. D'un geste nonchalant, elle le brandit, les larmes abondaient. Elle ne pourrait plus revenir en arrière. Trop tard, ce monde l'avait achevé, elle devait faire taire la douleur. Elle l'enfonça dans son ventre.

Attendant que la mort passe pour la prendre, la vie défila devant ses yeux, elle revint en arrière.

Deux mois plus tôt

            Dans une cave isolée, au milieu des toiles d'araignées et du silence, un cri de nourrisson déchira les airs, suivi des pleurs tant heureux que miséreux. Un enfant naturel venait de naître, dans ce monde déserté par la végétation et la nature, un véritable enfant venait bouleverser cet univers. Lyin, s'était le nom de cet enfant, une jeune fille qui deviendrait ce qu'elle veut, qui vivrait et s'épanouirait comme elle l'entend. Néanmoins, si sa mère parvenait à passer entre les mailles du filet. Elle jeta un œil à son fiancé, recroquevillé dans un coin, il pleurait de joie tout en vomissant, dégouté par le cordon ombilical qui pendait dans sa main. Plus tard, il la rejoignit.

-Tu crois que ça ira? Intima-t-elle d'une voix étouffée, encore épuisé par son accouchement.

-Je l'espère, d'après mes ressources, leur système n'est pas aussi perfectionné qu'ils le pensent.

- Des ressources? Tu comptes sauver notre enfant avec des ressources? La voix de la jeune mère reflétait sa panique.

         Elle ne voulait pas prendre le moindre risque, et voilà que son fiancé prétendait sauver sa fille sur de simples ressources? Elle peinait à y croire. Normalement, ce moment aurait dû être le plus beau de sa vie, mais étrangement, lorsqu'on à peur de la mort, il suffit d'une simple brise pour éteindre l'incendie.

-Tout ira bien, je te le promets, on fera attention, chuchota-t-il en posant une main tremblante sur la joue de sa femme.

Puis, il l'enlaçât tendrement, ignorant les rivières de sueur et de sang sur son corps. La nuit se passa alors dans un silence complice, témoignant de l'amour et de la passion de deux amants hors-la-loi. Au fond de ce monde rongé par l'avidité s'allumait une étincelle, qui pourrait donner naissance à un magnifique brasier.

Story worldOù les histoires vivent. Découvrez maintenant